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Opinion: Bonne journée de lutte contre l’homophobie, Monsieur Serge

17 mai 2024
A pride flag waves in the air

Cet article a été publié à l'origine dans La Presse+ et La Presse.ca

Auteur : Gilbert Émond, professeur agrégé, Département de Sciences humaines appliquées, Université Concordia

Monsieur Serge demeure solitaire à sa nouvelle résidence de personnes âgées (RPA). Il a parlé de ses enfants et de quelques amis restants de ses belles années. Il n’a plus l’autonomie lui permettant de les visiter, ses 80 ans ralentissent tout. Déjà, plusieurs femmes ont tenté de voir s’il les accueillerait avec une chaleur amicale. Il s’est montré craintif, autant de sociabilité soudaine pourrait étouffer un ours solitaire.

M. Serge, Mme Solange et d'autres contribuent à la diversité de leur milieu. Mais, difficile de dire sa diversité sans susciter la stigmatisation, le jugement des autres, l'inconfort possible face au passé. Et si quelqu’un n’aimait pas leur vie passée, que leur arriverait-il à la RPA? Déjà si on ne visite pas sa famille « choisie », elle n’existe soudainement plus et notre monde social peut s’effondrer. Alors que la diversité des milieux reste inconnue, personne n’indique non plus comment la diversité est bienvenue à la RPA.

Après ses expériences parentales, M. Serge a affirmé sa différence, fréquenté quelques bars, il a connu une nouvelle jeunesse et un monde nouveau. Il s’est fait quelques amis, un copain aussi, H., qui a ensoleillé sa vie quelques années. Mais maintenant en quarante ans de vie « de vieux garçon » comme on disait autrefois de ses semblables, M. Serge a perdu son entrain. Il a cessé de boire et sa curiosité du monde de la nuit s’est tarie. Restent quelques amis de sa famille « choisie », ses vrais petits-enfants qu’ils voient à l’occasion. Chaque rencontre est devenue un événement chéri. La solitude s’impose, ne voulant ni décevoir la dame affectueuse, ni risquer de dévoiler son intimité singulière et que les gens le jugent en retour.

Mme Solange a aussi une intimité singulière, toujours assumée. On ne la fera pas rentrer dans la garde-robe, mais elle sait bien que quelqu’un pourrait rire d’elle ou dénigrer son passé parce que ses amours de personnes de son sexe ont été le fondement de son parcours. Personne n’a besoin d’être activiste ou de mener la parade gaie pour mériter son bonheur. Elle a été heureuse d’appuyer les causes, de donner lors des campagnes et de fréquenter le « Village », à l’occasion, parce qu’elle s’y plaisait.

Pour elle et lui, le monde quotidien a tourné autour des enfants qui étaient là, de leur travail; et pour M. Serge autour de son épouse, avant qu’elle ne quitte ce monde, éprouvée par le cancer, il y a peu de temps. M. Serge a soutenu ses enfants et s’est consolé seul parce qu’il avait bien aimé sa femme et qu’il continuait à se préoccuper des siens. Ses amours l’avaient amené ailleurs, mais il ne niait pas avoir aimé être le papa.

Mme Solange, pour sa part, n’a pas eu d’enfants, seulement ceux de ses conjointes, elle a aimé partager leur vie quelques années. Elle les voisine à l’occasion, mais le manque d’autonomie n’arrange pas les choses. Elle regarde venir les événements autour du 17 mai et elle se dit que les jeunes en ont besoin, pour ne pas se creuser un avenir en marge de leur monde. La journée mondiale de lutte contre l’homophobie et transphobie raisonne dans le cœur de Mme Solange et de M. Serge. Pour que la diversité sexuelle soit simplement une diversité de la vie, se disent-ils. Pas une chose dont on rit dans les cours d’école ou qu’on met à l’écart sous un quelconque prétexte.  Et pour que la différence sexuelle ne soit plus une raison pour emprisonner, assassiner ou nuire au cheminement des personnes dans leur vie, ici ou ailleurs.

Ce matin du 17 mai, en sortant pour leur marche matinale, ils ont été surpris de voir des arcs-en-ciel affichés dans le hall de la RPA. Les employés et des bénévoles de leur club social souhaitaient à tout le monde de se sentir en paix avec le parcours de leurs amours et de leur sexualité. S’ils ou si elles voulaient partager une part de leur histoire, entendre celle d’autres personnes ou bien échanger sur ces questions, ils étaient bienvenus. Mme Solange est devenue soudainement plus souriante et s’est retournée vers M. Serge qu’elle ne connaissait pas pour lui souhaiter une Belle Journée en ce 17 mai. Ils se sont regardés, puis sourient d’un air entendu et heureux.

En ce jour qui veut réduire les discriminations et l’isolement dû à la diversité sexuelle, vous pouvez démontrer votre ouverture en souhaitant une Belle Journée du 17 mai à une personne inconnue qui pourra vous sourire et vous comprendre en retour.

Plusieurs groupes aident aussi les personnes âgées LBGTQ+ tels l’ARCG (Association des retraités de la communauté, https://www.arcmontreal.org/) et la Fondation Émergence (https://www.fondationemergence.org/pourquevieillirsoitgai), celle-ci propose les ateliers « Pour que Vieillir soit gai » qui s’adressent entre autres aux résidents et personnels de résidences.



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