L’inclusion au cœur d’un projet pilote inédit du Département de théâtre de Concordia
Au sein du Département de théâtre de l’Université Concordia, un projet novateur met en lumière l’importance de l’inclusion et de l’accessibilité dans le monde des arts.
Au côté d’étudiantes et d’étudiants de l’Université, cinq artistes professionnels des Productions des pieds des mains ayant des handicaps cognitifs ont pris part à un cours intensif de trois semaines axé sur la performance, dans le cadre du programme de spécialisation en interprétation théâtrale. La direction du projet est assurée par Menka Nagrani, professeure adjointe de théâtre à Concordia, qui défend depuis longtemps les artistes en situation de handicap.
Ensemble, les étudiants ont créé, écrit et répété une performance intitulée First Name Basis, qui explore l’attribution et l’origine des prénoms. Cette performance intégrait des textes du dramaturge roumano-français Eugène Ionesco, des textes originaux, ainsi que du chant et de la danse. Elle a été présentée devant un public d’invités le 30 mai dernier.
« Je suis reconnaissante envers le Département de théâtre d’avoir accueilli cet important projet », déclare la Pre Nagrani, fondatrice en 2004 des Productions des pieds des mains, l’une des premières compagnies de performance inclusives au Canada. « J’espère que cela inspirera d’autres projets du genre et conduira au renforcement de l’inclusion, indispensable à l’évolution de la société. »
En prévision du cours précité axé sur la performance, Menka Nagrani a présenté le projet dès l’automne 2022 aux étudiants de première année en théâtre. Au cours du trimestre d’hiver 2023, deux étudiants en situation de handicap ont suivi le cours de théâtre Poetry and the Dancing Body (ACTT 398) et se le sont vu créditer.
La Pre Nagrani précise que le projet qu’elle dirige est le premier du genre au Canada. Elle espère qu’il mettra en lumière le rôle déterminant que peuvent jouer les universités au profit de l’inclusion.
Apprendre les uns des autres
Selon Menka Nagrani, le cours axé sur la performance a profité à tous les participants : « Les artistes de la compagnie théâtrale possédaient déjà une solide expérience professionnelle, acquise dans le cadre de productions télévisuelles et théâtrales. Ils l’ont partagée avec les étudiantes et étudiants de Concordia. »
Toujours selon la Pre Nagrani, les artistes professionnels ont été de véritables sources d’inspiration pour les étudiants de Concordia, et les ont aidés à lâcher prise. « Les artistes neuroatypiques sont souvent très sûrs d’eux sur les planches, indique-t-elle. Ils s’abandonnent complètement à l’émotion et au moment présent, sans aucune forme d’autocensure, de peur ou de jugement. »
« Tout le monde irradiait, littéralement. »
Étudiante en théâtre de 33 ans, Claire Joly précise que le cours n’était pas un exercice d’intégration, mais bien de collaboration, dès le départ : « Nous nous sommes tous investis à fond, de sorte qu’au terme du cours, tout le monde irradiait, littéralement. Cette expérience a mis en lumière l’importance de l’empathie entre artistes, car tout le monde a des besoins différents. Il est important de prendre soin les uns des autres. »
Mme Joly affirme avoir beaucoup appris des artistes neuroatypiques et compte bien veiller à ce que les projets auxquels elle participera désormais soient entièrement placés sous le signe de la diversité.
« J’espère avoir la chance de participer à d’autres projets comme celui-là. »
Pour les artistes des Productions des pieds des mains, le projet a été une première occasion de parfaire leur art en milieu universitaire, avec crédits à la clé.
Roselyne Chevrette, qui vit à Québec, a pris part au cours avec sa sœur Anne-Hélène, qui la soutient. Elle précise l’expérience a été extraordinaire : « J’ai beaucoup appris en trois semaines. J’ai découvert de nouvelles techniques de mémorisation, mais aussi que mon corps et mes mouvements me permettent à eux seuls d’exprimer des choses. Quelques mots simples peuvent aussi suffire. Je rêvais depuis des années d’une telle expérience artistique, et mon rêve s’est réalisé. J’espère avoir la chance de participer à d’autres projets comme celui-là. »
« On a tous besoin d’aide sur certains plans. »
Kim Sawchuk, professeure au Département de communication de Concordia, pilote les travaux de recherche liés au projet. Assistée du chercheur-doctorant Alexandre Prince, elle tente d’évaluer l’incidence d’une telle démarche pédagogique inclusive sur l’expérience des étudiantes et étudiants.
« Nous cherchons à déterminer en quoi la création d’un environnement inclusif au sein du système universitaire peut être profitable pour tous les étudiants, explique la Pre Sawchuk. En quoi cela peut leur permettre de s’épanouir tout en apprenant et en repoussant les limites qu’ils croyaient être les leurs. »
Kim Sawchuk ajoute qu’elle et son collègue tentent également de cerner ce qui fait qu’un cours fonctionne ou pas. Elle précise que le Service d’intégration des étudiants en situation de handicap de Concordia est venu en aide aux étudiants neuroatypiques sur certains plans, et qu’il était essentiel que des artistes soient présents pour les assister.
« La société veut nous faire croire qu’il ne tient qu’à nous d’être fonctionnels et autonomes, mais nous avons tous besoin d’aide sur certains plans », affirme Menka Nagrani.
Après avoir défendu l’inclusion artistique tout au long de sa carrière, ce qui lui a valu d’être nommée membre de l’Ordre du Canada en 2020, la Pre Nagrani souhaite que le projet qu’elle dirige ouvre la porte à de futures initiatives axées sur l’inclusion.
« J’espère que ce projet prouvera non seulement qu’un programme de théâtre inclusif est possible, mais qu’il apporte énormément à toutes les personnes participantes. »
Apprenez-en davantage sur le Département de théâtre de l’Université Concordia.
Lisez l’article de La Presse consacré à ce projet novateur axé sur la performance et l’inclusion.