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La menace à son apogée dans un Paris Olympique vidé
Écrit par Miléna Kartowski-Aïach, artiste et doctorante en recherche-création à l’Université de Concordia à Montréal.
Le 25 Juillet au soir, la veille de la cérémonie officielle de lancement des Jeux Olympiques, Paris, la ville lumière, est vide. Les quais de Seine sont interdits au public et les restaurants attendent les touristes qui doivent en principe inonder la capitale française. Silence dans les rues du Marais, où des travailleurs réfugiés dorment sur le parvis de l’Église Saint-Gervais face à l’Hôtel de Ville. Silence et déception face à une déferlante touristique absente, qui devait pourtant ranimer l’économie nationale et faire oublier la crise politique qui divise le pays. Silence, alors qu’en interne Paris et le pays tout entier ,sont en alerte maximale face à la menace djihadiste. En pleine guerre de Gaza, l’équipe olympique israélienne, forte de 88 athlètes et d’une délégation de 200 personnes, est elle arrivée dans la plus grande discrétion et sous la plus haute protection. Le GIGN et le Shin Bet collaborent pour surveiller et escorter au plus près la délégation de jour comme de nuit. L’Unité spéciale 730 protège le quartier d’habitation des athlètes israéliens, extraterritorial au sein même du quartier d’habitation olympique. Une sorte d’ambassade intouchable au sein d’un dispositif olympique déjà fortement protégé. Dans ce Paris vide, des milliers de gendarmes et de policiers venus de toute la France, quadrillent le paysage alors que les hélicoptères volent sans trêve au plus bas de la cité. Bruit sourd de surprotection dans une ville en partie vide où la menace terroriste est pourtant en alerte maximale. Les membres de la délégation israélienne ne peuvent pas quitter le village olympique d’eux-mêmes, ils doivent garder profil bas et ne pas déployer de drapeaux ou tout ce qui pourrait les identifier comme israéliens. Ils sont là, sans pouvoir s’exposer publiquement sauf lors des épreuves olympiques circonscrites. Le terrain d’entrainement de l’équipe de football israélien est tenu secret avec l’aide du gouvernement français. En ce jour, mardi 30 Juillet 2024, le journal israélien Haaretz titre l’un de ses articles « dans l’ombre de Munich ». En effet, la délégation israélienne présente à Paris fait face au niveau le plus élevé de menace depuis les jeux de 1972 à Munich où 11 athlètes et coachs israéliens, après avoir été pris en otage par le commando de l’organisation palestinienne Septembre noir en plein cœur du village olympique, sont assassinés. Le 20 Juillet 2024, le député LFI de la Seine Saint-Denis, Thomas Portes, s’exprime publiquement lors d’une manifestation propalestinienne à Paris et déclare que « les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus » aux JO. Il appelle à la « mobilisation » contre la participation d’Israël. C’est dans cette atmosphère délétère et la menace de manifestations anti-israéliennes essayant d’entraver les épreuves des athlètes israéliens, que le premier match de l’équipe de football israélienne contre le Mali démarre au Parc des Princes, le 24 Juillet, sous la protection de 1000 policiers et gendarmes. L’Hatikva, l’hymne israélien est en partie huée par la foule et des T-shirts « Free Palestine » apparaissent chez quelques supporters. Cependant, le match se déroule globalement dans une atmosphère sportive agréable. Le 26 Juillet au soir, lors de la cérémonie d’ouverture, la délégation israélienne agite fièrement son drapeau depuis la péniche où elle traverse la Seine. Elle est une nation parmi les dizaines d’autres qui traversent aussi le fleuve parisien, sous les feux d’artifice et les paillettes du spectacle hautement kitsch conçu par le metteur en scène Thomas Jolly. Ce soir-là, les délégations palestinienne, iranienne et libanaise déploient elles aussi leurs drapeaux depuis le fleuve olympique. Pas de manifestation propalestinienne ni de violence antisémite ce soir-là. Juste des équipes sportives, des athlètes et un spectacle baroque vu par plus de 2 milliards de téléspectateurs à travers le monde. Le lendemain, samedi 27 Juillet, une roquette iranienne est lancée par le Hezbollah depuis le Liban sur Israël. Elle s’abat sur le plateau du Golan, au pied du mont Hermon, sur le terrain de football du village druze de Majdal Shams, où jouent des enfants et des adolescents. Douze d’entre eux sont tués sur le coup, et plusieurs dizaines sont blessés. Cette attaque sur Israël est la plus violente du Hezbollah depuis le 8 Octobre 2023. Alors que le monde célèbre le sport et les valeurs olympiques humanistes et universelles à Paris, 12 enfants druzes israéliens, filles et garçons, qui jouent au football, sont cruellement tués par un missile terroriste. Le monde ne s’en émeut pas et Paris encore moins.
Alors que les nageuses israéliennes de natation synchronisée interdites de porter le ruban jaune pour la libération des otages détenus à Gaza, le dessinent avec leurs corps sous l’eau. Alors que des autocollants « Bring Them Home » aux couleurs des anneaux olympiques essaiment dans les rues de Paris. Alors que la cérémonie du comité olympique international commémorant l’assassinat de la délégation israélienne à Munich en 1972 a été décalée et qu’elle se tiendra sans annonce publique préalable, non pas au village olympique mais au Quai d’Orsay. Alors que les Juifs du monde et d’Israël luttent pour leur droit à l’existence sur terre, les nations du monde sont réunies dans un Paris vide devenu rempart, où le sport réunit et fait vibrer de concert, l’espace de quelques jours, une humanité pourtant de plus en plus divisée.