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ALICE ZERINI-LE RESTE

Les icônes

2020–2021

Démarche artistique

Les icônes s’intéresse à la magnificence qu’ont certains objets et au chevauchement ambigu qui peut exister entre le passé et le présent, le mécanique et l’organique, l’imaginaire et le réel. S’imprégnant d’une part du milieu agricole et de l’autre des toits de la métropole ; charrue et coupole parabolique se transposent à une céramique vertigineuse, insolite et précaire. Ces vestiges d’une autre époque se déconstruisent et se transforment pour former un nouveau décor vivant d’équilibre, d’imprévu et d’absurde.

Photo par Guy L’Heureux

Biographie de l’artiste

Alice Zerini-Le Reste est une artiste multidisciplinaire explorant principalement la céramique et le dessin. Elle termine présentement son baccalauréat en arts visuels à l’Université Concordia. Originaire de Montréal, son terrain de création est toutefois mobile et les résultats sont le fruit d’une rencontre engagée avec le paysage.

Exerçant parallèlement le métier de matelot sur le Fleuve Saint-Laurent, territoire et mouvance sont parties prenantes de son travail. C’est sur la mer qu’elle retrouve cette rencontre entre le corps et le déplacement, y faisant émerger une connexion engagée au paysage tout en lenteur et en attente.

Photo par Guy L’Heureux

Essai

Empreintes des lieux insondables

Auteur.trice Yann Pignard

Artiste Alice Zerini-Le Reste

Œuvre Les icônes, 2020–2021

Débutée à Kamouraska à l’automne 2020 puis achevée à Montréal au printemps 2021, Les icônes est une série d’œuvres sculpturales de l’artiste Alice Zerini-Le Reste. Les cinq structures en céramique sont constituées d’une trentaine d’éléments modulaires blancs (Machines) et noirs (Antennes) qui permettent leur assemblage à l’aide de boulons, dans une grande variété de combinaisons. À travers le déballage délicat des pièces, le choix des arrangements et la présentation à même le sol, Zerini-Le Reste intègre une dimension performative à l’installation, au carrefour du rituel et de la maintenance. La vue de Les icônes, invoquant les lieux insondables et le sublime, nous tient à une infinie distance. En revanche, l’invitation au touché, la tactilité de l’œuvre et sa sensualité nous invitent à nous rapprocher. Entre ces deux sens, notre rapport ambigu à la technique menace un équilibre fragile.

Au loin, sous les traits d’une ossature organique et intemporelle, travaillées par les éléments naturels et le temps, des formes mécaniques émergent. L’esthétique réduit la finalité utilitaire des machines et l’évocation de leur fonction en tant qu’outils. Présenté collectivement, l’élément commun n’est donc plus seulement leur fonction en tant que machines, mais bien tous les lieux auxquels ces engins spécifiques sont rattachés. Espace lointain, Les icônes demeurent des marqueurs de lieux intemporels et inaccessibles : les toits (antenne), le ciel (girouette) ou encore l’horizon maritime (navire).

Photo par Guy L’Heureux






Entre ces deux sens, notre rapport ambigu à la technique menace un équilibre fragile.

Alors qu’on se rapproche de l’œuvre, une certaine idée du sublime s’estompe. À quelques pouces de distance, les marques du processus de création occupent tout l’espace : des empreintes de doigts, duplication de son référent,1 l’artiste, recouvrent toutes les surfaces. Les plis gestuels conservés dans l’argile tendre transforment ce qui nous apparaissait jusque-là comme une ossature architecturale et immuable, en une chair pleine et vivante. Ce passage à l’empreinte est déstabilisant.

Alors que l’espace lointain, le « ne pas toucher » symbolisé par la galerie d’art nous impose une distance artificielle et technique, l’invitation à toucher les empreintes et le fac-similé rendu des surfaces s’apparentant à une peau, nous fait prendre conscience de nos propres corps et de notre présence. Ce déséquilibre entre espace lointain et espace trop proche2 semble questionner notre rapport à la technique. Si, comme le soutient Jacques Ellul la technique est l’optimisation de tout,3 comment doit-on interpréter la technique de l’empreinte dans cette œuvre?

D’emblée, Zerini-Le Reste semble subvertir la technique comme véhicule de l’optimisation. La céramique n’est pas la matière la mieux adaptée aux œuvres verticales ou de grandes tailles. Les formes aléatoires, inhérentes à la technique employée, contribuent pareillement à la fragilité structurelle de Les icônes. La mise au four de formes incertaines est bourrée d’autant de surprises que d’échecs. Si la technique n’est plus au service de l’optimisation, alors à quoi sert-elle? La technique peut-elle servir l’art?

Par-delà les machines qui dominent aujourd’hui notre champ visuel, nos horizons et nos paysages aussi bien urbains que ruraux, Les icônes nous rappellent que le sublime demeure, même s’il s’estompe sous nos empreintes. Au-delà des procédures, les processus et l’accélération de nos moyens technologiques qui effacent les distances et l’espace, il y a un rapport au monde physique, tactile qu’il nous faut redécouvrir pour mieux l’apprécier et le protéger.

  1. Georges Didi-Huberman, La ressemblance par contact, (Paris : Les Éditions de Minuit), 2008, 118.
  2. Idem, 115-125.
  3. Jacques Ellul, The Technological Society, (New York : Knopf), 1967.
Photo par Guy L’Heureux
Photo par Guy L’Heureux
Photo par Guy L’Heureux

Biographie de l’auteur.trice

Originaire de la Côte Bretonne, YAPI est un artiste multidisciplinaire établi à Montréal, au Québec. Étudiant au baccalauréat en arts plastiques à l’Université Concordia, il se consacre principalement aux installations in situ et aux pratiques tridimensionnelles. Avant d’effectuer un changement de carrière en 2020, il a occupé divers postes au sein de l’industrie pharmaceutique. Ses travaux de recherche s’inspirent de l’analyse des matériaux, des espaces, des objets du quotidien et des processus liés à la technique et à l’optimisation. Sur le plan esthétique, YAPI illustre la tension créative entre précision et liberté.

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