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COLIN COURTNEY

Proposal for Precipitation

2019–en cours

Démarche artistique

L’œuvre en cours d'élaboration, Proposal for Precipitation (Proposition pour les précipitations) s’intéresse aux liens entre les forces météorologiques et l’autocréation sculpturale. Au confluent des genres de la science artistique, de la peinture de paysage et de l'art kinésique, cette sculpture est basée sur le procédé de collecte de précipitation qui enregistre son activité goutte à goutte. À mesure que des géométries fractales concentriques forment goutte à goutte les archives indexicales de climats qui s’écroulent, que peut-on apprendre d’une philosophie collaborative entre l’humain et le non-humain sur l’atmosphère collective? Que faut-il comprendre d’un enregistrement de l’évolution du climat par celui-ci?

Photo par Guy L’Heureux

Photo par Guy L’Heureux



Biographie de l’artiste

Artiste évoluant entre les disciplines de la sculpture, de la peinture et de la science, Colin Courtney vit, crée et joue sur l’île de Tiohtià:ke (Montréal). L’apprentissage sur les lieux et les expériences en atelier ou en laboratoire nourrissent sa philosophie, tout en sensibilité. Les matériaux et les technologies abordés mettent en lumière des processus sous-jacents comme l’évolution entropique, la physique ou les phénomènes météorologiques. Dans son art, les hiérarchies coloniales voulant que la nature doive être maîtrisée ou améliorée sont répudiées, et l’imperfection se voit accorder une primauté méritée. Courtney a exposé à l’international, notamment au planétarium du musée public de Grand Rapids au Michigan, à l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver et à la galerie Art Mûr à Montréal.

Photo par Guy L’Heureux

Essai

Collaborer avec le climat

Auteur.trice Renata Critton-Papp
Artiste Colin Courtney
Œuvre Proposal for Precipitation, 2021–en cours

Proposal for Precipitation (Proposition pour les précipitations) de Colin Courtney opère une collaboration en douceur avec le climat par l’enregistrement matériel de la météo dans divers endroits de Montréal. La tour élancée, faite de tuiles et de tuyaux de cuivre, occupe temporairement ces lieux où elle capte les cycles du temps : brume, pluie, grêle, bruine, neige et brouillard, imprévisibles, mais constants. L’entonnoir de la structure agit comme un réceptacle par la collecte et l’absorption de gouttelettes d’eau et la production de reflets subtils du milieu urbain. De minces morceaux de coton récupéré sont placés sous la structure de cuivre pour traiter la chaîne de réactions chimiques entre les matériaux. Les anneaux de pigments produits par ces réactions révèlent le lien étroit entre ces empreintes visuelles et leurs sources. En outre, les fractales minérales stratifiées dans le tissu se font le reflet des nuages à l’origine des précipitations.1 À mesure que la condensation perfuse la structure, les précipitations acides corrodent le cuivre et sont filtrées par les morceaux de coton, laissant sur leur passage des traces bleu-vert pâle et vert-de-gris. Courtney n’est pas à la recherche de réponse à une question précise ni de preuves scientifiques des effets de l’activité humaine sur les cycles météorologiques. Iel souhaite plutôt laisser au spectateur le loisir d’interpréter l’œuvre. L’artiste crée ainsi un espace qui permet au spectateur d’élargir sa perspective et son appréciation de nos interactions avec les cycles de l’eau.

Dans sa façon d’aborder le climat, Courtney refuse volontairement d’intervenir dans les cycles météorologiques naturels. Sa démarche serait plutôt une recherche et un questionnement menés en douceur dans un esprit réceptif et collaboratif entre l’artiste et l’atmosphère. Proposal for Precipitation est animé par la curiosité de l’artiste au sujet de la matérialité et d’une conjecture indéterminée. Son œuvre s’inscrit dans une temporalité liminale puisqu’elle séjourne brièvement à de nombreux endroits et peut être démontée, puis remontée ailleurs. La malléabilité du projet permet à Courtney de jouer sur l’imprévisibilité et la chance, en s’inspirant tout particulièrement de l’alchimie. Sa pratique artistique évoque les valeurs jadis véhiculées par les laboratoires d’alchimie, surtout son intérêt pour la vie des matériaux et l’enregistrement énigmatique de leurs états fluctuants. En outre, l’alchimie est étroitement liée aux pigments créés accidentellement par l’artiste, car ces résultats imprévisibles sont inhérents à l’« expérimentation ludique. »2 Cette volonté de jouer illustre la façon dont l’artiste conçoit les forces naturelles et interagit avec elles, en proposant au spectateur une interprétation concrète, mais fluide de la météo et de la matière.


De ce fait, Courtney en appelle à un concept décolonisé du temps qui repensait le besoin oppressant de contrôler la progression linéaire de l’espace et de la matière.

La spontanéité de Proposal for Precipitation génère assez d’espace pour une intentionnalité dans la création de l’œuvre. L’artiste se sert du mouvement des liquides et de la gravité, en plus de compter sur le cuivre massif de la structure pour la poser dans différents sites climatiques urbains. Courtney s’intéresse aussi aux répercussions du colonialisme sur le paysage, plus précisément à la position dominatrice et violente défendue à répétition par les puissances occidentales. Dans son œuvre, iel cherche à explorer et à contester les modèles de contrôle de l’impérialisme occidental qui influent sur l’étude scientifique de la nature. Par ces rejets, l’artiste souhaite agir comme « intermédiaire entre l’œuvre d’art et la démarche scientifique, »3 en adoptant un poste d’observateur du climat. De ce fait, Courtney en appelle à un concept décolonisé du temps qui repensait le besoin oppressant de contrôler la progression linéaire de l’espace et de la matière. En reconnaissant à la fois l’éternité et la temporalité propres à chaque moment de notre climat, l’artiste signale la valeur de certains aspects du monde naturel. Autrement dit, il lui semble évident que « les minéraux, les arbres, la désintégration d’une berge, rien de tout ça ne suit un emploi du temps prévisible. »4 L’artiste tente ainsi de traduire la vive curiosité suscitée par les actions libres et spontanées du climat. L’œuvre de Courtney ne cherche pas à s’approprier la nature, mais plutôt à offrir d’autres façons de coexister avec elle.

  1. Colin Courtney en entrevue avec l'auteur.trice, juillet 2021.
  2. Idem.
  3. Idem.
  4. Idem.
Photo par Guy L’Heureux

Biographie de l’auteur.trice

Renata Critton-Papp entame sa cinquième année d’études à l’Université Concordia, établissement situé au coeur de Tiohtià:ke/Montréal, où ielle poursuit une majeure en histoire de l’art avec d’une mineure en études interdisciplinaires de la sexualité. Ses champs d’intérêt comprennent la recherche-création, l’utilisation de divers médiums pour décrire et explorer les temporalités queers, la guérison et notre affinité émotive avec la nature.

Photo par Guy L’Heureux
Photo par Guy L’Heureux
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