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MALLORY LOWE MPOKA

I Am a Story

2020–en cours

Démarche artistique

I Am a Story (Je suis une histoire) est une exploration en cours de l’identité, de l’hétérogénéité, de l’ouverture personnelle et de la dualité entre l’anonymat et l’intimité sous forme de photographie argentique. À travers son œuvre, Mallory Lowe Mpoka se déguise, se cache et s’expose à tour de rôle tout en explorant le contraste entre l’image extérieure et la réalité intérieure, l’identité sociale et personnelle, utilisant son corps et ses traits comme une scène sur laquelle se construisent de multiples identités.

Photo par Guy L’Heureux
Photo par Guy L’Heureux

Biographie de l’artiste

Mallory Lowe Mpoka est une artiste visuelle et créatrice d’images queer d’origine belge et camerounaise qui œuvre à Tiohtià:ke (Mooniyang ou Montréal). Son art s’inspire de thèmes transculturels et s’attarde aux influences socioculturelles historiques qui ont créé les imaginaires et les identités diasporiques. Elle a vécu au Cameroun pendant deux mois durant l’été de 2021 dans le cadre de sa résidence au musée de Bandjoun Station. En septembre 2021, elle a mené une recherche comme artiste invitée en résidence à Villa Lena en Toscane. Mallory Lowe Mpoka a récemment été mise en nomination pour le Black Creator Fund par Banded Purple et pour le projet de bourses d’études du Bureau des perspectives noires de l’Université Concordia. Ses œuvres ont également été présentées sur plusieurs plateformes comme Radio-Canada, Vogue Italie et le magazine The Face.

Photo par Guy L’Heureux

Essai

Être et ne pas être : un hommage photographique à la fluidité de l’identité personnelle

Auteur.trice Gloria Manege

Artiste Mallory Lowe Mpoka

Œuvre I Am a Story, 2020–en cours

À une époque marquée par l’incertitude et l’inquiétude, la pandémie a contraint l’artiste plasticienne Mallory Lowe Mpoka à se livrer à une introspection qui deviendra plus tard une ode à l’évolution personnelle. La série photographique de Lowe Mpoka, I Am a Story (Je suis une histoire), présente à travers 150 autoportraits, les complexités de l’identité d’une femme queer belgo-camerounaise. Prises avec son appareil photo à pellicule et un flash portatif, les images révèlent les différentes façons dont l’artiste choisit de se présenter, à la fois familière et étrangère, vulnérable et vague. Si le sujet reste constant, l’utilisation par Lowe Mpoka d’accessoires, de maquillage, de perruques, d’extensions capillaires et de vêtements lui permet de traverser la « dualité entre la divulgation de soi et la vie privée » ainsi que « l’identité personnelle et collective. »1

L’accent est souvent mis sur l’importance de la première impression, qui pourrait nous priver de l’occasion de nous exprimer de manière authentique avec des inconnus. Cette pression est d’autant plus forte pour les personnes dont l’identité ne correspond pas aux modèles de désirabilité sociale. Lowe Mpoka trouve le moyen de contourner à la fois l’inconfort de la pression de la dissimulation de soi et de la présentation ostentatoire de soi, en se présentant 150 fois dans I Am a Story. L’artiste nous est présenté.e à nouveau chaque nouvelle image, chacune possédant une personnalité propre. En tant que femme queer et de couleur, elle choisit soigneusement les parties d’elle-même qu’elle incarne pleinement, en fonction des personnes avec lesquelles elle interagit. Bien qu’il y ait un élément de beauté dans l’art du changement en matière de code social, il revêt également un effet insidieux de mise sous silence des parties de nous qui sont perçues négativement. Pour l’artiste, ce silence est interprété comme un moyen de protection; une protection contre la violence perpétuelle d’exister purement dans un espace qui a été conçu et construit à l’image de sa destruction. C’est dans le confort de sa chambre qu’elle a rompu avec cette illusion de protection et qu’elle s’est prononcée sans ambages, haut et fort, à travers cette expérience photographique.

Photo par Guy L’Heureux






C’est dans le confort de sa chambre qu’elle a rompu avec cette illusion de protection et qu’elle s’est prononcée sans ambages, haut et fort, à travers cette expérience photographique.

I Am a Story est un ensemble d’œuvres en plein essor qui fleurit à partir d’une première graine de curiosité, partagée par beaucoup, mais récoltée par peu. L’acte audacieux d’introspection et d’autorévélation de Lowe Mpoka est inspiré par les photographes Samuel Fosso et Tomoko Sawada, qui ont tous deux utilisé l’autoportrait pour raconter les incohérences des identités humaines. Samuel Fosso, un photographe camerounais-nigérian, se joue des notions traditionnelles en matière de genre, de race et de nationalité en incarnant différents personnages à l’aide de maquillage, de vêtements et de poses symboliques.2 L’œuvre de l’artiste japonaise Tomoko Sawada intitulée ID400 remet en question les idées de banalité humaine en montrant au public qu’une multitude de personnalités peuvent coexister au sein d’un même être.3 S’inspirant des mises en scène théâtrales de Samuel Fosso et des photos de style passeport de Tomoko Sawada, I Am a Story dépeint l’intersection entre l’identité et l’art, tout en défiant la norme de stagnation qui entoure l’introspection.

Si I Am a Story témoigne des réalités toujours changeantes de la construction de l’identité, l’œuvre permet également un niveau de capacité d’action qui est généralement dérobé aux communautés marginalisées. En braquant l’objectif sur elle, Lowe Mpoka est responsable de la narration, ce qui lui donne un sentiment d’appropriation. La subtilité des images la montre sous un jour que les femmes noires et multiraciales sont rarement autorisées à contempler, et l’espièglerie de ses expressions et de son apparence témoigne d’une joie que les personnes queer sont censées apprendre à apprivoiser. Alors que l’artiste se débat avec le fait qu’elle existe au sein de cultures qui souvent se contredisent,4 elle utilise son art pour rappeler à son public la possibilité d’être et de ne pas être.

  1. Mallory Lowe Mpoka, “Portfolio 2021, Mallory Lowe Mpoka”, Canva, consulté le 03/10/2021 : page⁠-⁠1.
  2. International Center of Photography (ICP), « 2018 Infinity Award : Art — Samuel Fosso », 10/04/2018, video.
  3. « Artist Statement : ID400 », New Cosmos of Photography, consulté le 03/10/2021.
  4. Mallory Lowe Mpoka en conversation avec l'autrice, 21/09/2021.

Biographie de l’auteur.trice

Gloria Manege en est à sa quatrième année au baccalauréat en sciences appliquées et relations humaines et droits de la personne. Tout au long de ses études postsecondaires, elle s’est engagée à analyser rigoureusement la manière dont l’effacement des femmes noires dans le milieu de l’enseignement supérieur touche les jeunes érudit.e.s noir.e.s dont elle fait partie, ainsi que l’héritage colonial que cet effacement a causé dans les universités occidentales. Au fil du temps, son centre d’intérêt a évolué pour se centrer davantage sur l’utilisation d’une approche intersectionnelle dans le traitement des enjeux liés aux droits de la personne et sur les idées pour favoriser le progrès. À titre d’assistante d’enseignement, elle collabore actuellement avec la Dre Nathalie Batraville, première femme noire à occuper un poste de professeure au sein de l’institue Simonede Bauvoire de l’Université Concordia.

Photo par Guy L’Heureux
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