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PAULINA BEREZA

False Memory 22021

Démarche artistique

Les œuvres de la série False Memory 2 (Faux souvenir II) interrogent le concept du souvenir en lien avec le passage du temps. Inspirée par les paysages urbains, False Memory 2 combine un éventail d’images qui évoquent un dialogue entre les concepts de temps et d’espace. Ancré dans un artisanat rural héréditaire, le tissage est fait à la main selon les techniques utilisées par des générations d’Européen.ne.s de l’Est pour créer les tapis tissés plats dits kilim. En contraste marqué avec la douceur et la charge historique du tissage, le support en acier commercial par sa taille et sa lourdeur, il nous force à envisager le lien entre l’artisanat rural et un nouveau monde caractérisé par l’industrialisation, l’automatisation, l’extraction de ressources et la surveillance.

Photo par Guy L'Heureux
Photo par Guy L'Heureux
Photo par Guy L'Heureux

Biographie de l’artiste

Paulina Bereza est une artiste et styliste née en Pologne et œuvrant à Montréal. Formée en stylisme de mode ainsi qu’en fibres et pratiques matérielles, son travail sur les qualités intrinsèques de la matière. Inspiré à la fois par l’artisanat et la solidarité sociale, son art recourt au métissage de pratiques artisanales héréditaires pour mieux explorer les thèmes du temps, du déplacement et de la vie privée, dans le contexte des sociétés modernes. Bezera en est actuellement à sa dernière année à l’Université Concordia, accomplissant une majeure en fibres et pratiques matérielles. En 2021, elle a reçu le prix d’excellence étudiante de la Surface Design Association, et ses œuvres récentes ont été présentées à la Biennale internationale du Lin de Portneuf 2021 ainsi qu’à l’exposition étudiante internationale Future Tense, consacrée aux fibres.

Photo par Guy L'Heureux

Essai

Nouvelles perspectives sur le kilim : Revisiter une pratique artisanale polonaise pour ouvrir un dialogue entre les espaces traditionnels et industriels

Auteur.trice Charlotte Perrault

Artiste Paulina Bereza

Œuvre False Memory 2, 2021

Avec False Memory 2, l’artiste polono-canadienne Pauline Bereza revisite la tradition du kilim, une technique de tissage artisanale répandue en Pologne1, en y intégrant des éléments sculpturaux et photographiques. Haute de quelques 180 cm, suspendue à une structure métallique aux allures de robot, l’œuvre sculpturale présente un kilim tissé à la main dont la surface est couverte de photographies numériques imprimées. Par le traitement matériel et esthétique, Bereza unit l’univers industriel et automatisé au monde traditionnel et manuel. Elle produit ainsi une œuvre qui mobilise activement et représente conceptuellement son expérience diasporique, et les connaissances du passé et du présent qui y sont liées. En reprenant une technique de tissage ancienne, elle inscrit son kilim dans la tradition polonaise et le met en dialogue avec ceux qui l’ont précédé.

Les kilims polonais sont traditionnellement faits de fils de fibres naturelles, principalement de lin et de laine, et présentent souvent une iconographie géométrique compatible avec le motif caractéristique du fil.2 Dans plusieurs cas, le dessin de tissage est adapté en vue de créer des motifs mettant l’accent sur l’intention ou l’appartenance d’un kilim donné.3 Bereza s’inspire de ces traditions dans le processus de création de False Memory 2. Le kilim de Bereza est fabriqué non pas à partir de fibres naturelles, mais plutôt avec du fil de polyester synthétique blanc, tout en conservant les motifs traditionels géométriques en diamant. Sur les coutures synthétiques imprimées par sublimation4 Bereza superpose des photographies numériques de sa ville natale, Jaroslaw, tirées d’archives personnelles, et de Montréal, où elle vit actuellement. Les images présentent des éléments architecturaux et naturels, dont des fenêtres, des clôtures, du gravier, de l’herbe et le carrelage de la salle de bain de sa maison d’enfance. Les photographies numériques interagissent avec les motifs tissés à la main, créant un textile hybride, à la frontière de la tradition et de la modernité.







En choisissant de travailler avec le kilim, Bereza honore et préserve l’espace et le temps de cette technique complexe et de sa vie.

Les photographies choisies montrent des scènes contrastées de paysages et d’architecture industrielle de la Pologne et du Canada. Elles expriment le décalage entre l’expérience actuelle de Bereza et ses souvenirs de famille. L’artiste honore le travail manuel, souvent lié à la terre, auquel sa famille et sa communauté se sont livrées pour subvenir à leurs besoins, leur permettant de traverser des périodes difficiles et de se relever. Par le passé, la fabrication de kilims, une source commerciale et financière, était l’une des tâches manuelles de la communauté polonaise.5 En choisissant de travailler avec le kilim, Bereza honore et préserve l’espace et le temps de cette technique complexe et de sa vie. Lorsqu’elle travaille avec ses mains, elle a le sentiment de renouer avec quelque chose d’inné, de familier.

En y intégrant de la fibre synthétique, des détails photographiques, des techniques d’impression industrielles et des structures de présentation contemporaines, Bereza réinvente le kilim traditionnel, tout en conservant le motif du tissage et les dessins géométriques, créant ainsi interaction qui reflète son identité polono-canadienne. False Memory 2 aborde la liminalité des expériences imbriquées du temps, de l’individualité, de la démarche artistique et de la diaspora de l’artiste.6 L’amalgame d’éléments artificiels et naturels fait de l’œuvre un objet qui, selon Bereza, « ne pourrait jamais être entièrement fabriqué à la main ni entièrement produit industriellement. »7 Par sa proposition hybride, cette pièce remet en question les conceptions binaires de l’identité et de l’appartenance culturelle. Ce processus de fabrication précis et l’esthétique qui en résulte créent un kilim individualisé ouvrant un dialogue entre le passé et le présent des pratiques artisanales polonaises. Bereza, à travers son œuvre, « se rapproche des traditions polonaises tout en les gardant à distance. »8

  1. Paulina Bereza en conversation avec l'autrice, juin 2021.
  2. Idem.
    « Qu’est-ce qu’un kilim?, », consulté le 29 juin 2021.
  3. Paulina Bereza en conversation avec l'autrice, juin 2021.
  4. L’impression par sublimation est un procédé industriel sur tissu synthétique destiné à la production de masse.
  5. Paulina Bereza en conversation avec l'autrice, juin 2021.
  6. Idem.
  7. Idem.
  8. Idem.
Photo par Guy L'Heureux

Biographie de l’auteur.trice

Charlotte Perreault termine actuellement son baccalauréat en histoire de l'art à l'Université Concordia et est la rédactrice des textes anglophones pour le magazine Yiara. Elle étudie la communication et la défense d'espace-temps alternatifs à travers les arts, et ce, en relation avec les concepts d’accessibilité et de justice pour les personnes handicapées. Elle est récipiendaire du stage Maurice Forget de la fondation Guido Molinari (2021) et du Prix Mitacs de formation en recherche (2020). Grâce au prix Guido Molinari, Charlotte a collaboré avec Artexte cet été à la coordination de la prépublication du prochain livre du bibliothécaire et artiste John Latour, intitulé Who Was Who Was Who in Contemporary Canadian Art.

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