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RAFA SANTOS

Basement Altar (Altar to Belie Belcan and Anaisa Pye)

2018

Démarche artistique

L'installation Basement Altar (Altar to Belie Belcan and Anaisa Pye) (Autel de sous-sol [autel dédié à Belíe Belcán et à Anaisa Pye]), fait référence à Las 21 Divisiones, une religion syncrétique née en République dominicaine. Dans cette religion, los misterios sont des divinités africaines vénérées, représentées par des saints de l’Église catholique romaine. La religion combine des traditions empruntées à l’Afrique de l’Ouest, au peuple taíno et à l’Espagne. Celles-ci subvertissent la binarité coloniale oppressante qui sévit sur l’île depuis l’époque où l’on amenait les esclaves au Nouveau Monde.

Photo par Guy L’Heureux

Biographie de l’artiste

Tout au long de son baccalauréat en beaux-arts à l’Université Concordia, Rafa Santos a cultivé une vive passion pour le potentiel linéaire et spatial du dessin et de la sculpture. L’irrationalité et le mystère sont des thèmes récurrents dans son art qui consiste à renoncer à la rigueur au profit du structuralisme esthétique. Ses œuvres sont implicites, comme si elles étaient nuancées d’une matérialité non imposée. Santos se penche sur l’identité, sur un ton à la fois privé et public. Dans son esthétique post-minimaliste, l’abstraction l’emporte sur la représentation. Tout ce qui est représenté dans les œuvres de Santos sert de transport aux émotions et aux souvenirs : fugaces et temporels.

Photo par Guy L’Heureux

Essai

Degrés de séparation et dimensions convergentes.
Réflexions tirées d’un entretien avec l’artiste Rafa Santos

Auteur.trice Matthew Sanderson

Artiste Rafa Santos

Œuvre Basement Altar (Altar to Belie Belcan and Anaisa Pye), 2018

Basement Altar (Altar to Belie Belcan and Anaisa Pye) (Autel de sous-sol [autel dédié à Belíe Belcán et à Anaisa Pye]) de Rafa Santos est à la fois un moment de repos, un souffle calme, une révélation silencieuse et un lieu de ressourcement. Cette œuvre synthétise dessin et installation. Elle est le fruit de la pratique créative du dessin automatique de l’artiste et de son héritage spirituel lié à la religion syncrétique appelée Las 21 Divisiones, originaire de la République dominicaine. Dans un entretien, Santos nous confie la riche histoire de la création de l’œuvre et ses réflexions personnelles sur l’identité, l’isolement, l’Internet, la colonisation et la création artistique comme façons d’appréhender ces dimensions.

Photo par Guy L’Heureux





L’audience est happée par l’installation, appelée à s’approcher et à parcourir du regard l’autel. Par ce geste, le public participe à un acte de révélation intérieure.

Basement Altar se présente comme une plateforme légèrement surélevée, tapissée d’une mosaïque de dessins éparpillés sur le sol. Exécutés au crayon, au graphite, au crayon Conté et à l’encre, ces dessins évoquent le ton et la texture des exercices réalisés dans un studio sur du papier journal ou dans des cahiers de croquis. Les traits continus des dessins s’assemblent en une sorte de tapisserie ou de courtepointe qui revêt une apparence familière, personnelle et artisanale. Les dessins révèlent une abondance d’images, représentant entre autres des portraits esquissés, des figures gestuelles aux poses dynamiques et des compositions aux formes tirant vers l’abstraction. Parmi ces images symboliques, une main tendue vers une cigarette dans un cendrier (ou peut-être l’y écrase-t-elle?), une note manuscrite et deux croix tracées avec force sur le papier, de part et d’autre la plateforme interpellent le regard. À première vue, l’audience observe l’autel de sa hauteur, en dirigeant son regard sur les dessins aux marges de la tapisserie à ses pieds. Il faut cependant se pencher pour percevoir la richesse et la finesse des détails dessinés et tracés. L’audience est happée par l’installation, appelée à s’approcher et à parcourir du regard l’autel. Par ce geste, le public participe à un acte de révélation intérieure.

Dans son œuvre, Santos mobilise une iconographie complexe à la fois personnelle, créative et religieuse qu’iel synthétise par sa pratique du dessin automatique. De près, on découvre les images imprimées d’Anaisa Pye et de Belíe Belcán (les versions syncrétiques de sainte Anne et de saint Michel, respectivement), des figures populaires et aisément reconnaissables de Las 21 Divisiones qui apparaissent souvent côte à côte dans les foyers.1 En fait, bon nombre des images issues du dessin automatique, les personnages aux poses dynamiques et la cigarette, sont également des aspects des deux loas (ou esprits) de l’autel. Juxtaposées aux figures tirées de la mémoire et de l’imagination de l’artiste, ces images imprimées qui proviennent d’Internet, représentent son seul moyen d’accéder à ses racines religieuses, spirituelles et familiales. C’est le nœud du conflit souterrain exploré dans cette œuvre, ce que Santos décrit comme les « degrés de séparation, » un profond sentiment d’isolement qu’iel ressent comme personne non binaire et biraciale subissant les contrecoups de la colonisation.2 Ici, les dessins intuitifs et libres, tracés de manière automatique, correspondent à ces différentes « dimensions » que sont l’identité, la spiritualité, le genre et la mémoire. Le geste, par lequel l’artiste les assemble, est une manifestation physique de son désir de réconcilier et de faire converger ces aspects divergents de soi.

Dans son studio, à deux heures du matin, Santos ressent un sentiment de plénitude et de limpidité après avoir mis la dernière touche à cette œuvre. En ce sens, Basement Altar représente une révélation personnelle que l’artiste partage avec le ou la spectateur.trice dans un moment de vérité et de vulnérabilité.

  1. Hector Salva, “Misterios of las 21 divisiones/Dominican Voudou; Los Misterios or Spirits of Las 21 Divisiones,” consulté le 30 juillet 2021.
  2. Rafa Santos en conversation avec l’auteur en août 2021.
Photo par Guy L’Heureux


Biographie de l’auteur.trice

Artiste visuel interdisciplinaire, Matt J Sanderson pratique la peinture, le dessin, la photographie et le commissariat. Ses travaux sont de nature collaborative, investigatrice et méditative. Travaillant en série, il aime recourir à l’utilisation d’images comme procédé de narration pour explorer les thèmes de l’identité queer, de la mémoire et de la famille retrouvée. Également écrivain, Sanderson entre en relation avec les artistes grâce à des entrevues d’histoire orale. Dans cet espace de partage et d’échanges, de nouveaux liens se créent, et la voix de l’artiste peut s’exprimer pleinement. Sanderson agit actuellement à titre de coordonnateur des expositions du festival étudiant Art Matters de l’Université Concordia.

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