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James Gardner & David Lafrance

Moving Pictures (Images en mouvement)

12 juin - 25 août 2023

Vernissage: 22 juin 2023, 17 h to 19 h 

Description de l'exposition

James Gardner et David Lafrance présentent une installation activant l’architecture allongée et étroite de la vitrine York. Constituée de peintures, d’artéfacts transitoires et de motifs architecturaux, l’installation aborde les thèmes de l’atelier, de l’accumulation, de l’archive et de la performance. Cette exposition collaborative permet aux artistes de poursuivre un dialogue en évolution depuis 2018. Leurs installations passées ont généré une plateforme de recherche sur laquelle les artistes ont pu explorer leur pratique et considérer la nature cumulative de la création d’images et la façon dont elle peut être schématisée et élaborée dans des formats d’exposition. En cette occasion, le duo d’artistes expose des œuvres récentes et anciennes ainsi que la production de nouvelles constructions sculpturales qui serviront d’échafaudages, d’étagères, de bureaux ou de casiers d’entreposage sur lesquels les peintures seront accrochées. En tant que caricature d’un espace d’atelier supplanté, les vitrines York agissent comme un site quasi public proposant que l’espace et l’emplacement soient des facteurs essentiels dans la création d’une œuvre d’art. 

Texte d'exposition

D’œuvres, de montagnes, de planètes et d’étoiles

Essai de Maude Johnson

Il y a plus de 4,5 milliards d’années, des débris d’étoiles s’aggloméraient pour constituer la Terre. La transformation de ce nuage moléculaire, composé de particules d’étoiles d’abord dispersées dans la galaxie sous la force de leur explosion, puis réunies par la gravité, s’est échelonnée sur une période de 30 millions d’années. Il faut attendre un milliard d’années pour que le noyau interne de la planète commence à se solidifier. Enfin, des chaînes de montagnes se forment, les mêmes qui ponctuent le paysage qui se trouve aujourd’hui devant nos yeux. À proximité de Tiohtià:ke/Mooniyang (Montréal), où James Gardner a son atelier, les Laurentides sont l’une des formations géologiques les plus anciennes, leur développement s’étant finalisé il y a un milliard d’années. Le Wigwômadenizibo (mont Saint-Hilaire), où est situé l’atelier de David Lafrance, est âgé de 125 millions d’années. Surplombant la petite ville de Squamish en Colombie-Britannique, où je réside au moment d’écrire ce texte, le Siám' Smánit (Stawamus Chief) s’est pour sa part formé il y a 100 millions d’années.    

Le temps géologique met les choses en perspective. Il nous sort du rapport anthropocentré que nous entretenons avec ce qui nous entoure : la géologie est après tout l’un des plus importants régulateurs de notre planète. Par exemple, en absorbant le CO2 de l’atmosphère, les sols jouent un rôle majeur dans le maintien à long terme de l’équilibre climatique planétaire. La géologie opère toutefois sur un temps si long qu’on le considère abstrait. Le mouvement qui sous-tend les divers phénomènes géologiques ne peut être ressenti par l’être humain. On le conçoit certes, mais il s’active dans une temporalité qui échappe à notre expérience, où l’accumulation est la principale source de connaissance – les strates de roches révélant les traces de l’évolution terrestre.

Cette conception d’un mouvement qui anime dans le temps long l’accumulation matérielle me semble une métaphore fascinante pour envisager la création artistique et, plus précisément, l’espace de l’atelier, dont les enjeux se retrouvent au cœur de l’exposition Moving Pictures. Conçue par les artistes James Gardner et David Lafrance, l’installation présentée dans la vitrine oblongue de la galerie FOFA allie le contexte de création à celui d’exposition grâce à une collaboration fructueuse entre deux pratiques qui interrogent collectivement la place de l’atelier. Par une approche résolument théâtrale, les artistes ont élaboré une vaste mise en scène où dialoguent, se tournent le dos et s’épousent simultanément une panoplie d’œuvres. Certaines sont inachevées, fragmentées ou datant d’il y a plusieurs années, d’autres ont été réalisées conjointement par Gardner et Lafrance pour l’exposition. L’accumulation des œuvres crée une forme de mouvement, à l’instar d’une animation produite par la juxtaposition d’images, bien qu’il ne soit pas perceptible visuellement. Ici, le mouvement évoqué est celui des idées négociées, du va-et-vient de la pensée, mais aussi du pinceau, du geste de création, de la manipulation destinée à la mise en exposition. C’est également celui de l’atelier qui, en raison des facteurs socio-économiques, se voit fréquemment déplacé : hausse de loyers, éviction par les nouveaux propriétaires, nouvelle vocation du bâtiment ; le milieu artistique montréalais fait face à une crise fragilisant dangereusement les espaces de création.

Avec la mise en relation d’œuvres pour la majorité réalisées individuellement, l’accumulation pratiquée par Gardner et Lafrance fait écho à l’accumulation lente propre aux procédés géologiques, qui précède et/ou succède à la solidification de la matière. C’est une accumulation asynchrone qui façonne une architecture chaotique, où les artistes scénarisent le temps de la création. L’écosystème de l’atelier est ainsi habilement reproduit ; ensemble, les éléments agissent comme un vaste tableau. À cet effet, Gardner et Lafrance ont conçu des pièces de mobiliers emblématiques de l’atelier, œuvres à part entière, qui complexifient davantage le statut de chaque élément faisant partie de l’installation. Dans cet espace narratif où se racontent et se déploient les subtilités et les tumultes du travail artistique, les œuvres portent les traces de l’expérience, du soin qui leur est dédié, de leur déplacement.

Les images de Moving Pictures reflètent le mouvement obligé des pratiques, ballotées à travers la recherche répétée de lieux de création. Le projet offre des pistes de réflexion quant au rôle de l’exposition : alors qu’elle est devenue un espace de création pour les pratiques immatérielles et performatives, peut-elle désormais servir de lieu d’archivage ou d’entreposage pour les pratiques matérielles ? Peut-elle alléger le fardeau qui repose sur la création artistique requérant un atelier ? L’espace de l’atelier, comme celui de l’exposition, détient une forte influence sur la direction que le travail prend au fil de sa conception, ou sur son interprétation. Comme il n’existe pas de contenant neutre, l’espace s’infiltre à même la production, en orientant les manipulations et les lectures. Chaque œuvre est faite d’innombrables couches de tout et de rien, telles des planètes formées à partir de l’agglomération des débris d’étoiles.

 

À propos de l'autrice 

Maude Johnson est autrice, commissaire et consultante en art contemporain. Elle détient une maitrise en histoire de l’art de l’Université Concordia et un baccalauréat en histoire de l’art de l’UQAM. Elle s’intéresse aux pratiques performatives, critiques et commissariales, et plus particulièrement à leurs méthodologies, leurs procédés et leurs langages. Ses projets ont été présentés à la Galerie de l’UQAM (Montréal, 2022), au centre d’artistes en art actuel Regart (Lévis, 2020), à Critical Distance Centre for Curators (Toronto, 2018) et à l’espace SIGHTINGS de la Galerie Leonard & Bina Ellen (Montréal, 2016). Elle contribue activement à la revue Esse depuis 2015. De 2018 à 2023, elle a œuvré au sein de MOMENTA Biennale de l’image, où elle a notamment participé à la définition stratégique, au développement de la vision commissariale et à l’amplification du rayonnement de l’organisme.

À propos des artistes

Né à Kitchener, James Gardner vit actuellement à Montréal, où il a obtenu son diplôme du programme de maîtrise en beaux-arts de l'Université Concordia en 2020. Ses expositions récentes comprennent SOS : A story of Survival à la Kitchener Waterloo Art Gallery, As Gardens Need Walls à la Galerie Nicolas Robert (Toronto, 2021) et Vessels and Broods à la Galerie MFA de Concordia (Montréal 2020). Le travail de Gardner a été soutenu par de multiples subventions du Conseil des Arts du Canada, du Conseil des Arts de Toronto et du Conseil des Arts de l'Ontario.   

Site web

 

David Lafrance (b. 1976) holds a Master of Fine Arts from Concordia University in Montreal. His work has been presented in numerous exhibitions and biennales in Canada, the United-States, and in France. Among his recent solo exhibitions are Maison de la culture Marie-Uguay (2018); Galerie Hugues Charbonneau (2014, 2016, 2018 and 2021); Ceaac (2015), Strasbourg; L’Œil de Poisson (2014), Québec City; and the Musée régional de Rimouski (2012). Lafrance lives in Montreal and works in Saint-Jean-Baptiste. 

Site web

Remerciements

Les artistes reconnaissent le support du Conseil des arts du Canada 

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