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La traite des personnes n’est qu’un des nombreux dangers que courent les réfugiées, selon une nouvelle étude

Une chercheuse de Concordia attribue la mort de migrantes aux politiques d’exclusion, de sécurisation accrue des frontières, de restriction des visas et de déportation de l’Union européenne ainsi qu’aux trafiquants
26 février 2019
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Krista Geneviève Lynes examine des questions de genre, de médiation et de migration des plus complexes. | © Concordia University, photo : Lisa Graves
Krista Geneviève Lynes examine des questions de genre, de médiation et de migration des plus complexes. | © Concordia University, photo : Lisa Graves

À l’approche de la Journée internationale des femmes, une chercheuse de l’Université Concordia propose de repenser les récits et les images de mort de migrantes publiés dans les médias pour adopter une perspective élargie qui dépasse la traite des personnes.

« Il est difficile de trouver des récits de migration genrée qui n’abordent pas la question sous l’angle de la traite », affirme Krista Geneviève Lynes, professeure agrégée de communication à la Faculté des arts et des sciences.

« Le problème est que les femmes sont presque toujours dépeintes comme des victimes d’un mouvement involontaire, alors que la réalité s’avère beaucoup plus complexe. Il existe d’innombrables raisons, calculs des risques, enjeux et aspirations qui poussent les femmes à migrer, et qu’on efface lorsqu’on perçoit simplement ces femmes comme les victimes de trafiquants. »

Les conclusions de la Pre Lynes ont récemment été publiées dans Feminist Media Studies et figureront également dans Moving Images: Mediating the European “Migrant Crisis” (Transcript Verlag). L’ouvrage à paraître, que codirige la chercheuse, offre un questionnement critique des images et des discours médiatiques qui régissent la compréhension contemporaine du déplacement, de la migration, du statut de réfugié, de la nationalité et de la mondialisation dans le contexte de la « crise migratoire » européenne.

Au-delà de la traite des personnes

« Les images d’une “crise” reposent toujours sur des corps auxquels on attribue une race, une classe et un genre particuliers, ce qui façonne la perception du public quant à ce ou ceux qui font l’objet de la crise », explique Krista Geneviève Lynes, directrice du Feminist Media Studio de Concordia.

Elle constate que les récits sur la traite rejettent la responsabilité de la mort des migrantes exclusivement sur les trafiquants. Cette perspective est à son avis trop réductrice, car elle permet au grand public d’oublier que les opérations de lutte contre la traite que mène l’Union européenne s’inscrivent dans ses activités élargies de surveillance et de sécurisation des frontières. Or, ces activités rendent en fait la traversée de la Méditerranée par les migrants plus dangereuse.

« Cela permet aux gouvernements, aux politiciens et au grand public de mettre en cause les trafiquants plutôt que d’aborder les politiques élargies d’exclusion qui rendent cette traversée si mortelle. Les tragédies qui surviennent en mer sont causées par les trafiquants, mais aussi par les restrictions de visa, les déportations, les fermetures de port et la surveillance en mer, comme celle exercée par la prétendue “garde côtière” libyenne, responsable d’une violence systémique et continue contre les personnes en transit », explique la chercheuse.

« La lutte contre la traite devient par conséquent un alibi pour les politiques d’immigration très cruelles des États européens. »

Les récits derrière les images

L’étude de Krista Geneviève Lynes a été déclenchée par la couverture médiatique omniprésente d’une tragédie survenue en 2017, lorsque 26 jeunes femmes et filles nigérianes ont péri dans deux naufrages au large de la Libye. Leurs corps ont été repêchés par un navire membre du programme de lutte contre la traite de l’Union européenne. Quand celui-ci a accosté à Salerne, les autorités italiennes ont ouvert une enquête afin de déterminer si les femmes avaient été délibérément tuées – jetées par-dessus bord par les trafiquants pour échapper à leur arrestation.

L’image emblématique de la tragédie dans les médias était celle d’un sac mortuaire en plein ciel, montré en gros plan ou suspendu au-dessus d’une rangée de corbillards.

À l’époque, la Pre Lynes lisait In the Wake, le livre de Christina Sharpe évoquant l’histoire du Zong, un navire qui transportait des esclaves noirs en 1781. L’auteure raconte que l’équipage a jeté par-dessus bord un nombre considérable d’esclaves africains pour sauver le reste de la « cargaison » quand les provisions sont venues à manquer, ce qui a posé les bases du droit maritime entourant l’assurance et le risque.

« Il y avait une ressemblance sinistre entre les deux récits qui semblait importante afin d’exposer la violence raciale et genrée au cœur de la “crise migratoire” d’aujourd’hui », remarque la titulaire de la chaire de recherche du Canada en études des médias féministes.

L’étude de Krista Geneviève Lynes recommande que les médias occidentaux grand public prennent en compte la production médiatique des migrants et des militants, qui visualise et analyse les calculs complexes incitant à migrer.

« Nous avons besoin d’un cadre afin de mieux comprendre les forces changeantes et constitutives du genre, de la sexualité, de la race et de la classe qui déterminent à la fois le caractère et la trajectoire de la migration. »


Lisez le compte rendu intégral de l’étude : Drowned at sea: what haunts the stories of trafficked women?

 

Contact

Patrick Lejtenyi
Conseiller Affaires publiques 
514 848-2424, poste 5068 
patrick.lejtenyi@concordia.ca
@ConcordiaUnews



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