La présence d’arbres en ville peut compenser les îlots de chaleur des quartiers, d’après une chercheuse de Concordia
Le concept des îlots de chaleur – ces espaces urbains densément bâtis et dont la température est considérablement plus élevée que dans les régions rurales et semi-rurales environnantes – a fait l’objet d’études exhaustives et est largement accepté par les universitaires et le grand public.
Or, une nouvelle étude dirigée par une chercheuse de l’Université Concordia examine de plus près ce phénomène ainsi que les mesures susceptibles de l’atténuer. D’après Carly Ziter, professeure adjointe de biologie à la Faculté des arts et des sciences, la présence d’un couvert arborescent important en zone urbaine peut abaisser considérablement la température des environs immédiats – suffisamment pour qu’on ressente une bonne différence, même dans un périmètre de quelques pâtés de maisons.
Dans un nouvel article publié par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, Carly Ziter affirme qu’il existe une relation non linéaire entre le couvert arborescent et la baisse de la température : lorsque le couvert atteint un certain seuil, la température commence à diminuer beaucoup plus rapidement.
« Nous avons découvert que pour optimiser le refroidissement, il est nécessaire d’avoir environ 40 pour cent de couvert arborescent, et que cela fonctionne encore plus à l’échelle d’un pâté de maisons, précise-t-elle. Ainsi, si votre quartier compte moins de 10 pour cent de couvert arborescent, vous ressentirez un certain refroidissement, mais pas beaucoup. Une fois le seuil atteint, vous constaterez réellement à quel point vous pouvez rafraîchir des secteurs complets. »
Elle ajoute que l’écart entre une zone à fort couvert arborescent et une sans arbre peut aller jusqu’à quatre ou cinq degrés Celsius, même si elles ne sont séparées que de quelques centaines de mètres.
Si l’ombre des arbres contribue à diminuer la température, d’autres facteurs entrent aussi en jeu.
« Les arbres transpirent, explique la professeure Ziter. Ils dégagent de la vapeur d’eau, presque comme de petits climatiseurs. »
Cette transpiration a lieu principalement durant le jour. En effet, les travaux de Carly Ziter montrent que la nuit, l’écart de température entre les secteurs à fort couvert arborescent et ceux qui n’en possèdent pas est plus faible.
Lectures mobiles
Pour obtenir ces données, Carly Ziter – qui achevait alors un doctorat à l’Université du Wisconsin à Madison – et ses collègues ont conçu de petites stations météorologiques mobiles à piles, qu’ils ont fixées sur des vélos. Ils ont pédalé à travers la ville et recueilli des lectures à raison d’une par seconde, soient environ tous les cinq mètres. Ils ont ainsi pu avoir une idée claire de la température à différents endroits de la ville, et établir une comparaison avec l’étendue du couvert arborescent, des rues et des structures bâties.
Leur méthode leur a donné suffisamment de données en temps réel de qualité pour procéder à des études à fine échelle axées sur le lien entre le couvert arborescent, les revêtements imperméables et la température.
« En faisant de tels relevés tout au long de l’été, nous avons noté que les températures varient autant à l’intérieur même de la ville qu’entre la ville et la campagne environnante, indique la professeure Ziter. Ce ne sont donc pas tant des “îlots de chaleur” que nous observons, mais plutôt des “archipels de chaleur” ».
Carly Ziter pense que ses découvertes peuvent avoir un impact sur les politiques publiques et la planification urbaine. Selon elle, une hausse de la plantation d’arbres réduirait efficacement la température dans les quartiers qui atteignent presque le seuil des 40 pour cent de couvert arborescent. Elle ajoute que les autorités municipales doivent s’efforcer de conserver le couvert qui existe déjà.
Elle souligne cependant que les secteurs les plus feuillus tendent à se trouver de manière disproportionnée dans les quartiers riches. Elle souhaite par conséquent voir une distribution plus équitable et rationnelle des arbres plantés.
La plantation d’arbres dans les quartiers défavorisés permettrait non seulement de réduire les températures, mais contribuerait en plus à la santé physique et mentale des résidents.
« On sait que le simple fait d’avoir un bel arbre imposant près de chez soi peut apporter une foule de bienfaits aux citadins. »
« Une fois qu’on atteint un certain seuil critique de couvert, chaque arbre contribue encore plus à réduire la température. Cela a des répercussions considérables sur notre façon de concevoir nos villes et d’aménager nos quartiers », conclut-elle.
Consultez l’article cité : Scale-dependent interactions between tree canopy cover and impervious surfaces reduce daytime urban heat during summer.
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