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Une grande partie de l’argent dépensé dans le jeu vient d’un petit nombre de joueurs problématiques, révèle une nouvelle étude

La professeure de Concordia Sylvia Kairouz soutient que les gouvernements profitent d’un groupe largement défavorisé
29 mai 2019
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Sylvia Kairouz et ses collègues ont observé une concentration semblable de joueurs problématiques au Québec, en Allemagne et en France.
Sylvia Kairouz et ses collègues ont observé une concentration semblable de joueurs problématiques au Québec, en Allemagne et en France.

La vaste majorité des joueurs tentent leur chance à l’occasion seulement, et ne risquent généralement pas d’importantes sommes d’argent. Mais selon une récente étude internationale, la majeure partie de l’argent dépensé dans les casinos, les appareils de loterie vidéo et les paris sportifs vient d’un petit nombre de joueurs problématiques.

Rédigé par Sylvia Kairouz et ses collègues de l’Allemagne et de la France, l’article sur les habitudes de jeu est paru dans le Journal of Business Research. Les chercheurs ont examiné les sommes que les gens dépensent dans le jeu et la fréquence à laquelle ils jouent dans trois collectivités publiques. Ils ont ainsi découvert que même si le Québec, la France et l’Allemagne ont des cultures et des préférences de jeu différentes, les dépenses sont toujours concentrées au sein de petits groupes.

« La force de cette étude réside dans la similitude des données recueillies dans trois cultures différentes », affirme Sylvia Kairouz, professeure agrégée de sociologie et d’anthropologie à la Faculté des arts et des sciences.

« Et on ne parle pas seulement de différences culturelles : les systèmes de réglementation sont différents, tout comme les jeux de hasard offerts. Les résultats sont probants, car ils ont été répliqués dans trois contextes distincts. »

Les chercheurs ont eu recours au coefficient de Gini, généralement utilisé en économie pour mesurer la dispersion statistique. Ils ont analysé les données recueillies dans le cadre d’une enquête nationale sur la santé en France, d’un programme de recherche gouvernemental allemand ainsi que d’une enquête ENHJEU-Québec menée par des chercheurs de Concordia et de l’Université de Montréal.

Jouer avec les chiffres

L’étude divise les joueurs en trois catégories : les joueurs non problématiques, les joueurs problématiques et les joueurs pathologiques.

D’après les résultats, « pris ensemble, les joueurs problématiques et les joueurs pathologiques sont à l’origine de 40,2 pour cent de toutes les dépenses en jeu de hasard comptabilisées en France, de 31,6 pour cent de ces dépenses au Québec, et de 32 pour cent des mêmes dépenses en Allemagne. »

Or, les personnes appartenant à ces deux catégories représentent seulement 4,8 pour cent des joueurs en France, 2,7 pour cent au Québec et 4,6 pour cent en Allemagne.

Les chercheurs ont en outre noté que les joueurs problématiques tendent à être attirés par des types de jeux précis. Par exemple, les loteries comptent le plus faible taux de joueurs problématiques parmi leurs clients. En France, les jeux sur table, le poker et les paris sportifs génèrent plus de la moitié des revenus; au Québec, les machines à sous, y compris les appareils de loterie vidéo, sont de loin les plus populaires, suivis des jeux sur table et du poker. Les données allemandes à ce sujet ne font aucune distinction selon le type de jeu.

La population vulnérable est la plus à risque

Pour la professeure Kairouz et ses collègues, ces découvertes soulèvent plusieurs préoccupations.

D’abord, la plupart des joueurs problématiques sont moins riches et moins scolarisés que les joueurs non problématiques. Il s’agit donc d’un enjeu social, et non simplement comportemental.

« On en vient à se questionner sur la façon dont circule la richesse au sein de la société. De l’argent est tiré des poches d’un groupe et distribué à l’ensemble de la population. À nos yeux, cela n’est pas équitable », commente Sylvia Kairouz.

Elle remarque qu’au Québec, les appareils de loterie vidéo se trouvent de façon disproportionnée dans des secteurs moins privilégiés sur le plan économique.

« Nous savons que ces machines sont concentrées dans les quartiers défavorisés », souligne-t-elle.

« Nous les rendons ainsi plus accessibles à des personnes à faible revenu qui vivent beaucoup d’adversité. Ces personnes se tournent vers ce type de jeu pour échapper à leur difficile réalité. Nous leur avons donné des solutions faciles et accessibles pouvant avoir des répercussions très néfastes. »

La professeure Kairouz précise qu’elle n’a pas d’objection globale contre le jeu et que la vaste majorité des gens qui jouent le font sans que cela leur cause d’ennuis.

« Nous espérons que cette étude ouvrira les yeux des décideurs et des organismes de réglementation en matière de jeu. Elle offre par ailleurs de bonnes pistes pour la prévention, laquelle devrait être plus ciblée et mieux adaptée à certains groupes à risque », conclut la chercheuse.


Consultez l’article cité : « 
Gambling spending and its concentration on problem gamblers ».

 

Contact

Patrick Lejtenyi
Conseiller Affaires publiques 
514 848-2424, poste 5068 
patrick.lejtenyi@concordia.ca
@ConcordiaUnews



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