L’utilisation de robots durant les élections – dont celles du Canada – ne deviendra que plus complexe, selon un chercheur de Concordia
Après les récentes élections au Canada, aux États-Unis et ailleurs, les médias sociaux ont été scrutés à la loupe. L’utilisation de robots est devenue un sujet d’intérêt particulier pour les universitaires, les journalistes et les experts en sécurité – notamment parce que nombre de ces robots semblaient avoir été créés par des services de renseignements affiliés au Kremlin.
Les robots – des cyberagents automatisés conçus pour se faire passer pour des humains – demeurent une préoccupation importante à l’approche des élections fédérales canadiennes le mois prochain et des élections présidentielles américaines l’an prochain. Professeur agrégé de communication à la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia, Fenwick McKelvey est coauteur d’un article récemment paru dans le Canadian Journal of Communication qui examine le rôle des robots en politique et les solutions potentielles aux problèmes qu’ils créent. Elizabeth Dubois, de l’Université d’Ottawa, a corédigé l’étude.
Les chercheurs soutiennent que les robots agissent souvent comme des agents perturbateurs, minant la confiance du public non seulement dans les institutions démocratiques, mais aussi dans la légitimité de l’information reçue d’Internet dans son ensemble. De plus, leur influence perturbatrice demeure même après que des plateformes comme Twitter – où les robots florissaient dans le passé – ont pris des mesures pour les éliminer et les bloquer.
« Je suis surpris de voir à quel point les robots sont devenus véritablement endémiques des inquiétudes du grand public quant à la participation démocratique légitime, à la manipulation et à la perte de confiance à l’égard des sources d’information », affirme le Pr McKelvey.
Bon robot, vilain robot
Si tous les robots ne sont pas de nature malveillante ou politique, les auteurs notent que certains sont particulièrement nuisibles lorsqu’ils sont exploités à des fins politiques, par exemple dans le cas de la « désinformation populaire planifiée », terme évoquant une fausse campagne populaire sur un enjeu habituellement clivant. Ces robots, créés par des agences de relations publiques, des comités d’action politique ou des particuliers, n’ont que des liens ténus, voire inexistants, avec un quelconque parti politique. Or, cette situation soulève des questions de légitimité de même que des enjeux d’importance en ce qui a trait aux règles de promotion et de financement des campagnes.
La bonne nouvelle, selon Fenwick McKelvey, est que la solution pour éclaircir cette zone grise est assez simple. Bannir tous les robots serait presque impossible et pourrait causer beaucoup plus de problèmes qu’en résoudre, puisque nombre de sites Web légitimes comme Wikipédia dépendent de robots pour fonctionner. On pourrait mettre sur pied un registre des robots où les praticiens devraient s’inscrire pour vendre leurs services. Cependant, comme les robots sont très faciles à créer, cette idée pourrait s’avérer difficile à appliquer en vertu des lois électorales existantes.
Le chercheur suggère plutôt que les institutions – y compris les partis politiques et les plateformes comme Twitter – adoptent des codes de conduite qui exigent de divulguer l’utilisation de robots dans les efforts de promotion de leurs campagnes.
« Nous verrons lors des élections s’il y aura divulgation, avance le Pr McKelvey. Si les partis recourent à des robots et le divulguent, la situation pourrait se révéler très intéressante. » Certains candidats se sont déjà engagés, sur le site Pledge for Election Integrity, à ne pas utiliser de données ou de documents falsifiés ou fabriqués à des fins politiques, et à faire preuve de transparence en ce qui concerne l’utilisation de robots et les sources de financement de leurs campagnes.
Le chercheur est néanmoins convaincu que les robots feront partie intégrante de notre écosystème électoral dans les années à venir. Il estime donc que les démocraties devront y réagir avec force à mesure qu’ils deviendront plus sophistiqués.
Cuvée de mèmes 2019
Pour les élections proches, Fenwick McKelvey se concentrera non plus sur le mécanisme de livraison, soit les robots, mais sur le contenu que ceux-ci promeuvent. Il étudiera en effet les mèmes qui circulent sur Internet et sur les plateformes des médias sociaux.
Avec l’aide d’étudiants du 1er cycle de son cours de communication politique, le Pr McKelvey examinera « l’utilisation des mèmes durant les élections canadiennes pour comprendre quels sont les enjeux dominants. De quoi parle-t-on sur Internet? Nous aborderons aussi l’impact sur la manière dont les gens s’informent sur un candidat particulier. »
Pour plus d’information sur les recherches à venir de Fenwick McKelvey, consultez le site Web de l’Observatoire des médias algorithmiques.
Consultez l’article cité : Political Bots: Disrupting Canada’s Democracy.