Une chercheuse de Concordia examine les risques réels de la cigarette électronique
La cigarette électronique est depuis longtemps considérée comme une solution de rechange plus sûre à la cigarette classique. Pourtant, un certain nombre de graves maladies respiratoires et même de morts ont récemment été attribuées au vapotage.
Étudiante à la maîtrise à l’Université Concordia, Tasfia Tasbih examine les risques que pose la cigarette électronique dans le cadre de ses recherches au Département de santé, de kinésiologie et de physiologie appliquée ainsi qu’au Centre de médecine comportementale de Montréal (CMCM). Elle s’intéresse particulièrement à la sensibilisation aux risques associés à l’utilisation de cet appareil ainsi qu’à l’étude des différences entre les hommes et les femmes qui vapotent sur le plan des réponses physiologiques et de la fréquence des maladies.
Nous parlons d’un grave problème de santé publique
Quel est le rapport entre cette image et vos travaux à Concordia?
Tasfia Tasbih : Cette image a été prise au laboratoire du CMCM alors que nous effectuions un test pour notre étude sur l’usage de la cigarette électronique. Nous menions une évaluation cardiovasculaire du sujet et surveillions sa pression artérielle.
Pour les besoins de l’étude, chaque participant portait un masque qui nous permettait d’évaluer ses réponses respiration par respiration sans interruption. Nous mesurions l’oxygène, le dioxyde de carbone, le volume minute, le volume courant et le rythme respiratoire.
Quels résultats attendez-vous de votre projet?
TT : La cigarette électronique, commercialisée comme une solution de rechange « sans danger » à la cigarette ordinaire, a été adoptée par des millions de personnes dans le monde entier depuis son apparition sur le marché chinois en 2004.
Selon les statistiques de 2017, l’usage de la cigarette électronique est le plus répandu chez les jeunes. Plus de 29 pour cent des adultes âgés de 20 à 24 ans, et 25,6 pour cent de ceux âgés de 25 à 34 ans, ont déclaré utiliser cet appareil. Dans l’ensemble, son usage était plus courant chez les hommes (18,8 pour cent) que chez les femmes (12 pour cent).
Un nombre élevé de personnes croient que la cigarette électronique est sûre, principalement parce qu’elles la comparent à la cigarette combustible. Toutefois, la plupart des cigarettes électroniques contiennent certains des éléments nocifs présents dans les cigarettes ordinaires – dont la nicotine et les aldéhydes – en quantités variables, même si elles sont parfois commercialisées comme étant sans nicotine.
Des études donnent à penser que la nicotine présente dans les produits de vapotage a des effets néfastes sur la fonction cardiorespiratoire, le système nerveux central et le système immunitaire, et pourrait entraîner une accoutumance à la cigarette normale. D’autres recherches semblent indiquer que les ingrédients autres que la nicotine, comme le formaldéhyde, sont plus toxiques que la nicotine à elle seule et pourraient nuire à la santé.
Quels pourraient être les effets concrets de vos travaux dans la vie des gens?
TT : Je tente de cerner les différences entre les hommes et les femmes qui présentent des complications attribuables à la cigarette électronique. Il n’existe pas de données sur cet aspect et j’espère que mes recherches fourniront de précieux renseignements pour mettre en doute les affirmations relatives à l’efficacité potentielle de la cigarette électronique comme aide de désaccoutumance au tabac. L’analyse fondée sur le sexe pourrait également fournir d’importantes informations en vue d’élaborer des approches de désaccoutumance au tabac adaptées aux hommes et aux femmes.
En raison du manque d’information au sujet de l’efficacité de la cigarette électronique comme outil de désaccoutumance au tabac ainsi que de ses éventuels effets nocifs sur les fumeurs réguliers et les fumeurs naïfs, la popularité du vapotage croît à un rythme alarmant.
Nous parlons d’un grave problème de santé publique. Du point de vue clinique, les différences quant aux réponses physiologiques des hommes et des femmes qui utilisent la cigarette électronique et aux maladies qu’ils développent sont préoccupantes. Mon étude tentera d’ouvrir la voie à des solutions afin de promouvoir un comportement sain.
Par ailleurs, j’espère qu’elle encouragera les responsables des politiques à repenser la disponibilité de la cigarette électronique sur le marché et à renforcer la réglementation concernant son usage.
Quels sont les principaux obstacles auxquels vous vous heurtez dans vos travaux?
TT : L’un des plus grands obstacles à nos recherches est le fait que nous manquons de renseignements sur les différences entre les sexes relativement aux réponses physiologiques à la cigarette électronique. Plusieurs études ont examiné ces différences pour ce qui est du tabagisme ordinaire, mais peu de données sont disponibles pour la cigarette électronique.
Un autre défi que nous anticipons est le pourcentage de femmes qui participeront à notre étude. Bien que le nombre de fumeuses augmente rapidement, nous ignorons pour l’instant à quel point elles seraient susceptibles de participer à l’étude en raison de plusieurs barrières, dont certaines considérations psychosociales.
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de votre sujet de recherche au départ?
TT : Depuis la fin de mes études de 1er cycle en médecine, je cherchais à appliquer mes connaissances, à en acquérir de nouvelles et à explorer de manière créative d’autres avenues en recherche clinique. Les remarquables travaux de mon superviseur, Simon Bacon, sur les maladies chroniques et les comportements liés à la santé m’ont inspirée. J’ai pensé que ce domaine me permettrait de réaliser mes objectifs et de venir concrètement en aide aux personnes malades.
Quel conseil donneriez-vous aux étudiants en STIM qui veulent se lancer dans ce type de recherche?
TT : Le nombre de personnes atteintes de maladies chroniques de types cardiovasculaire et respiratoire est en hausse dans le monde entier. Je crois que nous devons intensifier les recherches dans ce domaine pour motiver les gens à modifier leur comportement et trouver des solutions pour les malades chroniques.
Les travaux menés au CMCM constituent une excellente plateforme qui permet aux nouveaux étudiants d’acquérir une expérience en recherche clinique.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus à Concordia?
TT : Étudier à Concordia est l’une des expériences les plus enrichissantes que j’ai vécues. Mon département se trouve au campus Loyola, l’un des plus beaux de cette ville dynamique qu’est Montréal.
J’adore aussi les collections exceptionnelles de la bibliothèque, qui est un endroit formidable pour étudier et réfléchir à mes recherches.
Comme Concordia accueille des étudiants et étudiantes de partout dans le monde, l’occasion est idéale de rencontrer des gens issus de différentes cultures, de nouer de nouvelles amitiés et de découvrir une foule d’aspects de la vie.
Vos recherches bénéficient-elles du financement ou du soutien de partenaires ou d’organismes?
TT : Notre projet est financé par la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, la Stratégie de recherche axée sur le patient et les Instituts de recherche en santé du Canada. J’ai également obtenu une bourse d’études de Concordia et une bourse de recherche d’un Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux.
Apprenez-en davantage sur le Département de santé, de kinésiologie et de physiologie appliquée de l’Université Concordia.