Les bâtiments intelligents présentent un grand potentiel malgré les nombreux défis, soutient un chercheur de Concordia
On emploie souvent le mot « intelligent » pour qualifier les objets du quotidien, comme les téléphones, les télévisions, les électroménagers et maintenant, les bâtiments.
Le concept de bâtiment intelligent n’en est qu’à ses débuts. Il n’existe pas encore de définition officielle, mais un des meilleurs exemples illustrant ce concept est la méthode de contrôle centrée sur les occupants. Elle consiste à utiliser les données recueillies sur les occupants, l’environnement intérieur et les conditions climatiques extérieures pour optimiser le bien-être des occupants, les réglages et l’efficacité énergétique.
Les fonctions essentielles du bâtiment, dont l’éclairage, le chauffage, la climatisation et l’habillage des fenêtres, sont gérées par un système de commande qui assimile les données sur les modèles d’occupation, l’utilisation de l’éclairage et le réglage de la température, entre autres choses. Ce type de système peut avoir une incidence considérable sur la consommation d’énergie des bâtiments qui comptent des dizaines ou des centaines d’occupants.
Toutefois, bien que le concept de bâtiment intelligent passionne architectes et ingénieurs, il n’a pas encore été mis en œuvre à grande échelle dans des conditions réelles. Des recherches, des expériences et des simulations ont été menées, mais dans l’ensemble, les principes liés à la méthode de contrôle centrée sur les occupants n’ont pas encore été mis en œuvre de façon systématique et cohérente.
Dans un nouvel article publié dans la revue Building and Environment, Mohamed Ouf examine les études de cas consacrées à la méthode de contrôle centrée sur les occupants et évalue la voie d’avenir. L’article a été coécrit par June Young Park, de l’Université du Texas à Austin, et des collègues de l’Université Carleton, de l’École polytechnique fédérale de Zurich et de l’Université du Danemark du Sud.
« Nous avons extrait et analysé minutieusement les travaux pertinents réalisés sur ce sujet », indique Mohamed Ouf, professeur adjoint au Département de génie du bâtiment, civil et environnemental de l’École de génie et d’informatique Gina-Cody.
« Nous avons constaté que très peu de chercheurs ont été en mesure de mettre en œuvre ces méthodes de contrôle dans des bâtiments en situation réelle pour de nombreuses raisons logistiques. »
Mohamed Ouf est également l’un des six membres de la nouvelle équipe de recherche interdisciplinaire Collectivités et villes intelligentes, durables et résilientes, dont l’objectif est de proposer des solutions pour créer des espaces urbains plus durables, accessibles et inclusifs. L’équipe est dirigée par Ursula Eicker, titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur ce thème, et sera officiellement présentée à Concordia aujourd’hui, le mardi 12 novembre, à ESPACE 4.
Jeter les bases
Comme M. Ouf et ses collègues le soulignent, les travaux de recherche consacrés au contrôle centré sur les occupants sont encore relativement peu nombreux. Ils ont trouvé 120 publications à ce sujet, mais seules 42 études abordent la mise en œuvre sur le terrain. La plupart sont des études conceptuelles ou des simulations. Dans l’ensemble, elles privilégient les normes nord-américaines et européennes ainsi que les bâtiments universitaires ou de bureau.
L’analyse des chercheurs a par ailleurs fait ressortir plusieurs difficultés liées à la mise en œuvre de la méthode de contrôle centrée sur les occupants.
Comme il s’agit d’un nouveau domaine d’études, il n’existe encore aucune définition reconnue du terme. La méthode de contrôle permet-elle de prioriser les modèles d’occupation? Est-elle axée sur le comportement des occupants et leurs interactions avec les systèmes du bâtiment? De combien de contrôles physiques un occupant devrait-il disposer dans un bâtiment automatisé? Faut-il accorder la priorité au confort ou à l’économie d’énergie?
De plus, la dépendance à l’égard des données liées à la méthode de contrôle centrée sur les occupants entraîne d’importants problèmes technologiques et relatifs à la protection de la vie privée qui doivent être résolus. Les travaux en cours ne portent généralement pas sur les liens entre les différents environnements intérieurs. L’approche globale du bâtiment, qui s’imposera à mesure des avancées dans le domaine, nécessitera donc d’importants travaux de mise en réseau et de développement de logiciels. Des mesures doivent également être prises pour protéger les données des occupants.
Compte tenu de toutes ces pistes à explorer, Mohamed Ouf se montre optimiste quant à l’avenir de la méthode de contrôle centrée sur les occupants.
« Le créneau de la méthode de contrôle centrée sur les occupants est encore très nouveau et offre des possibilités passionnantes de combiner l’évolution de la science des données et de l’intelligence artificielle au génie du bâtiment », explique-t-il.
J’ai la chance d’être en train d’établir un laboratoire à Concordia afin de mettre en œuvre et à l’essai la méthode de contrôle centrée sur les occupants en situation réelle. Nous disposerons de quatre bureaux dotés d’une foule d’appareils comme des capteurs et des actionneurs afin d’analyser le bien-être des occupants et leurs interactions avec les systèmes du bâtiment. Nous élaborerons de nouveaux algorithmes de contrôle en vue d’améliorer l’efficacité énergétique du bâtiment ainsi que le confort. »
Lire l’article cité : « A critical review of field implementations of occupant-centric building controls. »