Un diplômé de Concordia fait le bilan de sécurité du réseau électrique intelligent
Il est facile de tenir pour acquis le bon fonctionnement du réseau électrique, vu la facilité apparente avec laquelle il alimente nos ordinateurs portables et nos lave-vaisselle.
Mais comment le réseau existant – dont le Forum économique mondial estime l’âge à 60 ans – pourra-t-il continuer de répondre à la demande croissante de notre monde électronique toujours plus assoiffé d’électricité?
Par sa rencontre avec la technologie intelligente.
Un réseau électrique numérisé et intelligent permet une distribution optimale, de la source au consommateur. On l’obtient en intégrant des technologies d’information, de télécommunication et d’alimentation électrique au réseau existant.
De nouvelles technologies de détection et applications logicielles permettent une surveillance du réseau en temps réel. Ainsi, pour prévenir les pannes de courant, les entreprises de services publics peuvent réacheminer, générer, injecter, voire stocker de l’électricité.
Entre autres avantages, le réseau électrique intelligent peut intégrer des sources d’énergie plus renouvelables – en rachetant par exemple de l’énergie solaire ou éolienne – afin d’assurer une meilleure stabilité générale et de réduire les émissions de carbone.
« Le déploiement d’un réseau électrique entièrement intelligent est en cours au Québec, à la faveur de mises à niveau graduelles visant à en réaliser le plein potentiel », explique Bassam Moussa (Ph. D. 2018), qui a mené ses recherches doctorales au Centre de recherche sur la sécurité de l’École de génie et d’informatique Gina-Cody.
Bassam Moussa poursuit maintenant ses travaux à titre de chercheur postdoctoral au Centre de recherche et de technologie en intelligence artificielle eXpertise de Thales, à Montréal, grâce à une bourse du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.
« Mais l’interdépendance du réseau électrique intelligent et de l’Internet des objets engendre de nouvelles vulnérabilités qui exigent des stratégies de cyberrésilience », ajoute-t-il.
Selon lui, le réseau électrique intelligent devrait idéalement s’autoréparer lors de perturbations, et fonctionner de façon résiliente en cas d’attaques physiques et de cyberattaques. Ce qui nécessite une sécurité accrue.
Tout est dans la synchronisation
Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Bassam Moussa a évalué la sécurité d’un élément essentiel au bon fonctionnement du réseau électrique intelligent : les mécanismes de synchronisation. Ceux-ci reposent sur l’horodatage et facilitent la surveillance, la protection et le contrôle à grande échelle du réseau.
La synchronisation est essentielle à une bonne capacité d’examen de la situation en temps réel.
Elle est importante après une panne de courant, car elle permet d’analyser ce qui s’est passé et de cerner où et quand les événements se sont produits. Les mécanismes de synchronisation donnent également aux sociétés d’électricité des outils de prévision leur permettant d’adopter des mesures préventives contre les pannes.
« On parle d’une marge d’erreur de l’ordre de microsecondes. De nombreuses fonctionnalités en dépendent. La synchronisation est une immense nécessité dans tous les volets du réseau, de la génération à la transmission, en passant par la distribution et le service à la clientèle », poursuit Bassam Moussa.
Ses travaux sont financés par l’entremise de la chaire de recherche industrielle principale CRSNG-Hydro-Québec-Thales sur la sécurité des réseaux électriques intelligents détenue par Mourad Debbabi, à l’école Gina-Cody, où ce dernier est vice-doyen de la recherche et des études supérieures.
« Nous nous sommes concentrés sur la sous-station normalisée IEC 61850, autre élément de base du réseau intelligent, et le mécanisme du protocole PTP (“Precision Time Protocol”) servant à distribuer le signal horaire dans le réseau local de la sous-station ».
Banc d’essai de réseau électrique intelligent
Au Centre de recherche sur la sécurité, Bassam Moussa a réalisé son analyse au moyen d’un banc d’essai de réseau intelligent conçu à l’aide de matériel réellement utilisé sur le terrain.
Dans une expérience, le chercheur a examiné les horodatages de mesures de tension et de courant. Ces chiffres ont été intégrés dans des algorithmes et analysés afin d’obtenir une indication de l’observabilité du réseau.
Pour être utiles, ces mesures doivent être horodatées de façon très exacte. C’est là que la synchronisation entre en jeu.
« Nous avons réussi à manipuler l’horodatage d’une des mesures produites par une source, ce qui a eu pour effet de corrompre ces données », relate le chercheur, qui a mené une partie de ses travaux durant un stage à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ).
« En manipulant l’horodatage, nous avons “contaminé” l’enregistreur de manière à ce qu’il ne reçoive plus les mesures provenant de dispositifs bénins et soit plutôt alimenté par des données de sources malveillantes. »
Après avoir établi que le protocole PTP présentait des vulnérabilités, Bassam Moussa a proposé des solutions.
« J’ai rigoureusement défini des solutions pour protéger ce protocole contre certains types de cyberattaques de synchronisation qui le ciblaient spécifiquement, par exemple l’injection d’horodatages truqués au moyen d’éléments compromis, ou encore le captage d’un paquet PTP et sa libération avec un retard de quelques microsecondes pour produire une désynchronisation. »
Bassam Moussa compare la synchronisation du réseau électrique au pouls du corps humain : « Elle doit être optimale pour que le réseau fonctionne à son plein potentiel ».
Centre de recherche sur la sécurité de Concordia
Les travaux de Bassam Moussa s’inscrivent parmi les nombreuses initiatives de l’Université en matière de sécurité des infrastructures essentielles.
Le Centre de recherche sur la sécurité compte maintenant 65 chercheuses et chercheurs en cybersécurité – dont 10 professeurs ainsi que 55 étudiants aux cycles supérieurs et chercheurs postdoctoraux – qui marquent de grands progrès dans la prévention, la détection et l’atténuation des cyberattaques.
Renseignez-vous sur l’École de génie et d’informatique Gina-Cody.