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De la politique au temps passé en famille, l’isolement social touche presque toutes les facettes de notre vie, selon un chercheur de Concordia

Pierre-Yann Dolbec étudie la manière dont nos habitudes de consommation évoluent durant la pandémie
6 mai 2020
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Pratiquement aucun aspect de notre mode de vie avant l’apparition du coronavirus n’est demeuré inchangé depuis le début de la pandémie mondiale. La manière dont nous travaillons, entretenons nos liens sociaux, éduquons nos enfants et consommons des biens et des services a en effet connu une évolution remarquable.

Pierre-Yann Dolbec tente de suivre et de comprendre cette évolution, notamment au regard des habitudes de consommation. Depuis deux mois, le professeur adjoint de marketing à l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia recueille ainsi des données en compagnie de sa collègue Eileen Fischer, de l’École de gestion Schulich de l’Université York. Les deux chercheurs ont réalisé des entrevues avec des dizaines de personnes à Montréal, à Toronto et à Los Angeles au sujet de leur vie en confinement et de la façon dont elles s’y adaptent.                                                         

Le Pr Dolbec souligne que sa définition de la consommation est large. Selon lui, la plupart de nos activités quotidiennes, qu’il s’agisse de pratiquer un passe-temps ou de faire l’épicerie, relèvent de la consommation.

Pierre-Yann Dolbec Pierre-Yann Dolbec

Politique et foyer

En examinant les données de leur première série d’entrevues, les chercheurs dégagent plusieurs tendances.

Premièrement, ils constatent un enracinement idéologique de la consommation. Pierre-Yann Dolbec croit depuis longtemps que l’idéologie motive la consommation chez nombre de personnes, et soutient que les données recueillies à ce stade le confirment.

« Nous avons demandé aux gens de remplir un questionnaire au sujet de leur orientation politique avant de commencer l’entrevue, et leur comportement correspond souvent à leurs croyances », explique le titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur la complexité et les marchés.

« Plus ils tendent à être libertariens, plus leur réaction est individualiste, c’est-à-dire qu’ils accumulent des stocks ou font fi des recommandations de distanciation sociale. »

Le chercheur souligne ensuite l’établissement accru de barrières entre l’intérieur et l’extérieur. « Les gens ont l’impression que tout est propre et désinfecté chez eux, par opposition au monde extérieur, qui est sale et dangereux », précise-t-il. Si certains gouvernements recommandent, voire imposent le port du masque de protection à l’extérieur, les comportements extrêmes vont de la désinfection des articles introduits dans le foyer – comme les colis postaux, les repas livrés et l’épicerie – jusqu’au déménagement dans un chalet.

Stress et routine

Les niveaux de stress diffèrent souvent selon les conditions socioéconomiques. Pierre-Yann Dolbec a observé des professionnels bien rémunérés afficher un niveau de stress moindre que d’autres personnes dont l’emploi était plus précaire. Certains éprouvent un sentiment de soulagement au regard de la productivité, résultant d’une diminution du nombre de voyages et de déplacements ainsi que d’une augmentation du temps passé en famille. Pendant ce temps, les moins aisés – notamment les étudiants – s’inquiètent au sujet des possibilités de stage, des entrevues d’embauche et des salaires perdus.

Par ailleurs, nombreux sont les exemples de personnes qui modifient leur routine quotidienne. Pour soulager l’ennui qui découle d’un confinement généralisé, certaines des personnes interrogées ont révélé qu’elles avaient réorganisé leur bureau à la maison, aménagé un espace consacré à l’exercice, ou pris l’habitude de s’habiller ou de se maquiller pour leur journée de travail même si elles travaillaient chez elles.

« Il y a deux mois, tout le monde parlait de travailler en sous-vêtements, rappelle le Pr Dolbec. Aujourd’hui, les gens portent un complet pour retrouver un semblant de normalité. »

Enfin, un changement important observé par le chercheur durant la pandémie est le retour à la famille, là encore particulièrement chez les étudiants. Or, cette tendance peut à la fois s’avérer un bienfait – lorsque les familles sont réunies sans devoir composer avec les interruptions et les obligations constantes de la vie quotidienne – et comporter son lot de défis, selon lui.

« Vous devez soudain vivre avec quatre, cinq ou six personnes, explique-t-il. Les gens tentent d’établir des horaires, de trouver un peu d’intimité et ainsi de suite. »

Plus d’isolement, plus de données

Pierre-Yann Dolbec envisageait au départ de recueillir des données durant six semaines seulement, mais le prolongement du confinement lui ouvre de nouvelles possibilités. Comme l’isolement social devrait se poursuivre sous une forme ou une autre dans un avenir proche, Eileen Fischer et lui prévoient mener d’autres entrevues qui tiendront compte des données précédemment recueillies.

« La prochaine étape consistera à comparer nos résultats aux prévisions des théories existantes », conclut-il.


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Département de marketing de l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia.

 

 



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