Comment les pêcheries maritimes peuvent-elles prévenir d’autres déclins d’espèces?
Alors que l’industrie de la pêche de l’Atlantique doit affronter la crise de la COVID-19 et solliciter l’aide du gouvernement fédéral, un chercheur de l’Université Concordia examine les façons dont on pourrait soutenir le secteur.
« Parmi les facteurs qui font de la pêche un métier difficile, il y a l’incertitude entourant la disponibilité des stocks de poisson », explique Eric Pedersen, professeur adjoint de biologie à la Faculté des arts et des sciences de l’établissement. « L’abondance d’une espèce particulière peut varier considérablement d’une année à l’autre. De plus, les changements de régime communautaire sur lesquels portent mes travaux peuvent entraîner des variations encore plus importantes, plus persistantes et plus difficiles à prévoir. »
« Les phénomènes comme la COVID-19 ne font qu’ajouter à cette incertitude. »
L’effondrement des stocks de morue du nord-ouest de l’Atlantique, dans les années 1990, a mené la vie dure à ceux qui en ont fait l’expérience. Le moratoire gouvernemental a en effet mis des dizaines de milliers de personnes au chômage et a eu des conséquences catastrophiques pour l’économie régionale.
À l’époque, la surpêche était généralement considérée comme responsable de la crise. Mais d’autres facteurs sont-ils entrés en jeu?
« Nous proposons une approche inédite pour caractériser les changements de régime communautaire », affirme le chercheur.
Arrivé à Concordia l’été dernier, le Pr Pedersen étudie le sujet depuis deux ans et demi dans le cadre de son laboratoire d’écologie quantitative des pêches. Son équipe de recherche et lui travaillent en partenariat avec Pêches et Océans Canada.
Prévenir de futurs déclins d’espèces
Eric Pedersen et ses collègues se sont penchés sur l’évolution de nombreuses populations de la faune marine au fil des ans, des poissons jusqu’aux homards. Ils ont ainsi constaté que l’effondrement des stocks de morue avait en fait touché maintes autres espèces et semblait s’être produit beaucoup plus tôt qu’on ne le croyait auparavant.
« Le phénomène est apparu dans les années 1980, si ce n’est avant », soutient le scientifique.
Ses travaux portaient sur les « changements de régime » – de rapides modifications écosystémiques ponctuant de longues périodes de variabilité moindre – et examinaient les périodes durant lesquelles les populations de poissons étaient suffisamment stables pour être suivies et recensées.
La surveillance de ces facteurs permettrait selon le Pr Pedersen d’éviter les déclins d’espèces. En effectuant un suivi des espèces pour prévoir les changements de régime, le chercheur croit en effet qu’il est possible d’anticiper non seulement le moment où une espèce risque de décliner, mais aussi celui où elle pourrait connaître un boom.
Ces deux facteurs favorisent justement la planification de l’industrie des pêches.
Examiner les écosystèmes marins
Eric Pedersen affirme avoir réalisé que l’ancienne approche consistant à étudier une espèce à la fois n’était pas la plus efficace.
« Lorsque nous étudions une espèce de poisson, nous cherchons à déterminer ses proies, ses prédateurs et tout le système qui l’entoure, explique-t-il. Il nous faut donc une simple mesure pour évaluer ces groupes et la manière dont ils évoluent ensemble. »
Ce défi s’avérait d’autant plus complexe que les stocks de morue avaient considérablement diminué, rendant la collecte de données plus ardue.
Le constat du chercheur a toutefois révélé de nouvelles informations. « Les choses n’ont jamais été stationnaires », affirme-t-il. C’est-à-dire que les populations de poissons qu’on croyait auparavant stables changeaient en fait sans cesse.
Cerner l’impact
En fin de compte, l’impact économique de l’étude sur l’industrie des pêches reste à déterminer, mais Eric Pedersen affirme que nous devons nous préparer à des changements.
« Il suffit d’observer l’explosion de la population de sébastes dans le golfe du Saint-Laurent », souligne-t-il. Cette population a en effet connu un récent regain à la fois inattendu et spectaculaire après une baisse des stocks dans les années 1990.
Le Pr Pedersen explique que les zones de pêche devront éventuellement changer, tout comme les types de poissons que nous consommons.
« On ne peut prendre qu’un certain nombre de mesures, mais notre objectif est de tirer parti de cette recherche pour prévoir et prévenir les mauvaises surprises », conclut-il.
Lisez l’article cité : Detecting regime shifts in communities using estimated rates of change.