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Deanna Bowen, lauréate du Prix de photographie Banque Scotia

L’artiste et professeure d’arts plastiques entend utiliser la bourse pour « aider à réécrire l’histoire culturelle canadienne »
18 juin 2021
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Deanna Bowen : « Ce prix, c’est aussi l’occasion de me joindre à une communauté internationale, de tisser des liens avec des artistes noirs de partout dans le monde. »
Deanna Bowen : « Ce prix, c’est aussi l’occasion de me joindre à une communauté internationale, de tisser des liens avec des artistes noirs de partout dans le monde. »

Deanna Bowen, artiste et professeure adjointe de pratiques de création d’images bidimensionnelles et quadridimensionnelles intersectionnelles, féministes et décoloniales au Département des arts plastiques de l’Université Concordia, remporte le Prix annuel de photographie Banque Scotia, assorti d’une bourse de 50 000 $.

« Deanna a un lien très personnel avec son œuvre, et en particulier ses photos, qui documentent brillamment pour les spectateurs les questions de généalogie, de race et de migration au Canada », explique Edward Burtynsky, cofondateur du Prix de photographie Banque Scotia et président du jury.

La plus grande et la plus prestigieuse récompense canadienne en photographie, le prix Banque Scotia vise à souligner les réalisations d’artistes bien établis en milieu ou en fin de carrière. Deanna Bowen est la cinquième membre de la communauté de Concordia à recevoir le prix depuis son lancement il y a neuf ans. Également finalistes du prix annuel 2021, Annie MacDonell, Dawit L. Petros (B. Bx-arts 2003) et Greg Staats recevront chacun une bourse de 10 000 $.

En plus de recevoir un prix en argent, la lauréate verra ses œuvres présentées dans le cadre de l’exposition principale du festival de photo CONTACT Banque Scotia, au Ryerson Image Centre. Son travail fera en outre l’objet d’un livre publié et distribué à l’échelle mondiale par la maison d’édition allemande Steidl.

« L’art politique ne s’inscrit pas dans la norme canadienne »

« Cette reconnaissance de la nécessité vitale de l’œuvre de Deanna par l’institution de l’art canadien est aussi une reconnaissance de ses réalisations artistiques, universitaires et personnelles », explique Annie Gérin, doyenne de la Faculté des beaux-arts.

« Nos mythes fondamentaux nécessitent un examen critique et une réécriture. De nombreuses histoires difficiles doivent être dites. Nous avons de la chance d’avoir Deanna à Concordia pour enseigner aux étudiantes et étudiants comment fouiller les archives, désassembler les trames acceptées et raconter leurs propres histoires. »

Tout au long de sa carrière, Deanna Bowen s’est vu décerner de nombreuses distinctions, dont le Prix du gouverneur général du Canada pour les arts visuels et médiatiques en 2020, une bourse de la John Simon Guggenheim Memorial Foundation en 2016, et le prix William H. Johnson en 2014.

« L’art politique ne s’inscrit pas dans la norme canadienne. C’est ce qui rend cette reconnaissance par mes pairs encore plus précieuse – étant moi-même issue d’une cohorte d’artistes en majorité racialisés », souligne Deanna Bowen.

« Ce prix, c’est aussi l’occasion de me joindre à une communauté internationale, de tisser des liens avec des artistes noirs de partout dans le monde. C’est un aspect important de mes efforts visant à réécrire l’histoire culturelle canadienne. »

Black Drones in the Hive, Chapter 3 – Slave Trade, par Deanna Bowen, 2020. | Photo : Toni Hafkenscheid

Le racisme institutionnel et l’identité culturelle du Canada

Deanna Bowen raconte les histoires de sa famille, examinant de manière approfondie leurs migrations et leurs relations géographiques. Elle tisse des liens entre leurs expériences et les trames historiques plus larges du colonialisme britannique et de la présence du Ku Klux Klan au Canada et aux États-Unis.

Son exposition la plus récente, Black Drones in the Hive, à la galerie d’art de Kitchener-Waterloo, puisait dans l’histoire de Kitchener (anciennement Berlin) pour illustrer dans les faits le contraste violent entre les paysages idylliques coloniaux encore vierges d’Homer Watson et du Groupe des sept, et les récits entourant les Terres de Haldimand, l’esclavage et la Guerre civile américaine, le Chemin de fer clandestin et la colonie mennonite germanophone.

Une œuvre clé de cette exposition, The 1911 Anti-Negro Petition from Immigration of Negroes from the United States to Western Canada 1910–1911 (2013), présente une reproduction en taille réelle d’une pétition de 233 pages sous forme de grille réunissant 4 300 signatures d’hommes d’affaires de la ville d’Edmonton exhortant le premier ministre canadien Wilfrid Laurier de décourager l’acquisition de terres par les Afro-américains.

Barker Fairley, fervent défenseur des peintres paysagistes du Groupe des sept, faisait partie des signataires. La signature de Fairley représente sur la carte un point reliant la suprématie blanche et le racisme institutionnel au développement de l’identité culturelle du Canada. L’œuvre révèle toute la mesure dans laquelle l’effacement de l’identité noire et de l’autochtonicité au sein de l’Empire britannique en sol canadien est étendu, conscient et motivé, fait remarquer Mme Bowen.

Suivre la trace écrite

Deanna Bowen met au jour l’histoire inédite du Canada en explorant les fissures présentes dans la mythologie nationale du pays. Elle fouille l’histoire orale sur l’esclavage, les archives tant publiques que privées, l’histoire locale des premiers colons et les registres d’esclavage remontant à l’Empire britannique.

Puis, elle enseigne ses méthodes aux étudiantes et étudiants de Concordia.

« J’ai enseigné cette année le séminaire de photographie ASEM 652, The Archive and Difficult Knowledge, poursuit Deanna Bowen. Ce cours misait sur mon désir d’enseigner à la prochaine génération d’artistes les compétences que j’ai acquises en recherche dans le cadre de ma pratique. »

« Je tenais à enseigner aux étudiants comment mener des recherches sur l’effacement de l’identité noire et de l’autochtonicité dans les archives institutionnelles canadiennes, notamment en leur montrant comment – pratiquement et conceptuellement – “construire quelque chose à partir de rien” – c’est-à-dire, d’explorer et de créer des œuvres qui transmettent le mieux les perspectives dégagées au fil de leur exploration de la moindre piste archivistique », explique-t-elle.

« Malgré les restrictions en matière de confinement imposé par la pandémie de COVID-19, les étudiants ont réussi à mener leurs travaux et à produire des œuvres extraordinaires et puissantes à partir de leur réflexion sur leur identité et leur histoire familiale. »

« Cela prend du courage pour s’attarder à cette histoire », ajoute-t-elle.

« Je ne veux pas faire peur aux gens, mais c’est une démarche difficile, et importante. Le silence des familles traduit certaines choses vécues par les gens, des choses qu’ils n’auraient pas dû avoir à vivre. »

« Mais il existe toujours une trace écrite, précise Deanna Bowen, et cette trace, c’est la voie vers le changement politique et culturel. »

« Si nous pouvons parcourir ce chemin, retourner en arrière et examiner notre histoire familiale, pas avec honte, mais en l’acceptant consciemment, je crois honnêtement que c’est ainsi que nous arriverons à écrire le prochain chapitre de notre histoire. »

Anciens finalistes

Avec cinq lauréats et six finalistes, Concordia s’est bien illustrée au fil des neuf ans d’existence du Prix de photographie Banque Scotia :

  • 2020 – Jin-Mi Yoon (M. Bx-arts 1992), finaliste
  • 2019 – Althea Thauberger (B. Bx-arts 2000), finaliste
  • 2018 – Moyra Davey (B. Bx-arts 1982), lauréate
  • 2017 – Donigan Cumming (M. Bx-arts 1985) et Raymonde April, professeure de photographie, finalistes
  • 2016 – Suzy Lake (M. Bx-arts 1983), lauréate
  • 2015 – Angela Grauerholz (M. Bx-arts 1982), lauréate
  • 2014 – Mark Ruwedel (M. Bx-arts 1983), lauréat
  • 2013 – Robert Walker (SGW – promotion 1969); finaliste et Angela Grauerholz (M. Bx-arts 1982), finaliste

 



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