Même si les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se doter d’objectifs de réduction d’émissions qui respectent l’Accord de Paris, une nouvelle étude conclut à un plus grand besoin de transparence
Lorsqu’une entreprise s’engage publiquement à atteindre des objectifs environnementaux, l’annonce est souvent accueillie avec scepticisme par la population et les observateurs de l’industrie. Or, les objectifs fondés sur les données scientifiques peuvent contraindre les entreprises à prendre des mesures plus musclées pour réduire les émissions nocives de gaz à effet de serre.
La Science Based Targets Initiative (SBTi) a été créée en 2015 par une coalition d’organismes non gouvernementaux en préparation de l’Accord de Paris, signé plus tard la même année. Elle fournit aux entreprises des lignes directrices pour établir des objectifs de réduction d’émissions qui respectent l’Accord. En vertu de celui-ci, les pays signataires doivent prendre des mesures pour limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale bien au-dessous de 2 °C afin d’éviter que les changements climatiques atteignent des niveaux catastrophiques.
Dans un article publié dans la revue Environmental Research Letters, une équipe de recherche de l’Université Concordia évalue ces lignes directrices selon différents types d’entreprise et divers scénarios d’émissions globales. L’équipe souligne que les méthodes présentent des écarts énormes au chapitre des principes d’attribution des émissions, des variables requises et des scénarios d’émission, ce qui peut créer un déséquilibre entre les objectifs de réduction et les totaux admissibles d’émissions.
Objectif mondial sans consensus
« Si la SBTi est devenue l’organisme de normalisation de référence pour les sociétés qui veulent réduire leurs émissions, nous avons remarqué que les ressources et les lignes directrices manquaient de transparence », affirme Anders Bjørn, auteur principal de l’article et boursier postdoctoral Horizon au Département de management de l’École de gestion John-Molson.
« Nous croyons que les entreprises et les intervenants ont besoin d’une plus grande transparence pour bien comprendre les écarts entre les diverses méthodes », poursuit-il.
Shannon Lloyd, professeure adjointe de management, et Damon Matthews, professeur au Département de géographie, urbanisme et environnement, signent également l’article.
Afin d’évaluer les lignes directrices d’une façon compréhensible, l’équipe a créé huit « archétypes » d’entreprise en fonction de diverses caractéristiques, puis examiné comment chacune des sept méthodes présentées par la SBTi s’applique à chaque entreprise selon différents scénarios d’émissions globales.
« Avec notre méthode, toutes les entreprises ont été traitées de la même façon, c’est-à-dire selon l’hypothèse qu’elles doivent réduire leurs émissions dans une proportion identique, explique Anders Bjørn. Les autres méthodes ont permis de calculer les cibles en fonction des différentes variables et caractéristiques des entreprises. »
L’équipe a conçu un monde simplifié où les huit archétypes d’entreprise représentent toute l’activité industrielle. Elle a ensuite attribué à chacun une combinaison de deux valeurs choisies de manière arbitraire à partir de trois variables : région et secteur; intensité des émissions de référence; et croissance annuelle prévue. Ainsi, l’équipe a pu évaluer la sensibilité des objectifs à la méthode choisie et aux variables d’entreprise; elle a aussi constaté dans quelle mesure la somme des objectifs correspond aux émissions autorisées à l’échelle mondiale.
Aucune méthode ne se distingue des autres
Évidemment, cette analyse simplifiée n’a pas permis de déterminer la meilleure marche à suivre. Comme le souligne l’équipe de recherche, le monde est beaucoup trop compliqué.
« Nous voulions voir quel serait le rendement des entreprises si elles étaient regroupées et si leurs émissions étaient comparées aux cibles mondiales, affirme la Pre Lloyd. Les dépasseraient-elles ou ne les atteindraient-elles pas? Nous n’avons pas porté de jugement sur les méthodes. De toute évidence, le discours public doit se pencher davantage sur l’efficacité des méthodes et l’équité de l’attribution. »
Toutefois, l’équipe de recherche a précisé que si toutes les entreprises choisissaient la méthode aux objectifs les moins contraignants, elles dépasseraient les limites de l’Accord de Paris. Par contre, si elles adoptaient les objectifs les plus exigeants, elles seraient bien en deçà des limites et, ainsi, réussiraient à réduire suffisamment leurs émissions pour éviter une hausse des températures de 2 °C.
À ce jour, les objectifs fondés sur les données scientifiques ont été adoptés par près de 770 entreprises dans le monde entier.
Lisez l’article cité (en anglais seulement) : « From the Paris Agreement to corporate climate commitments: evaluation of seven methods for setting ‘science-based’ emission targets ».