Un nouveau rapport s’appuyant sur une recherche de Concordia présente des pratiques exemplaires pour atténuer les répercussions écologiques des routes rurales
Les routes rurales forment la majeure partie des réseaux routiers dans le monde. Pourtant, elles font l’objet de moins d’études scientifiques que les routes plus fréquentées, comme les autoroutes. Il y a 10 ans, un groupe international de chercheurs s’intéressant à l’écologie routière a entrepris d’examiner les répercussions des routes rurales sur les écosystèmes et la faune. Les conclusions de leurs travaux viennent tout juste d’être publiées dans le dernier rapport de l’Ecological Society of America.
Le rapport The Ecology of Rural Roads: Effects, Management and Research s’appuie sur la recherche menée par Jochen Jaeger, professeur agrégé au Département de géographie, urbanisme et environnement de Concordia, avec d’autres chercheuses et chercheurs des États-Unis, du Portugal, de l’Allemagne et d’Angola.
Ensemble, les chercheurs ont constaté que les routes rurales, qui forment un vaste réseau, mais sont moins fréquentées que les autres routes, perturbent de façon démesurée les écosystèmes environnants. Ces routes modifient les conditions hydrologiques locales, mettent en péril les populations d’animaux sauvages et transportent des espèces envahissantes vers de nouvelles aires. Aux États-Unis seulement, plus de 80 % des routes sont considérées à faible circulation, ce qui est habituellement défini par le passage de moins de 1 000 véhicules par jour.
« Les routes rurales forment un réseau de transport important pour les populations rurales. Toutefois, bien qu’elles semblent inoffensives, elles peuvent modifier considérablement le milieu environnant, ce qui comprend la faune et la flore », affirme Alisa W. Coffin, auteure principale et chercheuse spécialiste de l’écologie au Southeast Watershed Research Laboratory de l’Agricultural Research Service du département de l’Agriculture des États-Unis, à Tifton en Géorgie.
Il est important d’entretenir et d’améliorer l’infrastructure routière rurale, non seulement pour les collectivités à proximité, mais aussi pour le grand public qui dépend des produits et des services qui proviennent de ces régions. Or, les routes peuvent tout de même amener l’introduction de métaux lourds et de sel de voirie dans les eaux, en plus de modifier le régime des crues et même le taux de libération de vapeur d’eau dans l’air par les arbres à proximité. Par ailleurs, le nombre d’animaux victimes de collisions sur les routes rurales a une incidence importante sur les populations fauniques.
Lorsque ces effets cumulatifs ne sont pas pris en compte par les planificateurs des transports, les sources d’eau potable en souffrent, tout comme les écosystèmes sains dans lesquels vivent les animaux sauvages et les gens des environs.
« Le nombre de routes en construction dans le monde est ahurissant »
M. Jaeger a centré ses travaux sur les mesures d’aménagement routier qui peuvent grandement réduire le nombre d’animaux tués sur la route. Il a par exemple conclu qu’un système de clôtures et de passages fauniques pouvait réduire de 83 % le taux de grands mammifères victimes d’une collision.
M. Jaeger affirme que ses travaux sur l’immense étendue des réseaux routiers ruraux dans le monde ont mené à une prise de conscience et qu’ils démontrent l’urgence d’agir pour mieux protéger les zones où ne se trouve encore aucune route.
« Le nombre de routes prévues ou en construction dans le monde est ahurissant, indique M. Jaeger. Il y a lieu de craindre les conséquences à venir sur la biodiversité, qui est déjà en déclin. Les nouvelles routes accéléreront fort probablement la perte de biodiversité à l’échelle mondiale. Et les routes rurales y sont pour beaucoup. »
L’écologie routière est une discipline relativement jeune, et M. Jaeger, Mme Coffin ainsi que leurs cochercheurs espèrent que leur article mettra en évidence le grand rôle que jouent les routes rurales à faible fréquentation dans ce phénomène. Le rapport décrit aussi les pratiques de gestion exemplaires et les approches à employer sur le plan des politiques. Ses auteurs proposent des questions qui devraient faire l’objet de futurs travaux de recherche et souhaitent voir une collaboration accrue entre les organismes de transport et les scientifiques pour planifier plus efficacement les mesures d’atténuation des conséquences. L’une des priorités fondamentales consiste à ne pas fragmenter les zones sans route, qui contribuent à la conservation de la faune et préservent les services écosystémiques.
« Les responsables des transports s’intéressent de plus en plus aux solutions fournies par la science de l’écologie routière pour améliorer les réseaux de transport tout en atténuant les conséquences écologiques négatives, affirme Mme Coffin. La science démontre que la construction de nouvelles routes fait augmenter ces conséquences et que les mesures d’atténuation améliorent les résultats écologiques. »
M. Jaeger ajoute que les effets cumulatifs des routes font rarement l’objet d’analyses et ne sont pas étudiés dans les évaluations de l’impact sur l’environnement. « Bien des répercussions majeures des routes sur le milieu environnant sont souvent omises dans les recherches, souligne-t-il. Nous ignorons par exemple actuellement comment les primates composent avec la transformation écologique dans les aires à proximité des routes, même si la plupart des primates sont des espèces en voie d’extinction. »
Lire le rapport cité : « The Ecology of Rural Roads: Effects, Management and Research ».