Fanny Gravel-Patry, chercheuse engagée à Concordia, s’intéresse à l’utilisation des médias sociaux et à la maladie mentale
Fanny Gravel-Patry croit que les habitudes des femmes sur Instagram révèlent d’importantes lacunes dans les services de santé mentale.
« Nos pratiques sur Instagram sont bien plus que des habitudes superficielles, affirme la chercheuse engagée et candidate au doctorat en communication à l’Université Concordia. Elles peuvent mettre en lumière des lacunes dans les services de santé mentale. Leur étude est donc nécessaire pour dresser un portrait plus détaillé de l’état de la santé mentale dans la société. »
« Les médias sociaux peuvent servir d’outil lorsque les gens les utilisent pour consulter ou partager de l’information et des ressources en lien avec la santé mentale auxquelles ils n’auraient pas accès autrement », ajoute-t-elle.
Mme Gravel-Patry est membre active du Studio des médias féministes, et sa recherche est financée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture et par Concordia.
« Nous avons développé un langage pour parler d’anxiété. »
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’étudier la maladie mentale et les médias sociaux?
Fanny Gravel-Patry : C’était d’abord et avant tout ma propre expérience avec l’anxiété et la dépression ainsi que mon utilisation d’Instagram dans mon processus de rétablissement. J’ai commencé à suivre du contenu et des comptes sur la maladie mentale au moment d’entamer mon doctorat, en 2017.
C’est aussi à ce moment que ce type de contenu est devenu populaire, particulièrement dans les réseaux féministes et antiracistes, comme #BlackLivesMatter et #MeToo. Je crois que les gens cherchent des façons de réduire l’omniprésence du contenu traumatisant dans les médias sociaux en mettant au premier plan des images apaisantes et se concentrant sur leur guérison.
Comment les médias sociaux peuvent-ils servir d’outils de soins de santé? Que sont les communautés et les pratiques de soutien?
FGP : Les communautés et les pratiques de soutien sont les liens, les relations et les réseaux de soutien émotionnel qui prennent forme sur Instagram et qui se taillent une place dans les routines quotidiennes des utilisateurs. La plupart de mes participantes ne ressentent pas le besoin de parler à d’autres utilisateurs pour obtenir ce sentiment d’appartenance. C’est de ces communautés que découle l’idée de pratique.
Ces communautés entraînent des gestes et des habitudes, comme faire défiler son fil, partager des publications dans ses nouvelles ou avec un ami et parfois effectuer une saisie d’écran. Cela peut sembler banal pour la plupart des utilisateurs, mais peut être transformateur pour certains.
Certaines personnes affirment que les médias sociaux sont responsables de l’augmentation générale des niveaux d’anxiété dans la société. Souffrons-nous plus d’anxiété qu’avant?
FGP : Je ne crois pas que les gens souffrent plus d’anxiété que les générations précédentes, mais je suis convaincue qu’ils en parlent plus. Cela est dû notamment au fait que nous avons développé un langage pour en parler, en partie grâce à Instagram.
Plusieurs personnes ont décrit l’anxiété comme la maladie de notre génération. Et bien que je pense qu’il est fantastique que l’on parle plus ouvertement de ses problèmes de santé mentale, je pense aussi qu’il existe une tendance à confondre stress et anxiété, alors qu’il s’agit de deux choses différentes.
Le stress est quelque chose que l’on peut identifier, alors que l’anxiété est un sentiment généralisé qui peut survenir sans raison et qui peut être très incapacitant.
De manière générale, selon vous, quelles sont les causes fondamentales de l’anxiété et de la maladie mentale dans notre société aujourd’hui?
FGP : C’est une excellente question, et je ne sais pas si je suis en mesure d’y répondre adéquatement. Selon moi, certaines des causes profondes de l’anxiété et de la maladie mentale dans notre société actuelle sont le capitalisme tardif et la pression constante que l’on subit pour être productif à tout prix.
Dans mes entrevues, j’ai constaté que les participantes se mettaient beaucoup de pression lorsqu’il était question de leur apparence physique, de leur vie professionnelle et même de leurs relations personnelles.
Expliquez-nous votre travail au Studio des médias féministes. En quoi le studio consiste-t-il et que fait-il?
FGP : Le Studio des médias féministes a été conçu pour créer un espace communautaire où les étudiantes et étudiants, chercheuses et chercheurs ainsi que créatrices et créateurs pourraient échanger et travailler en collaboration sur des questions de féminisme, comme le genre et la sexualité. Le studio organise des discussions de même que des ateliers multimédias et littéraires.
J’ai participé à plusieurs ateliers qui m’ont aidé à développer mon projet de recherche. Ils m’ont donné l’occasion d’échanger des idées avec des professeures, professeurs, étudiantes et étudiants que je n’aurais pas rencontrés et avec qui je n’aurais pas collaboré autrement.
Découvrez le Département de communication de l’Université Concordia et le Studio des médias féministes.