Des biais cognitifs freinent les réticents en dépit du caractère très sécuritaire des vaccins, révèle un nouvel article
Bien avant le début de la pandémie de COVID-19, l’Organisation mondiale de la santé avait défini la réticence à la vaccination comme l’une des principales menaces à la santé mondiale.
Dans un nouvel article publié dans la revue BMC Public Health, un groupe de chercheurs de l’Université Concordia analyse les effets secondaires signalés par les personnes vaccinées — désignés sous le nom d’événements indésirables — et les biais cognitifs observés chez les personnes réticentes à la vaccination.
« Nous avons amorcé nos travaux à la fin de 2019, alors que personne n’avait encore jamais entendu parler de la COVID-19 », explique Hossein Azarpanah, auteur principal de l’article et doctorant au Département de gestion de la chaîne d’approvisionnement et des technologies d’affaires de l’École de gestion John-Molson.
« La réticence à la vaccination soulève des problèmes depuis les tout débuts des vaccins, mais au cours des 10 à 15 dernières années nous avons vu des groupes intégrés se former en ligne, principalement grâce aux médias sociaux, et exercer une influence qui était déjà considérable avant le début de la pandémie. »
L’étude a été coréalisée par Mohsen Farhadloo et Rustam Vahidov respectivement professeur adjoint et professeur dans le même département que M. Azarpanah, et par Louise Pilote, professeure d’épidémiologie à l’Université McGill.
Recours à des données probantes pour désamorcer les craintes liées à la sécurité des vaccins
Dans le premier volet de l’étude, les chercheurs ont examiné deux bases de données publiques, à savoir le système VAERS (Vaccine Adverse Event Reporting System) des États-Unis et la base de données en ligne des effets indésirables de Canada Vigilance. Ils ont constaté que les vaccins entraînaient fréquemment de légers effets indésirables, mais qu’ils étaient, en soi, très sécuritaires.
Du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2018, près de 295 000 déclarations d’effets indésirables relatives à 87 types de vaccins ont été versées dans la base de données du VAERS, ce qui représente environ 115 déclarations par tranche d’un million d’habitants. Les vaccins contre la varicelle, contre deux souches de grippe, contre le pneumocoque et contre le papillomavirus humain figuraient parmi ceux qui étaient les plus souvent visés par une déclaration d’effets indésirables. Les déclarations médianes intégraient trois événements indésirables, les plus fréquents étant les éruptions cutanées, la fièvre, l’enflure, une douleur au site d’injection ou aux extrémités et les céphalées. Quelque 5,5 pour cent faisaient état d’événements indésirables graves ayant mené à une hospitalisation, à une incapacité, à un état menaçant le pronostic vital ou à un décès. La fièvre, la douleur, les vomissements, les céphalées et la dyspnée représentaient alors les cinq principaux événements indésirables. Pour leur part, les renseignements tirés de la base de données du Canada cadraient avec les résultats du VAERS. Les auteurs ont par ailleurs créé un tableau de bord permettant de visualiser les conclusions de l’étude.
Pour ce qui est de véhiculer les messages relatifs à la sécurité des vaccins, les chercheurs soulignent en outre qu’il est plus efficace d’utiliser des rapports sommaires que des rapports très détaillés qui peuvent induire un nombre accru de biais cognitifs susceptibles d’influer négativement sur la décision de recevoir le vaccin.
Quinze types de biais cognitifs
Dans le deuxième volet de l’étude, les chercheurs ont examiné les biais cognitifs qui sous-tendent la réticence à la vaccination. Ils ont défini quinze biais potentiels, puis évalué le mode de raisonnement menant au refus de la vaccination associé à chacun. En voici quelques-uns :
Biais de disponibilité : tendance à accorder plus de poids aux renseignements faciles à retenir, comme le souvenir très vif d’un rare cas d’événement indésirable grave.
Biais d’optimisme : tendance à minimiser les risques pour la santé ou à adopter un point de vue déraisonnablement optimiste.
Biais de l’information partagée : tendance souvent observée au sein des groupes dans les médias sociaux qui consiste à s’attarder à l’information connue plutôt qu’à l’information nouvelle.
D’autres formes de biais peuvent également être en cause, notamment le biais d’autorité (lorsqu’une célébrité ou un politicien de premier plan avance des affirmations au sujet de la validité d’un médicament ou d’un vaccin); l’aversion à l’ambiguïté (vaut mieux s’exposer à un risque connu qu’à un risque inconnu); le biais du présent (les effets ressentis aujourd’hui ont plus de poids que les effets ressentis demain); le biais de confirmation (privilégier l’information qui confirme ses idées préconçues) et le biais de croyance (évaluer un argument en fonction de la crédibilité de la conclusion).
Selon M. Farhadloo, l’utilisation simultanée de ce cadre et de l’analyse des données tirées du VAERS et de la base de données de Canada Vigilance peut aider les communicateurs à freiner la désinformation croissante.
« Notre analyse des déclarations d’effets secondaires ne révèle aucun lien entre la gravité des effets secondaires et les vaccins, explique-t-il. Les autorités sanitaires peuvent donc s’appuyer sur nos conclusions et porter une attention particulière aux stratégies de communication pour tenter de freiner la désinformation dans les médias sociaux. »
Lire l’article cité : « Vaccine hesitancy: evidence from an adverse events following immunization database, and the role of cognitive biases »