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En temps de pandémie, les applications de rencontre misent sur le sentiment amoureux, révèle une nouvelle étude

Quand la COVID-19 a mis des barrières à l’intimité physique, Tinder, Bumble et compagnie ont embrassé l’idée de l’amour qui naît doucement.
10 mars 2022
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Illustration of a red heart over binary code

Mal venue, indésirable et pas du tout sexy, la pandémie de COVID-19 a frappé de plein fouet le secteur des applications de rencontre, dont le modèle d’affaires repose sur les rapprochements rapides et, aux yeux de bien des gens, sur le sexe sans attache. En mars 2020, alors que les relations se vivaient par écran interposé et que rien ne laissait présager un retour rapide à la normale, l’avenir de ces applications s’annonçait sombre.

Or, comme le démontre une nouvelle étude parue dans New Media & Society, les applications de rencontre, comme Tinder, Bumble et Match.com, se sont rapidement adaptées aux nouvelles contraintes limitant les contacts sociaux. En innovant sur le plan technologique, en adaptant leur message et leur contenu promotionnel, elles se sont éloignées de la culture de l’aventure sans lendemain au profit des « fréquentations virtuelles », au fil desquelles les couples apprennent tranquillement à se connaître. Les affinités, les relations et l’authenticité ont ainsi supplanté la chimie instantanée et l’attirance sexuelle mutuelle.

« Ces applications ont dû prendre la pandémie au sérieux, car elles se sont retrouvées d’emblée sous la loupe des médias, explique l’autrice principale de l’étude, Stefanie Duguay, professeure adjointe en communication. Un ministre de la Santé a même dit aux citoyens qu’ils risquaient de s’attirer des problèmes en balayant à droite sur Tinder ou Grindr. Ces applications se sont retrouvées mêlées à un débat public plus large; il aurait été très étrange qu’elles ne fassent aucun changement. »

Stefanie Duguay Stefanie Duguay : « Ces applications ont dû prendre la pandémie au sérieux, car elles se sont retrouvées d’emblée sous la loupe des médias »

Retour aux sources de la séduction

Mme Duguay et ses coauteurs, Christopher Dietzel, chercheur postdoctoral à l’Université Dalhousie, et David Myles, chercheur postdoctoral à l’Université McGill, ont commencé à recueillir et à analyser des données sur les applications de rencontre en mars 2020, moment où les gouvernements prenaient leurs premières mesures anti-COVID. (Les huit applications étudiées visaient principalement le marché hétérosexuel. Les applications destinées au marché queer, comme Grindr et Her, ont fait partie d’une autre étude menée par les mêmes chercheurs.)

La plupart des applications ont rapidement exploité les avancées techniques en matière d’appels vidéo pour normaliser les fréquentations virtuelles. Bien que le concept remonte aux années 1990, sa signification a considérablement évolué depuis les échanges de messages texte et de courriels de l’époque. La technologie vidéo permet aux couples éventuels de manger, prendre un verre et discuter ensemble depuis leurs domiciles respectifs. Si l’ambiance des restaurants et des bars fait défaut, ce type de rencontre offre néanmoins de nouvelles occasions de créer des liens.

Pour inciter les utilisateurs à revenir, même lorsque les rencontres en personne étaient difficiles, voire impossibles, les applications ont modifié leur interface et leur fonctionnement. Certaines ont mis au point leur propre outil d’appel vidéo. D’autres ont publié des articles et des conseils pour pimenter les rencontres virtuelles, ajouté des fonctions destinées aux étudiants et modifié leur logo pour accentuer l’effet « chez-soi ». En général, elles ont opté pour un style de communication léger, axé sur la conversation.

Les chercheurs ont aussi noté un virage vers l’authenticité, l’amour et le romantisme. Ils soulignent que dans ce contexte hautement inhabituel de pandémique mondiale, les applications ont cherché à recréer un semblant de normalité sociale en valorisant la confiance, la monogamie et le mariage.

« Ces notions sont très sécurisantes et traditionnelles. Beaucoup de gens veulent s’ancrer en cherchant les relations, les affinités et la stabilité émotionnelle », explique M. Dietzel.

Cela n’est toutefois pas sans problèmes, comme le fait remarquer Mme Duguay. D’abord, cela exclut les utilisateurs qui ne cherchent pas l’amour. Ensuite, cette approche écarte l’activité sexuelle et suppose que les gens mettent leur sexualité en veilleuse pendant la pandémie. « Aujourd’hui, deux ans plus tard, nous savons que c’est impossible. »

Au plaisir de se revoir, encore et encore

Tandis que la société amorce sa sortie de pandémie, les chercheurs croient que les applications de rencontre conserveront quelques-unes de leurs nouvelles fonctionnalités.

« Elles ont investi dans des technologies, diffusé de nouveaux messages; l’expérience est simple et fluide », constate Mme Duguay.

Elle ajoute que l’inévitable retour aux rencontres en personne ne signifie pas nécessairement la fin du nouveau ton adopté par des entreprises comme Bumble.

« Elles peuvent toujours mettre de l’avant certaines valeurs, en encourageant par exemple les utilisateurs à prendre leur temps, illustre-t-elle. Après tout, ces applications sont des entreprises. Il est dans leur intérêt de faire en sorte que les clients utilisent leurs sites le plus longtemps possible. »

Consultez l’article cité: « The year of the ‘virtual date’: Reimagining dating app affordances during the COVID-19 pandemic »

Écoutez Stefanie Duguay et Christopher Dietzel parler de leurs recherches ici. 

Virtual dating in a global pandemic with Stefanie Duguay, Assistant Professor, Communication Studies


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