Une solution technologique propre élaborée par une professeure de Concordia obtient le feu vert pour une mise en marché mondiale
Une technologie de traitement des eaux usées mise au point à l’Université Concordia vient d’obtenir une certification du Bureau de normalisation du Québec, l’organisme provincial chargé de l’élaboration des normes applicables aux innovations vouées à une commercialisation à grande échelle.
Cette technologie se fonde sur un processus élaboré par Maria Elektorowicz, professeure de génie environnemental. Elle permet d’atténuer les lacunes des méthodes de traitement des eaux usées, tout en éliminant leurs effets secondaires naturels, mais néfastes pour l’environnement.
Les eaux usées traitées constituent en effet une importante source d’azote et de phosphore. Dans le contexte des changements climatiques, ces nutriments contribuent à accélérer la prolifération d’algues toxiques qui entraînent l’extinction de la vie marine dans les cours d’eau du monde entier.
Maria Elektorowicz effectue depuis trois décennies des recherches sur les interactions biologiques et chimiques dans l’environnement ainsi que sur le traitement des sédiments, des eaux usées, des biosolides et des boues industrielles.
« Jusqu’à présent, la seule solution à ce problème consistait à multiplier les processus et à recourir à plus de produits chimiques, ce qui entraîne une augmentation du temps et des coûts de traitement, en plus d’être énergivore et de faire pression sur les sols », explique la Pre Elektorowicz.
La chercheuse s’est attaquée à ce problème avec un groupe d’étudiants aux cycles supérieurs, notamment le doctorant Sharif Ibeid, coinventeur du système. « Nous avons exploré les interactions entre les processus biologiques et électrochimiques, et trouvé une solution efficace et avantageuse pour l’environnement. »
L’équipe de recherche de Concordia a mis au point l’électro-bioréacteur (EBR), une technologie qui recourt à un courant électrique intermittent à faible intensité afin d’épurer les eaux usées tout en réduisant de façon importante le rejet de nutriments dans l’environnement.
L’équipe a découvert que l’EBR détruit simultanément les matières organiques et le phosphore, et réduit les émissions d’azote ammoniacal et de nitrate dans une proportion de 96 à 99 %, et ce, en une seule opération. C’est ce qui rend cette technologie unique au monde. Le processus entraîne également l’élimination d’une quantité deux fois plus importante des boues industrielles produites par les systèmes traditionnels de traitement des eaux.
Et les avantages ne s’arrêtent pas là. Lors des périodes où les installations régionales de traitement des eaux atteignent leur capacité maximale, comme durant la pandémie de COVID-19, la nouvelle technologie peut augmenter la capacité de traitement tout en réduisant le temps et l’énergie requis.
« C’est la meilleure technologie qui soit, et elle arrive au bon moment »
La technologie fondée sur l’EBR comporte plusieurs applications outre le traitement des eaux usées. Les secteurs de l’agroalimentaire et de l’extraction minière, ainsi que les sites d’enfouissement, les installations de pisciculture et même les microbrasseries génèrent tous des eaux contaminées qui nécessitent ce type de traitement avant d’être rejetées dans la nature.
Axelys (anciennement Aligo), une société de capital de risque à l’affût de projets innovateurs issus de la recherche publique et qui sont à l’étape du « préamorçage », a reconnu le potentiel de l’EBR. La société coordonne le financement d’entreprises susceptibles d’obtenir un permis en vue d’une mise en marché et aide au transfert des technologies pour atteindre ce but.
Axelys a ainsi aidé Maria Elektorowicz à obtenir un financement du CRSNG (subvention De l’idée à l’innovation) pour procéder à la mise en place d’installations pilotes d’EBR à L’Assomption, au Québec. Ce projet a bénéficié du soutien plein et entier de Christian Sauvageau, directeur du Service des eaux et assainissement à la Ville de L’Assomption.
« Moins de la moitié des projets que nous analysons sont considérés comme novateurs ou susceptibles d’être brevetés ou de faire l’objet d’un développement. Parmi ces projets, seul le tiers est commercialisé », indique Catherine Gagnon, vice-présidente du développement des affaires chez Axelys. « L’équipe de Maria Elektorowicz a démontré que la technologie fonctionnait et qu’elle était mûre pour la croissance. »
Grâce à Axelys, la Pre Elektorowicz a rencontré en 2016 le créateur d’entreprises en série Richard Painchaud. Ce dernier a ensuite créé Technologies Kourant afin de commercialiser la technologie fondée sur l’EBR et a invité la chercheuse à siéger au conseil consultatif technique de l’entreprise.
« Selon mon expérience, la recherche universitaire ne se rend pas toujours aussi loin », affirme M. Painchaud, qui a créé plusieurs entreprises d’écotechnologie.
« Il s’agit de la meilleure technologie pour régler nombre de problèmes grandissants, et c’est le bon moment de lui faire prendre son essor. »
L’établissement d’une vitrine internationale et l’ouverture de nouveaux marchés commerciaux
Depuis la création de Kourant, la technologie a suscité un intérêt à l’échelle internationale et obtenu un financement de plusieurs millions de dollars qui permettra de faire prendre de l’expansion à l’installation initiale de Maria Elektorowicz.
« C’est un honneur de voir mon invention connaître une telle croissance. En continuant à développer cette idée, nous aurons un impact tangible sur nos communautés et nos cours d’eau », se réjouit la Pre Elektorowicz.
« Au cours de ma carrière, j’ai pu constater à de multiples reprises que le fait de poser des questions et de pratiquer l’art du possible pouvait mener à des résultats très gratifiants. »
Après avoir obtenu le feu vert pour la commercialisation, Kourant est à la recherche de capitaux supplémentaires afin d’investir des marchés locaux et internationaux. Les premières installations à grande échelle, qui ouvriront au cours des prochains mois, serviront de vitrine technologique pour cette innovation née à Concordia.
Maria Elektorowicz et Kourant font partie des finalistes des prix Innovation de l’Association pour le développement de la recherche et de l’Innovation du Québec (ADRIQ). Le gala de remise des prix aura lieu le 17 novembre prochain.
Apprenez-en davantage sur la Faculté de génie du bâtiment, civil et environnemental de l’Université Concordia.