Une étudiante au doctorat à Concordia est cofondatrice du Festival canadien de cinéma jeunesse
L’année dernière, deux professeures et chercheuses de Montréal, Emma June Huebner et Julie Talbot, ont fait équipe pour créer le Festival canadien de cinéma jeunesse.
Le Festival a commencé le mois dernier; 85 soumissions provenant de tous les coins du pays ont été reçues, et 26 de ces œuvres sont actuellement présentées sur le site Web du Festival, à cinemajeunesse.ca.
Organisé selon le modèle d’un concours annuel, le Festival a pour objectif la mise en valeur de films réalisés par des jeunes; il a également pour but de fournir des ressources éducatives et pédagogiques visant à aider les éducatrices et éducateurs qui souhaitent enseigner à leurs élèves l’art cinématographique dans le cadre de leurs cours de langue ou d’éducation aux médias.
Emma June Huebner est doctorante à Concordia au Département d’éducation artistique. Elle enseigne également les arts médiatiques à la Villa Sainte-Marceline, une école privée francophone pour filles.
« Les films réalisés étaient absolument incroyables »
Comment avez-vous eu, avec Julie Talbot, l’idée de créer le Festival canadien de cinéma jeunesse?
EJH : On m’a offert de donner, à l’école secondaire où j’enseigne, un cours intitulé Médias et communications, et comme le programme du cours n’était pas encore définitivement établi, j’ai eu carte blanche. J’ai élaboré un plan pour l’année, selon lequel nous allions faire de la photographie à l’automne, puis aborder les techniques du son pour créer des environnements sonores et des balados, et, à la fin de l’année, combiner nos apprentissages en photographie et en son pour passer à l’audiovisuel.
C’est une forme d’art difficile, mais les films réalisés étaient absolument incroyables, je n’en revenais pas. Je me suis dit mon Dieu, que pourrions-nous faire avec ces films? Il faut absolument qu’ils soient vus à l’extérieur de ma classe.
Je suivais alors un cours à l’UQAM aux cycles supérieurs – à Concordia, il est possible de suivre des cours interuniversitaires –, et c’est là que j’ai rencontré Julie. Elle enseigne aussi les arts médiatiques dans une école secondaire de Montréal, et elle avait remarqué la même chose que moi. Elle faisait des recherches en cinéma et s’intéressait aux façons dont cette forme d’art peut se prêter à l’expression de différents questionnements existentiels. Au fil de nos discussions, nous en sommes venues à la conclusion qu’il fallait à tout prix créer un festival.
Nous avons alors travaillé très fort pendant toute l’année et reçu plus de 85 soumissions. Bon nombre d’entre elles provenaient du Québec parce que nous avions donné des ateliers lors de différentes conférences d’enseignants dans la province et que les participants s’étaient montrés très enthousiastes face au projet.
Bien des enseignants voudraient enseigner le cinéma, mais ne savent pas exactement comment s’y prendre ou se sentent intimidés. Je crois que grâce aux expériences et aux ressources que nous leur avons transmises, ils se sont sentis capables de le faire.
Vous avez créé cette plateforme pour que les éducatrices et éducateurs puissent enseigner la création cinématographique dans leurs cours, et je constate que de nombreux professeurs de langue française et anglaise se sont prévalus de ces ressources. Selon vous, en quoi le cinéma est-il si utile pour l’enseignement des langues et de la littératie?
Le simple fait d’apprendre comment situer une histoire et en quoi consiste la structure narrative d’un film, et de comprendre qu’il y a un début, un milieu et une fin est utile. Dans mon cours, j’enseigne comment réaliser un court métrage d’une minute avant de passer à l’étude du documentaire — nous n’avons pas assez de temps pour aborder la fiction.
Les élèves croient qu’il est impossible de raconter une histoire en une minute, mais ils ont tôt fait de comprendre que c’est possible. Il suffit essentiellement d’avoir une trame narrative convaincante pour que nous puissions saisir rapidement qui sont les personnages, quel défi ils ont à relever et comment les choses se résolvent à la fin.
Mais selon moi, bien plus que l’enseignement des langues et de la littératie, c’est d’éducation aux médias en général qu’il s’agit, parce que les jeunes sont tous les jours bombardés d’images. Ils en consomment beaucoup, mais ne prennent pas nécessairement le temps de s’arrêter et d’examiner avec un œil critique ce qu’ils regardent. Les cours constituent donc une façon de prendre le temps de regarder et de comprendre.
CT : Comment caractériseriez-vous l’énergie créatrice qui émane des soumissions reçues cette année dans le cadre du Festival?
EJH : Un grand nombre des films réalisés par des élèves d’écoles secondaires de deuxième cycle abordaient des questions existentielles. Je constate la même chose dans les travaux de mes étudiants. Je leur dis, vous pouvez faire des films, mais il n’est pas obligatoire que la personne meure à la fin, vous savez? Parce qu’au début, dans tous les scénarios, tout le monde mourait ou quelque chose de très dramatique survenait à la fin de l’histoire. [Rires] Le but d’un film n’est pas seulement d’ébranler l’auditoire.
J’ai aussi été beaucoup impressionnée par le travail d’animation image par image que nous avons reçu. Dans toutes les catégories, soit primaire, secondaire de premier cycle et secondaire de deuxième cycle, on trouvait ce type de films, ce qui m’a quelque peu surprise — je n’enseigne pas cette technique dans ma classe. Cette technique nécessite beaucoup de patience, mais je crois que les jeunes sont curieux de découvrir comment faire de l’animation image par image.
En savoir plus sur le Festival canadien de cinéma jeunesse, en ligne jusqu’au 15 juillet.