Le confinement lié à la pandémie de COVID-19 a accentué le sentiment de solitude chez les aînés canadiens, selon une nouvelle étude de l’Université Concordia
Une étude dirigée par des chercheurs de l’Université Concordia sur les effets des mesures sanitaires imposées durant la pandémie de COVID-19, dont le confinement, montre que celles-ci ont engendré un sentiment de solitude et de détresse ainsi qu’un taux d’insomnie accrus chez la majorité des aînés canadiens.
Menée auprès de 600 personnes, cette étude longitudinale d’un an a débuté en mai 2020, soit peu après la déclaration d’une urgence sanitaire au Canada, pour prendre fin en mai 2021. Ses résultats ont été publiés dans la revue Archives of Gerontology and Geriatrics. Il s’agit de la troisième d’une série d’études menées auprès de la même cohorte, les précédentes ayant porté sur l’évolution de la détresse psychologique et du taux d’insomnie.
Les chercheurs ont établi que le fait de vivre seul, de souffrir de nombreux problèmes de santé, de percevoir la COVID-19 comme une sérieuse menace pour la santé et d’avoir peu de contacts sociaux constitue d’importants prédicteurs du sentiment de solitude.
« Cette étude visait à cerner les facteurs qui accroissent le risque de présenter ces symptômes », indique Sara Matovic, doctorante en psychologie clinique et boursière Vanier au Laboratoire sur le stress, les relations interpersonnelles et la santé de Concordia. « Mais nous voulions d’abord comprendre l’évolution de ces manifestations : comment surviennent la détresse, le sentiment de solitude ou l’insomnie chez différents sous-groupes d’adultes d’âge mûr au fil d’une période d’un an. »
Schémas d’autorenforcement
En ce qui concerne l’évolution du sentiment de solitude, les chercheurs ont distingué trois groupes parmi les personnes étudiées. Les membres de l’un d’eux, représentant 17,2 pour cent de la cohorte, ont affiché un sentiment de solitude léger et stable. Ils ont indiqué ne s’être pas ou ne s’être que peu sentis seuls pendant l’année étudiée, malgré le confinement. Les membres d’un autre groupe, représentant 48,8 pour cent des personnes étudiées, ont pour leur part indiqué avoir éprouvé un sentiment de solitude modéré et fluctuant. Ils ont toutefois précisé que ce sentiment s’était accru au cours de la seconde partie de l’année, marquée par une accentuation des mesures de confinement. Quant aux membres du troisième groupe, représentant 34 pour cent des personnes étudiées, ils ont indiqué avoir éprouvé un fort sentiment de solitude tout au long de l’année.
« Il ne faut pas confondre le sentiment de solitude et l’isolement social, autrement dit l’absence de contacts sociaux, précise l’auteur de l’article consacré à l’étude, Jean-Philippe Gouin, professeur au Département de psychologie de la Faculté des arts et des sciences. La solitude le sentiment subjectif de ne pas entretenir autant de contacts sociaux qu’on le souhaiterait. On sait toutefois que l’isolement social et le sentiment de solitude sont tous deux liés à la persistance d’un piètre état psychologique et de santé. »
Les chercheurs sont également parvenus à cerner les facteurs sociodémographiques de même que ceux liés à l’état de santé, à l’état psychologique et au taux de contacts sociaux qui permettent d’identifier les personnes à risque.
Comparativement aux membres du groupe affichant un sentiment de solitude léger et stable, ceux du groupe présentant un sentiment de solitude modéré et fluctuant présentaient généralement une multimorbidité et une détresse psychologique supérieures, mais un taux de contacts sociaux inférieur. Ceux du groupe affichant un sentiment de solitude élevé présentaient pour leur part généralement une importante détresse psychologique et étaient plus enclins à considérer la COVID-19 comme une menace. Ce groupe et le précédent étaient par ailleurs tous deux majoritairement composés de femmes vivant seules.
Le Pr Gouin souligne que l’isolement social contribue à l’accroissement de la détresse physiologique, de l’anxiété et du sentiment de solitude : « Les personnes souffrant d’une solitude chronique peuvent développer des biais cognitifs qui les rendent moins susceptibles d’aller vers les autres et peuvent conduire à une véritable retraite sociale. En plus de souffrir des contraintes physiques liées à la pandémie, ces personnes en viennent à avoir peur d’importuner les autres, à se sentir inintéressantes ou indésirables aux yeux d’autrui. Elles sont également plus susceptibles de souffrir d’anxiété liée à la COVID-19, ce qui contribue à leur retrait social. »
Les contacts sociaux sont bénéfiques
Selon les chercheurs, il faut que les professionnels de la santé et les travailleurs sociaux soient plus conscients des bienfaits des contacts sociaux pour les personnes qui souffrent de solitude et de détresse psychologique, ainsi que de l’importance d’éradiquer le phénomène de retrait social.
Jean-Philippe Gouin ajoute que les professionnels ne sont pas seuls à pouvoir aider : « Songez aux aînés qui font partie de votre vie et que vous n’avez pas contactés depuis longtemps. Prenez conscience du bien que cela pourrait leur faire si vous les contactiez et leur donniez le sentiment que vous souhaitez rester en contact avec eux. »
L’étude précitée a été financée par le Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, ainsi que par le Réseau de recherche québécois sur le vieillissement, lui-même financé par le Fonds de recherche du Québec – Santé.
Lisez l’article cité : « Correlates and trajectories of loneliness among community-dwelling older adults during the COVID-19 pandemic: A Canadian longitudinal study ».