Les vocalises des rennes donneraient des indications à leurs partenaires potentielles, selon une étude de l’Université Concordia
Les sons produits par les rennes mâles en disent probablement beaucoup sur eux – par exemple, leur âge, leur taille et leur poids – à leurs partenaires potentielles. Selon une nouvelle étude menée par l’Université Concordia, il s’agit là d’éléments importants pour les femelles au moment du rut.
Bien que cela soit vrai pour différents mammifères, les vocalises des rennes ont été peu étudiées par rapport à d’autres espèces.
Dans un article paru dans la revue Bioacoustics, les auteurs de l’étude rapportent que les caractéristiques acoustiques des vocalises émises durant la saison du rut transmettent probablement des informations fiables sur l’attrait ou la qualité des rennes mâles à leurs partenaires potentielles.
L’équipe de recherche précise que ces vocalises s’adressent aussi bien aux femelles qu’aux mâles. En effet, les grognements d’un mâle en rut témoignent à la fois de son attrait potentiel pour une compagne ainsi que de sa maturité et de sa force par rapport à ses rivaux mâles.
« Dans ce contexte, nous voulions voir si l’animal récepteur pouvait différencier les mâles uniquement par leur cri », explique Robert Weladji, professeur au Département de biologie et auteur-ressource de l’article. « L’objectif était d’étudier les vocalises, de voir quelles étaient leurs caractéristiques acoustiques et d’évaluer si ces caractéristiques étaient associées aux qualités des mâles, telles que l’âge et le poids. »
Une question de fréquence
L’équipe de recherche a enregistré les vocalises d’une harde de rennes semi-domestiqués dans le Nord de la Finlande durant la saison du rut, au début de l’automne 2019. Elle a réalisé des enregistrements de dix mâles en âge de se reproduire – soit entre 2,5 et 5,5 ans –, et 75 grognements de haute qualité ont été sélectionnés aux fins d’analyse à l’aide d’un logiciel spécialisé.
Deux paramètres ont alors été pris en compte : la fréquence fondamentale et les fréquences des formants.
La fréquence fondamentale est la fréquence la plus basse produite par les cordes vocales dans le larynx. Elle détermine la hauteur du son.
Les fréquences des formants sont des fréquences de résonance produites par la forme et la taille du conduit vocal d’un animal lorsque le son traverse celui-ci. Ces formants contribuent à transmettre des informations sur l’identité, les attributs physiques ou l’état émotionnel de l’animal.
Si la fréquence fondamentale ne fournit pas systématiquement des renseignements fiables sur les attributs d’un animal, les fréquences des formants semblent être des indications sur son âge et sa taille. Des fréquences plus basses et un espacement plus faible entre les formants sont associés à des animaux plus âgés et plus grands.
Les chercheurs ont constaté que le type de vocalises des rennes était particulièrement difficile à analyser. Ainsi, ils n’ont pas été en mesure d’extraire la fréquence fondamentale, que ce soit numériquement ou manuellement. En revanche, ils ont obtenu de meilleurs résultats avec les fréquences des formants.
L’anatomie vocale du renne a également compliqué les choses. L’équipe de recherche précise que l’animal possède un sac aérien dans son conduit vocal, mais que son rôle reste largement inconnu.
« Nous espérions que notre étude nous aiderait à comprendre le rôle du sac aérien ou à formuler des hypothèses sur la manière dont il influe sur la vocalisation, mais nous n’y sommes pas parvenus », indique l’auteure principale, Laura Puch, M. Sc. 2022. « Toutefois, nous pouvons émettre des hypothèses sur son rôle en nous basant sur les résultats d’études menées sur d’autres espèces. »
Robert Weladji espère pouvoir exploiter les résultats obtenus en étudiant la réaction des femelles aux signaux émis par les mâles, grâce à un processus appelé « expérience de présonorisation ».
« Si les paramètres acoustiques des vocalises des mâles transmettent des informations particulières, pouvons-nous les manipuler? », s’interroge-t-il. « Pouvons-nous les imiter en recourant à l’intelligence artificielle ou à d’autres outils pour voir si une femelle réagit? Si c’est le cas, nous pouvons être certains que les caractéristiques acoustiques que nous avons cernées sont les outils que les mâles utilisent pour dire aux femelles qu’ils sont les plus en forme ou les plus attirants ».
Øystein Holand, de l’Université norvégienne pour les sciences de la vie, et Jouko Kumpula, du Centre des ressources naturelles de Finlande (Luke), ont contribué à l’étude.
Le financement a été assuré par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), le Centre de la science de la biodiversité du Québec et Reindeer Husbandry in a Globalizing North (ReiGN), un centre d’excellence nordique financé par NordForsk.
Lisez l’article cité : « The content of reindeer male vocalisations: acoustic cues to age and size ».