La capacité à assurer une présence permanente sur la Lune dépendra de l’ingéniosité des approches et des ressources utilisables sur place, selon des chercheurs de Concordia
L’objectif du programme Artemis de la NASA visant à établir une présence humaine sur la Lune est plus proche que jamais de devenir réalité – il pourrait être atteint dans les prochaines décennies. Mais les rêveurs d’aujourd’hui se butent à une dure réalité : les difficultés inhérentes à la construction d’une base permanente sur un astre rocheux dépourvu d’air, envahi par la poussière et exposé aux radiations, situé à des milliers de kilomètres de leur planète. Mais cette tâche est-elle si difficile?
La réponse, de toute évidence, est qu’il s’agit d’un projet très ardu. Mais avec beaucoup de planification et d’innovation, sa réalisation ne semble pas impossible.
Dans un article critique très fouillé récemment publié dans la revue Progress in Aerospace Science, les auteurs, des chercheurs de l’Université Concordia, analysent les nombreux et très sérieux défis liés à la fabrication et à la construction des éléments d’infrastructure essentiels à l’établissement d’une présence à long terme durable sur la Lune. Ils proposent également des solutions pour surmonter ces difficultés.
« La capacité de fabriquer sur place toutes les installations nécessaires constitue un aspect crucial », indique Mohammad Azami, doctorant au Laboratoire de robotique aérospatiale de l’Université Concordia. « Nous devons mettre en place l’infrastructure nécessaire à la production des outils, des structures et des systèmes indispensables à l’habitation sur la Lune. »
Selon les chercheurs, cette étape nécessitera l’utilisation combinée de trois technologies essentielles : l’impression 3D, la robotique et l’intelligence artificielle (IA).
De nouvelles solutions pour de nouveaux défis
« Utilisées ensemble, ces trois technologies offrent une grande polyvalence », souligne le coauteur Krzysztof Skonieczny, professeur agrégé au Département de génie électrique et informatique de l’Institut de conception et d’innovation aérospatiales de Concordia.
« Elles nous permettent de répondre de manière adaptative et flexible aux défis à mesure qu’ils se présentent, car nous ne pouvons pas tout prévoir. »
Une petite imprimante 3D sera en mesure de produire des pièces et des structures spécialisées essentielles à la construction, à l’entretien et à la réparation de l’infrastructure lunaire. Compte tenu de l’environnement à nul autre pareil dans lequel ces outils seront utilisés, Krzysztof Skonieczny précise que de nombreux instruments seront également uniques.
« Tout ce qui devra être construit le sera probablement pour la première fois, affirme-t-il. Il faudra se baser soit sur les données fournies par les astronautes sur place, soit sur celles fournies par des spécialistes sur Terre, qui pourront transmettre les plans et les faire produire par les machines pendant que les astronautes dorment. »
La poussière lunaire et ses promesses
La Lune possède également une ressource naturelle essentielle qui pourrait réduire la charge utile totale à transporter lors des missions d’approvisionnement lancées depuis la Terre : le régolithe lunaire, c’est-à-dire la couche de poussière fine mais très abrasive qui recouvre la surface de l’astre.
Les recherches effectuées par Mohammad Azami au laboratoire et au Centre de recherche sur les composites de l’Université Concordia, récemment publiées dans la revue Progress in Additive Manufacturing, ont mené à des percées fructueuses susceptibles de constituer un apport essentiel à la fabrication et à la construction lunaires : un robot mobile d’impression 3D qui utilise un composite de polymère de catégorie spatiale appelé polyétheréthercétone et un matériau simulant la poussière lunaire pour la fabrication sur demande de géométries complexes.
Le régolithe présente l’avantage supplémentaire d’être une barrière efficace contre le rayonnement solaire. Son utilisation en construction comme couche isolante bloquant les radiations réduirait la nécessité de faire venir des matériaux similaires de la Terre.
« Le défi à plus long terme consistera à passer à l’utilisation de matériaux trouvés sur place en tant que matériaux principaux et non seulement d’appoint. Cependant, les solutions actuelles pour y arriver sont très énergivores », précise Mohammad Azami.
Les États-Unis et la Chine ont tous deux manifesté leur intention d’établir une présence à long terme sur la Lune d’ici le milieu de la prochaine décennie. Krzysztof Skonieczny estime que ces objectifs sont réalisables dans le cadre de missions plus petites et plus courtes, comme les voyages vers la Station spatiale internationale ou les centres de recherche de l’Antarctique.
Une présence à plus long terme présentera encore plus de problèmes à résoudre, notamment en ce qui concerne les effets d’une durée prolongée sur la biologie humaine et les questions juridiques entourant les droits territoriaux sur la Lune.
« Il s’agit de défis très importants qui nécessitent une vision d’ensemble. La fabrication n’est qu’une pièce d’une très vaste entreprise », conclut le chercheur.
Des travaux de recherche complémentaires ont été réalisés par Zahra Kazemi de l’Université de Toronto, Sare Moazen et Martine Dubé de l’École de technologie supérieure et Marie-Josée Potvin de l’Agence spatiale canadienne.
Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.
Lisez l’article cité : A comprehensive review of lunar-based manufacturing and construction.