Une bonne note pour l’enseignement à domicile
En conversation – Sandra MARTIN-CHANG et Wendi HADD
Les enfants qui reçoivent un enseignement structuré à la maison surclassent nettement et dans toute une gamme de matières ceux qui fréquentent l’école publique. « Dans certains cas, les premiers détenaient une avance de cinq niveaux scolaires sur les seconds », explique Sandra Martin-Chang, professeure adjointe au Département des sciences de l’éducation.
La Pre Martin-Chang a d’ailleurs fait la manchette avec son étude. Celle-ci compare les résultats aux tests de deux groupes d’élèves : ceux qui sont scolarisés au foyer et ceux qui fréquentent l’école publique.
L’idée de cette recherche lui est venue quand sa belle-sœur a décidé de se charger elle-même de l’éducation de ses petits. Les amis et la famille de la chercheuse ont alors exprimé des opinions bien arrêtées sur le sujet. Lorsqu’elle a voulu connaître les faits, la Pre Martin-Chang a constaté qu’il existait très peu de travaux sur les résultats d’apprentissage. Elle a donc entrepris de réaliser une étude en vue de comparer 37 enfants instruits à la maison avec 37 élèves du système public.
Les motivations des familles participantes qui avaient choisi le modèle de l’enseignement à domicile étaient tout aussi variées que leurs expériences. Certains parents ne voulaient pas que leur progéniture soit exposée à des idées politiques, sociales ou religieuses contraires à leurs convictions, tandis que d’autres rejetaient la structure des écoles traditionnelles.
Leurs approches étaient elles aussi diverses. Certaines familles suivaient un programme existant ou un plan de leçons conçu sur mesure. Dans d’autres foyers, les jeunes apprenants établissaient eux-mêmes leur routine et leurs priorités en matière d’apprentissage.
De meilleurs résultats chez les enfants instruits à la maison
Dans sa recherche, la Pre Martin-Chang s’est intéressée aux résultats d’apprentissage des jeunes en âge de fréquenter l’école primaire. Les sujets des deux groupes venaient de milieux comparables. Ceux qui recevaient un enseignement à domicile structuré, sous la direction de leurs parents, obtenaient des notes beaucoup plus élevées aux tests standardisés, et ce, dans sept matières différentes.
« À mon avis, les parents-enseignants à domicile ont une meilleure idée des progrès accomplis puisqu’ils dispensent un savoir à un plus petit groupe », affirme la chercheuse pour expliquer la différence marquée entre les résultats. Elle croit que les parents motivent leurs enfants en établissant des défis réalistes.
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En conversation – Au-delà des manchettes
Sandra Martin-Chang et Wendi Hadd sont toutes deux mères et éducatrices : la première travaille au Département des sciences de l’éducation de Concordia et la seconde, au cégep John-Abbott. En fait, l’étude de la Pre Martin-Chang sur l’enseignement à domicile est une lecture obligatoire dans le cours de sociologie de l’éducation offert par la Pre Hadd.
Les deux femmes ont participé à une discussion de grande envergure sur les motivations et les défis des parents souhaitant déterminer la meilleure approche pédagogique pour leurs enfants. Durant l’échange, la Pre Martin-Chang a fait part de ses observations sur les familles qu’elle avait rencontrées dans le cadre de sa recherche sur l’enseignement au foyer dans les Maritimes. La Pre Hadd, quant à elle, a parlé de sa propre expérience en tant que mère ayant adopté ce modèle pour ses six enfants, au Québec.
Si la Pre Martin-Chang est d’avis que l’apprentissage nécessite une direction et une structure, la Pre Hadd laisse ses enfants décider de l’orientation de leurs études. Malgré leurs approches différentes de l’enseignement et de l’apprentissage, elles reconnaissent toutes deux que les moyens dont disposent les adultes pour aider les jeunes à réussir sont semblables.
Choisir l’enseignement à domicile
W.H. : J’ai choisi d’enseigner moi-même à mes enfants parce que je voulais passer plus de temps avec eux. J’ai donc abordé la question sous cet angle – nous allions être ensemble.
S.M. : C’est l’un des facteurs les plus souvent mentionnés… Certains parents sont insatisfaits du système scolaire ou s’inquiètent de ce que leurs enfants pourraient y vivre. Par exemple, beaucoup de parents invoquent l’intimidation pour justifier leur choix de ne pas envoyer leurs petits à l’école.
Démythifier l’isolement
Bon nombre de gens pensent à tort que les enfants scolarisés chez eux sont isolés et qu’ils interagissent principalement, voire exclusivement, avec les autres membres de leur famille. En fait, de multiples associations, réseaux et programmes s’adressent aux adeptes d’une telle approche. Ils organisent sorties éducatives, foires scientifiques et leçons conjointes.
S.M. : Les enfants avec lesquels nous avons travaillé appartenaient à de nombreux groupes... Leurs journées semblaient plus remplies. Ils disposaient de plus de temps pour des leçons de violon ou des cours de ski. Ils ne passaient pas la majeure partie de leur journée à l’école.
W.H. : À mon avis, les [jeunes scolarisés à la maison] tendent à acquérir des aptitudes qui leur permettent d’interagir aussi bien avec leurs aînés qu’avec leurs cadets, puisqu’ils ne passent pas tout leur temps au sein d’un groupe composé uniquement de personnes du même âge.
Une attention individuelle favorise l’apprentissage
Les enfants de la Pre Hadd sont maîtres de leur apprentissage; toutefois, elle suit leurs champs d’intérêt et leurs progrès tout en cernant les aspects pour lesquels ils pourraient avoir besoin d’aide.
W.H. : Je crois sincèrement que les compétences en lecture sont la clé de la réussite dans n’importe quel domaine… Nous lisions énormément. Nous jouions à des jeux de lettres. Ainsi, même si notre approche n’était pas structurée, nous faisions des activités qui menaient à l’apprentissage. Sur le plan de la maîtrise de la langue, [ma fille] était très différente de ses frères aînés. Lorsqu’elle a eu six ans, j’ai su que certaines méthodes ne fonctionneraient pas avec elle sans renforcement substantiel.
D’après la Pre Martin-Chang, au bout du compte, c’est cette attention individuelle qui explique l’excellence des résultats d’apprentissage. Elle espère donc que les éducateurs qu’elle forme trouveront des moyens d’introduire ce principe dans la salle de classe.
S.M. : À Concordia, nous essayons d’encourager les étudiants en enseignement dans cette voie. Ils doivent apprendre à évaluer les progrès de tous les élèves de leur classe de manière à pouvoir repousser les limites de chacun.
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Sandra Martin-Chang est arrivée au Département des sciences de l’éducation de Concordia en 2007. Ses travaux continus – visant une meilleure compréhension de l’apprentissage de la lecture chez les enfants – l’ont aidée à effectuer la transition vers son rôle actuel en tant que formatrice des enseignants de demain.
En 2005, elle a obtenu un doctorat en psychologie de l’Université McMaster après avoir examiné les répercussions du contexte, du milieu et de la neuropsychologie sur l’apprentissage. Elle a en outre passé trois ans à l’Université Mount Allison, auNouveau-Brunswick, où elle a mené une étude sur l’enseignement à domicile. Elle a également reçu une bourse de recherche postdoctorale Margaret-et-Wallace-McCain de cet établissement.
Grâce à des subventions du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture, la Pre Martin-Chang poursuit ses travaux sur la lecture.
De plus, elle est affiliée au Centre de recherche en développement humain – initiative menée par Concordia et à laquelle participent cinq autres universités québécoises –, qui adopte une approche interdisciplinaire pour examiner les transitions et les étapes clés du développement, de l’enfance à l’âge d’or.
Il y a vingt ans, après avoir obtenu un doctorat en sociologie médicale à l’Université de Montréal, Wendi Hadd a entamé sa carrière d’enseignante de sociologie au cégep John-Abbott. À peu près à la même époque, elle a décidé de voir elle-même à l’instruction de ses enfants en vue de passer le plus de temps possible avec eux.
En tant que parent-enseignant, elle a choisi de ne pas utiliser de plans de leçon officiels. Ses enfants étaient plutôt libres de suivre leurs champs d’intérêt. Elle a par ailleurs noué des liens avec d’autres familles comme la sienne, surtout lorsque ses enfants étaient petits.
Aujourd’hui mère de six enfants, la Pre Hadd ne regrette en rien sa décision de laisser ces derniers déterminer eux-mêmes le rythme de leur apprentissage. Arrivés au postsecondaire, les plus vieux effectuent avec confiance la transition vers le système traditionnel.