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Une découverte fortuite pourrait mettre fin au cancer

Vladimir Titorenko and Thomas Sanderson

Vladimir Titorenko est en train de lever le voile sur les secrets du vieillissement enfouis au plus profond de notre code génétique. Toutefois, au lieu de mener à une fontaine de Jouvence, ses recherches ont donné lieu à une découverte inattendue – une substance chimique capable de stopper la progression du cancer.

Ses expériences ont en effet prouvé que l’acide lithocholique, une substance chimique produite par le foie, tue efficacement les cellules cancéreuses tout en prolongeant la vie des cellules saines. Cet effet ciblé pourrait apporter des avantages extraordinaires, puisque la plupart des traitements actuels contre le cancer ne font aucune distinction entre les cellules saines et celles qui sont malades, et détruisent aveuglément les deux.

Professeur de biologie à Concordia, M. Titorenko a fait cette découverte dans le cadre de ses travaux sur différentes substances chimiques naturelles visant à déterminer laquelle, le cas échéant, pourrait interrompre le processus de vieillissement sur le plan génétique.

« Le vieillissement a longtemps été considéré comme un simple effet du temps, explique-t-il. En fait, il semble y avoir un nombre très limité de gènes qui déterminent la longévité d’une personne. »

Le Pr Titorenko a réalisé ses expériences sur les levures, des organismes génétiquement semblables aux êtres humains, dont la durée de vie est de quelques semaines à peine. Le temps de maturation accéléré des levures signifie que quelques jours, plutôt que des années, suffisent pour observer les réactions génétiques aux substances chimiques.

En évaluant les effets de l’exposition à différentes substances chimiques, le professeur a pu en trouver quelques-unes qui interfèrent avec la rapidité du vieillissement des levures, entre autres l’acide lithocholique qui prolonge effectivement leur durée de vie.

Le cancer étant une maladie liée à la sénescence, le Pr Titorenko a poussé l’expérience plus loin en exposant des cellules humaines, puis des cellules cancéreuses humaines, à l’acide lithocholique, ce qui a donné des
résultats positifs. La prochaine étape consistera à guider cette nouvelle possibilité thérapeutique à travers le long processus qui la mènera de la boîte de Pétri au cabinet du médecin.

En attendant, il peut faire de nouveaux essais sur certaines autres substances chimiques qui semblent capables de ralentir le processus de vieillissement des levures.

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En conversation – Au-delà des manchettes

Dans ses travaux sur les gènes liés au vieillissement, le Pr Titorenko ne cherchait pas un composé capable de bloquer le cancer. Toutefois, sa découverte d’une substance chimique pouvant contribuer à la lutte contre cette maladie le motive maintenant à faire connaître les résultats de ses recherches au-delà du milieu universitaire.

Comme l’efficacité et l’innocuité du traitement restent à prouver, il a tissé des liens avec Thomas Sanderson, un toxicologue qui étudie en laboratoire les effets des pesticides et d’autres produits chimiques sur le système endocrinien.

M. Sanderson a suivi de près les travaux du Pr Titorenko et a récemment embauché dans son laboratoire un chercheur diplômé qui a été l’étudiant du professeur. En collaboration avec des scientifiques de l’Université McGill et de l’Université de la Saskatchewan, l’équipe mène d’autres essais sur le composé. Les chercheurs s’intéressent à l’efficacité de la nouvelle possibilité de traitement si elle est combinée à d’autres composés et utilisée avec différentes méthodes d’administration.

Une voie prometteuse

V.T. : Nous recherchions d’abord – parmi des milliers de composés différents – un composé chimique capable d’augmenter considérablement la longévité des levures. C’était notre intérêt premier, mais nous en avons découvert environ 20, dont six appartiennent au groupe des « acides biliaires ».

Puisque le cancer est considéré comme une maladie liée à l’âge, nous avons décidé de faire des essais sur des cellules humaines cultivées – tirées de différents types de cancers – pour déterminer si ce composé avait des effets anticancéreux.

T.S. : À mon avis, le Pr Titorenko a obtenu deux résultats étonnants. Tout d’abord, l’acide lithocholique peut détruire certaines cellules cancéreuses tout en épargnant les cellules normales… Ensuite, l’acide lithocholique ne pénètre pas dans la cellule – un constat très intéressant selon moi… Cela signifie en effet que la surface de la cellule possède une certaine caractéristique qui la rend sensible à l’acide lithocholique. [Quelque chose] ne stoppe pas seulement la croissance des cellules, mais entraîne en fait une mort cellulaire programmée.

De l’expérimentation au traitement

T.S. : D’après la structure de l’acide lithocholique, on pourrait vraisemblablement synthétiser des substances chimiques apparentées, dont la puissance pourrait même dépasser celle de l’acide lithocholique, et réduire aussi la toxicité potentielle.

V.T. : Mais ce n’est pas tout, on peut même envisager une méthode d’administration ciblée consistant à incorporer le composé à l’intérieur d’un comprimé qui se dissout seulement dans certaines parties du corps. Ces recherches sont vraiment complexes, et cette première étape revêt ainsi une grande importance.

T.S. : En tant que chercheurs scientifiques, nous participons habituellement aux toutes premières étapes de ce genre de développement. Pour en arriver à la phase des essais cliniques sur des sujets humains, il faut parvenir à intéresser les sociétés pharmaceutiques. Ce qui est une autre paire de manches dans le cas des composés [naturels] comme les acides biliaires, puisqu’ils existent déjà. Ils ne peuvent donc pas vraiment être brevetés. Il serait toutefois possible de les breveter en les formulant d’une certaine façon – d’une façon qui rend le traitement des cancers humains efficace. 

V.T. : Il ne faut surtout pas oublier que tout composé peut être toxique pour les cellules saines si une certaine dose ou concentration est dépassée. Il en va de même pour n’importe quel remède miracle et n’importe quel composé anticancéreux ou antivieillissement. Ils sont toxiques si une certaine dose est dépassée. Le choix de la méthode d’administration du composé est donc très important. Il faut trouver réponse à de nombreuses questions, parce qu’un composé peut effectivement s’avérer dangereux si une certaine dose critique est dépassée, tout comme l’aspirine.

T.S. : Je suis d’accord avec Vladimir, car j’étudie les composés naturels et ils ont effectivement des effets bénéfiques à une faible concentration, mais certains peuvent être très toxiques à une concentration élevée. 

Vladimir Titorenko

Vladimir TITORENKO 

Professeur agrégé de biologie et titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia en génomique, biologie cellulaire et vieillissement, Vladimir Titorenko étudie le rôle des gènes dans le processus de vieillissement. Ses recherches pourraient fournir des indications utiles pour la lutte contre les maladies liées à la sénescence, comme le cancer et la maladie d’Alzheimer.

Après avoir obtenu un doctorat en génétique à Moscou en 1988, le Pr Titorenko a consacré une vingtaine d’années à des projets de recherche dans des laboratoires privés en Europe et au Canada, travaux qui lui ont d’ailleurs valu des prix.

Il est arrivé au Département de chimie et biochimie de Concordia en 2002 et a effectué avec aisance le passage des laboratoires privés au milieu universitaire. Actuellement affilié au Centre de génomique structurale et fonctionnelle de l’Université, il a reçu de nombreuses subventions des Instituts de recherche en santé du Canada et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Il a également pu faire l’acquisition d’équipements de recherche indispensables grâce à l’appui financier de la Fondation canadienne pour l’innovation.

Ses travaux ont été publiés dans des revues scientifiques du monde entier et dans les médias grand public. En janvier, La Presse et Radio-Canada l’ont nommé Personnalité de la semaine.

Thomas Sanderson

Thomas SANDERSON

Thomas Sanderson étudie les effets des pesticides sur le système endocrinien chez l’humain et s’est penché dernièrement sur les effets possibles des composés naturels sur ce système.

Actuellement professeur agrégé à l’Institut national de la recherche scientifique – Institut Armand-Frappier, il a auparavant occupé différents postes dans des établissements universitaires européens et nord-américains.

Ses travaux, qui reçoivent l’appui du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, portent sur les mécanismes par lesquels une grande variété de substances chimiques perturbe la synthèse des androgènes et des estrogènes chez l’humain et l’animal. Ils permettront de mieux comprendre certains cancers hormono-dépendants et l’incidence croissante des troubles de reproduction chez l’humain.

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