Une diplômée de l’Université Concordia conçoit un programme d’art-thérapie pour les personnes souffrant d’anorexie mentale
Les personnes souffrant d’anorexie mentale considèrent souvent cette maladie comme une amie proche qu’elles hésitent à exclure de leur vie, fuyant toute thérapie susceptible d’ébranler leur identité. Selon des recherches, l’anorexie mentale peut être causée par des atteintes physiques ou affectives dans les relations, mais la plupart des programmes de traitement donnent la priorité à la thérapie familiale, et leur taux de réussite n’est généralement que de 50 %.
Jennifer Kar Wei Lee, M.A. 2024, a récemment obtenu sa maîtrise ès arts en thérapies par les arts (option art-thérapie) à l’Université Concordia. Constatant une lacune dans les traitements conventionnels, Lee a créé un nouveau programme d’art-thérapie qui recourt à des approches axées sur l’attachement et tenant compte des traumatismes. L’objectif est d’aider les adolescentes et adolescents souffrant d’anorexie mentale restrictive à renforcer leur perception d’eux-mêmes et à se libérer de l’emprise qu’exerce ce trouble sur eux.
Le programme de Lee propose aux patients médicalement stables et en voie de rétablissement des périodes d’hospitalisation partielle où on leur offre une série structurée et réfléchie de séances d’art-thérapie de groupe tenant compte des traumatismes, sur une période de dix semaines. Les interventions d’art-thérapie s’appuient sur le continuum des thérapies expressives pour créer des expériences et des usages qui rappellent la nourriture et le fait de vivre avec l’anorexie mentale.
« Nous n’envisageons pas assez souvent le développement de l’anorexie mentale sous l’angle de l’attachement et des traumatismes », soutient Bonnie Harnden, directrice de mémoire de Jennifer Kar Wei Lee. « Pourtant, ces facteurs peuvent jouer un rôle central dans l’apparition d’un trouble alimentaire. Les recherches approfondies et rigoureuses de Jennifer apportent un regard nouveau et sans précédent sur la façon dont nous pouvons tenir compte de ces éléments pour soutenir les personnes atteintes de troubles alimentaires, aider celles qui ont reçu un diagnostic et leur offrir un traitement qui leur permettra de comprendre que les troubles alimentaires posent des défis très particuliers. »
« Il faut raconter l’histoire de toutes sortes de façons »
Les personnes souffrant d’anorexie mentale présentent souvent une certaine rigidité. « Pour quelqu’un qui a besoin de contrôle dans sa création artistique, la peinture très fluide peut provoquer beaucoup d’anxiété au début, par rapport à l’utilisation de crayons ou de crayons de couleur, explique la chercheuse. Cela ouvre progressivement la porte à des matériaux plus anxiogènes, comme l’argile molle qui peut rappeler certains aliments et permet ainsi de favoriser davantage l’expression tout en diminuant la rigidité. »
Les art-thérapeutes qui animent les séances créent un environnement sûr et prévisible dans lequel les participantes et participants sont considérés comme des personnes, et non comme des patients, et sont encouragés à s’exprimer en tant qu’individus ne souffrant pas d’un trouble alimentaire.
« Nous comprenons de mieux en mieux que même si la thérapie par la parole est très importante, il faut aussi raconter l’histoire de toutes sortes de façons, ajoute Bonnie Harnden. Il faut raconter l’histoire du système nerveux. Il faut raconter l’histoire du corps. L’art, le théâtre, la musique et le jeu racontent les histoires de manière incroyable, mais l’expression en tant que telle apporte également une sorte de guérison – une métaphore, un sens et une profondeur que les mots ne parviennent pas à rendre. Si nous ne nous appuyons que sur la thérapie par la parole, nous limitons vraiment notre capacité à aider les gens à guérir. »
Jennifer Kar Wei Lee a élaboré son plan d’intervention en s’inspirant de sa propre expérience : pendant son adolescence, elle a été hospitalisée pour un trouble alimentaire et a été initiée à l’art-thérapie dans le cadre de son traitement. « J’ai pu constater de mes propres yeux à quel point l’art-thérapie peut être puissante, à quel point elle m’a guérie sur le plan personnel et à quel point elle rapproche les gens au sein d’une communauté ».
Lee décrit l’art-thérapie comme l’accès à un autre langage que les gens peuvent utiliser pour s’exprimer.
« Lorsqu’on suit une thérapie par la parole pour un trouble alimentaire, c’est presque comme si le thérapeute a le mauvais rôle parce qu’on veut préserver notre moi (celui du trouble alimentaire), et le fait de parler à un thérapeute menace cela. Avec la création artistique, il est beaucoup plus difficile de filtrer ses émotions et il est plus naturel de s’exprimer pleinement. En tant qu’art-thérapeutes, nous n’interprétons pas ce que créent nos clients; ils gardent autonomie et contrôle sur leurs œuvres. »
Depuis qu’elle a obtenu son diplôme, Jennifer Kar Wei Lee s’est installée à Ottawa, où elle travaille comme art-thérapeute professionnelle et psychothérapeute agréée (stagiaire) tout en poursuivant ses recherches sur l’attachement, les traumatismes et les troubles alimentaires. Elle espère intégrer le milieu hospitalier ou clinique et se passionne pour le travail auprès des enfants et des jeunes.
Apprenez-en plus sur l’art-thérapie, participez à une séance ou découvrez le Centre de développement humain par les arts et le Centre arts et santé de l’Université Concordia.