Qui échoue à l’école primaire ? Moi. Avec mes notes en dessous de la moyenne, personne n’a été surpris — surtout pas moi — lorsque mon enseignante de deuxième année m’a pris à part avec deux autres camarades pour nous dire : « Vous n’avez pas réussi et vous devrez redoubler. »
Inutile de dire que, des décennies plus tard, j’ai porté une attention particulière aux résultats de ma fille en deuxième année. Lorsqu’elle a réussi, je lui ai fièrement dit qu’elle avait déjà surpassé son vieux père. J’ai fait la même chose avec mon fils en juin dernier.
Je repense à ma jeunesse et je m’en souviens très bien. Quatrième année, divisions longues. C’est là que les mathématiques m’ont perdu, et après avoir échoué en maths de sixième année, ce fut l’école d’été. Pour un enfant qui aimait les sciences et les mathématiques, j’ai appris très tôt qu’elles ne m’aimaient pas en retour.
L’été avant ma neuvième année, ma mère avait contracté le sida — une condamnation à mort au début des années 1990. Elle a perdu son emploi et ma famille a dû vivre à nouveau de l’aide sociale. Pour aider, j’ai commencé à travailler avant même d’avoir 15 ans. J’ai été surpris d’avoir réussi à obtenir mon diplôme d’études secondaires.
J’ai réalisé que j’étais le seul parmi mes amis à ne pas avoir de plan, alors je me suis dit que je devrais poursuivre mes études. Après quatre ans, dont un passage par des cours du soir, j’ai obtenu mon diplôme de CÉGEP. Là, j’ai suivi un cours avec l’inspirant Ishwar Prashad, BA 70, qui m’a initié à la politique et m’a donné la passion pour ce domaine. Ayant un talent pour les sciences politiques, j’ai décidé de postuler à l’École des affaires communautaires et publiques de Concordia. Je ne répondais pas aux critères, mais après une entrevue et un court essai, j’ai tout de même été admis dans le programme de double majeure. Je dois tout à ce qui m’a permis de m’y faufiler et de réussir.
Je travaillais à temps plein et devais équilibrer cela avec mes études et l’éducation de mes enfants. Cela m’a pris 10 ans, mais je suis fier d’avoir enfin obtenu mon baccalauréat.
Accepter la différence
Dans le but d’améliorer mes compétences en rédaction en français, j’ai récemment complété mon MBA à l’École de la science de la gestion de l’Université du Québec à Montréal. Bien que j’aie dépensé une petite fortune en tuteurs, c’est grâce à mes enseignants et à mes collègues que j’ai terminé mes études — même avec quelques années de retard, comme c’est devenu ma coutume.
Il y a une citation de Friedrich Nietzsche qui dit : « Le moyen le plus sûr de corrompre un jeune est de lui apprendre à estimer davantage ceux qui pensent de la même manière que ceux qui pensent différemment. » Si j’ai pris le temps de décrire mon parcours académique souvent ardu, c’est uniquement pour souligner les paroles de Nietzsche.
Bien que je ne me sois jamais considéré comme incompétent, j’ai compris que j’apprends différemment des autres — et cela m’a parfois fait me sentir incompétent. Je suis reconnaissant envers les nombreuses personnes qui, en cours de route, ont reconnu ce qui me rend différent, l’ont accepté et m’ont poussé à poursuivre mes objectifs. Il aurait été beaucoup plus facile de m’écarter. Au lieu de cela, on m’a donné accès et opportunités — et cela témoigne d’une société véritablement inclusive.
Tout au long de mon parcours, j’ai réalisé que la seule différence entre moi et un décrocheur du secondaire est que je n’ai jamais été satisfait de ma situation. J’ai simplement continué à avancer. Cette persévérance est mon conseil à mes enfants et à mes étudiants aujourd’hui : continuez à avancer.
Christopher Skeete est membre de l’Assemblée nationale du Québec représentant la circonscription de Sainte-Rose ; adjoint parlementaire du premier ministre pour les relations avec les Québécois d’expression anglaise ; et adjoint parlementaire du ministre responsable de la lutte contre le racisme.