Rencontre avec une cinéaste primée : Carol Nguyen
Avant même d’entrer à l’École de cinéma Mel-Hoppenheim de l’Université Concordia, la cinéaste canado-vietnamienne Carol Nguyen, B. Bx-arts 2020, avait remporté de nombreux prix pour ses courts-métrages.
Puis, au moment d’obtenir son diplôme universitaire, elle se voyait octroyer des dizaines de prix et de nominations pour No Crying at the Dinner Table (« On ne pleure pas à table ») – un film à thèse réalisé durant la troisième année de son cursus à Concordia. Parmi ces récompenses, soulignons en 2020 le grand prix du jury, catégorie courts-métrages documentaires, du festival cinématographique South by Southwest (SXSW).
No Crying at the Dinner Table relate l’évolution d’un silence des plus éloquents jusqu’à son éclatement. Réfugiés vietnamiens, les parents de Carol Nguyen n’avaient jamais parlé ouvertement des combats qu’ils avaient menés. En fait, tous les membres de la famille Nguyen se gardaient bien d’exprimer leurs émotions. D’ailleurs, quand elle était enfant, la cinéaste s’était fait dire de ne jamais pleurer à table.
Pour les besoins de son documentaire, Carol Nguyen a interviewé séparément sa mère, son père et sa sœur. Des secrets tus pendant de nombreuses années ont alors été révélés. Par la suite, la cinéaste a réuni ses proches autour de la table familiale et leur a fait entendre des extraits des entrevues. Ensemble, ils ont écouté leurs propres récits évoquant le traumatisme intergénérationnel engendré par la guerre du Vietnam, la vie de réfugiés et la mort d’êtres chers. Diverses scènes du film – notamment quand le père se sent coupable du suicide de son frère – peuvent sembler sereines, méditatives, au premier coup d’œil… Elles se révèlent toutefois d’une grande intensité émotionnelle.
Le court-métrage de Carol Nguyen a retenu l’attention des médias les plus prestigieux. Ainsi, la cinéaste s’est prêtée à une interview de fond pour le magazine The New Yorker. Voilà qui n’est pas un mince exploit pour l’auteure d’un projet de cours! Au fil du temps, des dizaines de publications se sont penchées sur la cinéaste et sur son travail. Cela étant, Carol Nguyen demeure modeste.
La possibilité d’être oscarisée
Les œuvres primées au festival SXSW se qualifiant pour la course aux oscars, Carol Nguyen a proposé son documentaire au prestigieux concours. Même si No Crying at the Dinner Table ne lui a pas permis de fouler le tapis rouge, la cinéaste n’en a pas moins aimé l’expérience – pour laquelle elle ne s’était du reste pas créé d’attentes.
« Je n’avais jamais imaginé que je pouvais être oscarisable, explique-t-elle. Je suis si jeune. [Elle a 23 ans.] Ne connaissant pas le contexte entourant ce genre de choses, ne sachant pas ce que je suis censée faire, j’aborde la situation sans idées préconçues. D’autant plus que je suis souvent la benjamine du groupe. En définitive, j’y vois une bonne leçon d’humilité. »
À l’adolescence, Carol Nguyen tournait déjà des films. Alors qu’elle était au secondaire, elle a reçu un prix étudiant au Festival international du film de Toronto. « Plus le temps passait, plus je me passionnais pour la cinématurgie, relate-t-elle. Cette forme artistique m’a donné une voix et m’a permis d’exprimer des sentiments intimes, des chagrins et des traumatismes que j’avais intériorisés jusque-là. Livrer mon récit au public a beaucoup contribué à me valoriser. »
Un sentiment d’appartenance et d’épanouissement
Ses études maintenant terminées, la cinéaste native de Toronto jette un regard attendri sur son séjour à Concordia : « Depuis l’obtention de mon diplôme, je m’ennuie parfois de l’Université. » Lui manquent essentiellement les personnes qu’elle y a côtoyées. Elle mentionne tout particulièrement Daniel Cross, professeur au Département de production cinématographique.
« Le fait de me créer une communauté où je croisais chaque semaine les mêmes personnes, dont je savais qu’elles suivaient un parcours identique au mien, m’a conféré un sentiment d’appartenance et d’épanouissement, précise-t-elle. Je n’avais plus l’impression de cheminer en solitaire. »
Elle poursuit : « Quand on se sent à l’aise dans un endroit, quand on s’y voit bien, les choses vont d’elles-mêmes, paraît-il. C’est ce que j’ai ressenti à l’École de cinéma Mel-Hoppenheim. »
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