Lorsque l’on a commencé à discuter de la menace que représente l’extrémisme en ligne, il y a environ dix ans, la conversation portait surtout sur l’utilisation que faisait l’État islamique des réseaux sociaux en tant qu’outils de conversion et de recrutement. Si ces extrémismes sont loin d’avoir disparu, ce sont les groupes d’extrême droite qui sont aujourd’hui au centre des préoccupations de nombreux observateurs.
Ces groupes — qu’ils soient composés de suprémacistes blancs, de militants anti-gouvernement, d’« incels » (célibataires involontaires) ou de militaires, ou encore d’un mélange de tous ces courants, sont dorénavant suffisamment décomplexés pour sortir de l’ombre.
« Pendant de nombreuses années, la plupart des suprémacistes blancs restaient discrets sur leurs allégeances en ligne », affirme Joan Donovan, B.A. 2006; M.A. 2008, directrice de recherche au Centre Shorenstein sur les médias, la politique et les politiques publiques à la John F. Kennedy School of Government de l’Université Harvard. « Ce n’est plus le cas. L’époque où seulement une poignée de groupes étaient actifs en ligne est aujourd’hui révolue. »
En 2020, une étude réalisée par l’Institute for Strategic Dialogue (ISD) a répertorié plus de 6 000 chaînes, pages, groupes et comptes faisant circuler des propos d’extrême droite sur les différentes plateformes des médias sociaux. L’année dernière, les contenus d’extrême droite ont augmenté de 33,7 % sur Facebook et de 66,5 % sur 4chan. Au cours des cinq dernières années, l’activité en ligne des extrémistes de droite a plus que doublé. Selon le Center for Strategic and International Studies, un groupe de réflexion de Washington, D.C., 90 % des attaques et des attentats survenus aux États-Unis au début de 2020 ont été perpétrés par des extrémistes de droite, ce qui représente une augmentation de deux tiers par rapport à 2019.
Même sans commettre d’actes ouvertement terroristes, les extrémistes de droite ont eu une profonde incidence sur la société, ce qui a donné lieu à une polarisation idéologique accrue partout dans le monde. De nombreuses personnes, notamment des membres du gouvernement, ont fait l’objet de harcèlement en ligne ou de menaces de mort ou ont vu leurs données personnelles divulguées.
Les groupes conspirationnistes tels que QAnon ainsi que les mouvements « Stop the Steal » et antivaccin ont été alimentés par la mésinformation et la désinformation en ligne. Cette radicalisation a mené à des événements marquants comme l’attaque du 6 janvier contre le Capitole et le convoi perturbateur de camionneurs au Canada. C’est dans ce contexte que des équipes de recherche ont commencé à explorer le rôle des activités en ligne dans l’essor de ces mouvements.
Nous avons une lourde tâche devant nous, affirme Vivek Venkatesh, M.A. 2003; Ph. D. 2008, cotitulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent et professeur en pratiques inclusives en arts visuels au Département d’éducation artistique.