C’ est à des centaines de mètres sous terre, lors d’un emploi d’été comme chauffeuse d’un camion-benne de 300 tonnes dans une mine de fer du Labrador, d’où elle est originaire, que la photographe Tanea Hynes a trouvé son inspiration.
« Travailler à la mine m’a vraiment ouvert les yeux. Avant ça, je passais tout mon temps sur la planète Flickr à créer des images fantaisistes retouchées à l’extrême, ce qui, disons-le, est une fausse réalité », explique l’étudiante à la maîtrise au Département des arts plastiques de l’Université Concordia, qui s’est récemment vu accorder la bourse Hitting the High Notes (« atteindre les bonnes notes »).
« Durant toute mon enfance, la mine a fait partie du paysage. Mon père y travaillait, mais je n’avais absolument aucune idée de ce à quoi ça ressemblait ni de ce que sa tâche pouvait impliquer. C’était un mystère complet. »
En 2021, Tanea Hynes a autopublié Workhorse, un recueil de photographies illustrant des engins de machinerie lourde et le quotidien d’une ville minière, accompagnées de ses propres réflexions et d’une description de sa démarche de recherche. « Je m’attaque à l’histoire et aux politiques entourant les thèmes de l’extraction, de l’isolement et du capitalisme, ainsi qu’à leurs répercussions sur l’individu. »
Workhorse comprend des photos du paysage labradorien, « froid et sec, comme un désert ». Une station-service baignée de la chaude lumière du crépuscule; des maisons peintes, construites par la compagnie minière, figées dans un paysage gelé; des camions-bennes géants et des rochers dans une rivière rouge s’échappant des mines… « De tels endroits existent partout en Amérique du Nord, mais personne ne les connaît », souligne la photographe.
Son œuvre sur les mines, confie-t-elle, s’inspire autant de la colère que de l’admiration. « C’est une industrie destructrice… Rien ne changera cela. Mais je n’arrive pas à la critiquer. Ma vie entière s’est construite autour de la mine. Nous lui devions notre subsistance. » Tanea Hynes entend continuer de photographier le monde des mines tout en poursuivant ses études de maîtrise en beaux-arts à Concordia. « Le projet ne cesse de prendre de l’ampleur. »
Elle précise que c’est grâce à la bourse Hitting the High Notes si elle peut poursuivre aujourd’hui ses études en photographie. Elle continuera aussi de faire connaître les facettes méconnues des mines à travers son œuvre. « Sans cet appui financier très généreux, je n’aurais probablement pas pu faire une maîtrise en beaux-arts. En tant qu’artiste, c’est difficile de justifier ce genre de dette. »
La photographe savoure l’occasion qui lui est donnée de consacrer trois ans de sa vie à améliorer ses compétences dans le cadre d’études supérieures. « Cela me permet d’élargir ma palette visuelle. Je ne pourrais pas laisser mes visions et mes rêves s’épanouir de cette façon hors du cadre très structuré d’une maîtrise en beaux-arts. »