En ce sens, Concordia a été en avance sur son temps. Et c’est en partie grâce aux progrès réalisés par ses chercheurs et ses étudiants actuels et passés qu’un consensus généralisé a commencé à se former quant au potentiel des arts et des thérapies par les arts comme ressources pour les personnes qui vivent des épreuves.
Le deuil fait incontestablement partie de ces épreuves. « Il s’agit d’un processus naturel que nous vivons tous à un moment ou à un autre », affirme Guylaine Vaillancourt, directrice du Département de thérapies par les arts et pionnière de la musicothérapie. « Les arts ont un potentiel transformateur et peuvent nous aider à surmonter la douleur. »
Laurel Young, une autre professeure en musicothérapie à Concordia, en a été un témoin privilégié pendant ses plus de 27 années d’expérience clinique et de recherche. « J’ai travaillé avec des mères qui n’avaient pas surmonté la peine causée par la perte d’un enfant, relate-t-elle. Des années plus tard, cette peine avait encore des répercussions sur leur vie. Participer à un processus personnalisé d’écriture de chanson a permis à certaines de ces mères de "parler" à leur enfant et d’exprimer des choses qu’elles n’avaient jamais dites. Cette chanson est devenue une preuve tangible de l’existence de leur enfant dans le monde, rendait hommage à cette vie et les a aidées à se pardonner à elles-mêmes.
« Les thérapies par les arts, poursuit-elle, permettent aux personnes de trouver leur propre façon constructive et significative de surmonter leur peine et de vivre avec cette peine. En musicothérapie, nous travaillons avec des personnes endeuillées afin de trouver les sons et les expériences musicales qui peuvent exprimer ce que les mots ne sauraient dire. »
Une étape naturelle de la vie
L’événement qui s’est produit en Iran et qui a mené Hanieh Tohidi, M.A. 2020, à créer un espace de création sûr n’est pas la première tragédie à déclencher une réaction de soutien axée sur les arts à Concordia.
Après le décès d’une étudiante du Département d’éducation artistique sur le campus en 2019, Rebecca Duclos, alors doyenne de la Faculté des beaux-arts, a mené des efforts visant à offrir des ressources aux étudiants, aux membres du corps professoral et du personnel ainsi qu’à la famille de l’étudiante décédée.
Une des ressources déployées était une ruche d’art. Pendant plusieurs semaines, deux séances de quatre heures ont été proposées au campus Sir-George-Williams. Beaucoup de membres de la communauté de Concordia ont saisi cette occasion d’aller chercher du réconfort et d’échanger avec d’autres personnes endeuillées. Comme l’indiquait Mme Duclos au journal Montreal Gazette, la tragédie a « donné en accéléré une formation dans laquelle tous les membres de l’Université étaient disposés à s’engager ».
Yehudit Silverman, professeure émérite du Département de thérapies par les arts, ajoutait que « trouver un sens à tout cela est la seule façon de guérir. Et trouver un sens ne signifie pas [nécessairement] comprendre pourquoi [un décès se produit]. »
Lors d’un atelier offert en mars à Concordia, Grieving, Mourning, Memory: A Conversation, Mme Duclos, qui a mené des travaux de recherche sur le décès et travaillé comme doula de fin de vie auprès de patients en soins palliatifs, affirmait que « mourir est la seule chose que nous faisons tous. [Il est important de] démystifier la mort et de la considérer comme une étape naturelle de la vie. »
Pour ce faire, les arts d’expression peuvent être une précieuse ressource.
Maria Riccardi, B. Bx-arts 1995, est chargée d’enseignement à Concordia. Détentrice de diplômes d’études supérieures en thérapie par les arts et en technologie éducative, elle a mis en place divers programmes axés sur les arts, surtout pour les adolescents et les adultes aliénés en raison de maladies physiques ou mentales, de leur statut d’immigrant ou de problèmes de pauvreté.
Dans un article publié en ligne par l’Association canadienne d’art-thérapie en 2020, Mme Riccardi et deux autres chercheurs ont montré l’efficacité des arts d’expression dans les soins de fin de vie pour les patients et leurs êtres chers affectés par la perte.
Selon Mme Riccardi et ses coauteurs : « Le processus créatif permet aux participants de réfléchir aux événements passés, de prendre conscience de leur humeur actuelle et de discuter de leurs préoccupations face à la vie et à la mort. Grâce à une série d’activités [axées sur les arts d’expression], les participants acquièrent une meilleure compréhension de leur corps, de leur esprit et de leur âme face à mort et renforcent leur lien avec les membres de leur famille et les autres. »
Même si de plus en plus de recherches portent sur le recours aux arts dans le processus de deuil, l’article conclut que plus de travaux sont nécessaires.