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Corinne Cluis porte l’eau-de-vie d’érable québécoise vers de nouveaux sommets

Un doctorat en biologie a mené la propriétaire de la Distillerie Fove à l’essence de l’acerum
19 mai 2023
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Par JP Karwacki, B.A. 2011


Corinne Cluis, Ph. D. 2014, fonde la Distillerie Fove en 2021 en louant les installations de la Distillerie Comont, où elle poursuit ses activités aujourd’hui.

Le sirop d’érable est au Québec ce que le champagne est à la France et la bière est à l’Allemagne : l’essence d’un lieu, définie par cette relation entre goût et terroir, goût et héritage, goût et identité.

Corinne Cluis, Ph. D. 2014, a pris le savoir qu’elle a acquis durant son doctorat en biologie à l’Université Concordia et l’a distillé dans une quête de l’essence pure du sirop d’érable sous la forme d’acerum (du latin acer, qui signifie « érable », et de l’anglais rum pour « rhum »). Eau-de-vie élaborée par distillation de l’alcool issu de la fermentation de la sève concentrée d’érable québécois, l’acerum est en quelque sorte l’âme du sirop d’érable, raréfié en un tout nouvel arôme.

« C’est une idée magnifique d’élaborer un produit emblématique du Québec, en harmonie avec la renaissance de la gastronomie et de l’utilisation d’ingrédients locaux », se réjouit Corinne Cluis.

Bien que le parcours qu’elle a suivi pour devenir propriétaire et distillatrice de la Distillerie Fove ne semble peut-être pas logique de prime abord, tout devient clair quand on y réfléchit bien.

« Je n’en serais pas là sans mes études à Concordia, explique-t-elle. Tout a commencé à l’Université : mon intérêt pour la microbiologie et les microbes, et leur utilisation pour créer quelque chose de nouveau. »

À titre de chercheuse, Corinne Cluis examinait l’E. coli sous l’angle du génie génétique. Elle a ainsi acquis des connaissances sur les voies biochimiques et la façon de les modifier au moyen de légers changements génétiques. Ces travaux l’ont amenée à travailler avec une équipe de recherche pour l’entreprise montréalaise Lallemand, qui a récemment versé un don majeur au Centre de biotransformation de l’Université Concordia.

Tout en travaillant pour l’un de plus importants développeurs, producteurs et spécialistes du marketing de produits comme les levures et les bactéries, elle s’est concentrée sur les biocarburants et l’eau-de-vie distillée; elle a d’ailleurs dirigé un programme axé sur le développement de nouveaux produits.

« Nous avons commencé à explorer les profils d’arômes découlant des souches que nous avions sur le marché ainsi que les éléments clés qui les différenciaient l’une de l’autre », précise-t-elle.

En examinant en quoi différents paramètres de fermentation, comme la température et la nutrition, pouvaient influer sur les profils d’arômes distillés, elle a pu parcourir le monde pour découvrir les méthodes de distillerie employées, notamment en Écosse, dans les Caraïbes, au Mexique et aux États-Unis.

« C’est ce qui m’a donné l’idée et l’envie de lancer ma propre entreprise. Avec les connaissances que j’avais acquises à l’époque sur la façon dont les voies biochimiques des levures pouvaient engendrer différents arômes, je me suis dit que je pourrais les mettre à profit pour changer le paysage de la distillerie au Québec. »

Des études à l’eau-de-vie

Portrait d'une femme aux cheveux sombres et ondulés, vêtue d'un col roulé noir sur un fond violet foncé. « Je n’en serais pas là sans mes études à Concordia » explique Corinne Cluis.

Profitant de la vague qu’a connue le milieu québécois de la distillerie artisanale vers 2017, Corinne Cluis fonde la Distillerie Fove en 2021 en louant les installations de la Distillerie Comont, où elle poursuit ses activités aujourd’hui.

Si nombre des premiers distillateurs se sont concentrés sur des alcools comme le gin et ses déclinaisons botaniques, Corinne Cluis voulait pour sa part raconter une histoire sur les voies et les destinations que peuvent suivre les matières premières grâce à la fermentation, au développement d’arômes et aux méthodes de distillation – essentiellement, une histoire de science.

D’où le nom de Distillerie Fove, du latin fovere – qui signifie « réchauffer, chérir, entretenir ». Le terme fait référence tant à la fermentation qu’à la distillation du produit, ainsi qu’à la chaleur qu’on ressent en le buvant.

Corinne Cluis s’est intéressée à l’acerum, dont le goût est d’abord imbriqué dans l’identité québécoise, mais est transformé en un arôme complètement distinct de sa source, pouvant être développé en d’autres parfums en fonction des levures et techniques de fermentation utilisées.

Avec du temps et de nombreuses recherches, Corinne Cluis a ainsi créé plusieurs produits Fove : un acerum blanc fait de levure de champagne, qui donne de délicats arômes floraux agrémentés de notes de poire, de melon, voire de réglisse; et un acerum vieilli à partir de la levure utilisée pour confectionner la cachaça brésilienne, qui donne un alcool goûtant les fruits rouges bien mûris.

Jusqu’à présent, l’acerum reste un produit relativement peu exploité dans la province, avec seulement une dizaine de distillateurs qui le produisent sous différents angles et en appliquant diverses stratégies.

« Il y a le potentiel de bâtir quelque chose – ce n’est pas tous les jours qu’on trouve une nouvelle catégorie d’alcool à développer », note Corinne Cluis.

En raison de l’intérêt croissant du Québec pour les boissons complexes – y compris la production accrue de vin en raison des changements climatiques –, Corinne Cluis a réalisé que les gens se montrent plus enclins à participer au processus qui sous-tend un produit.

« En utilisant le sirop d’érable pour produire un alcool unique comme celui-ci, nous mettons de l’avant une ressource qui est singulière chez nous et qui fascine beaucoup les esprits. Il y a encore un gros potentiel éducatif à ce sujet. »

Corinne Cluis espère maintenant acquérir son propre espace pour continuer d’expérimenter et de cultiver sa passion pour les sciences en développant un nouvel alcool. Qui sait, ensuite, ce qui pourrait émerger de l’effervescence d’initiatives qu’elle a en tête – dont un programme de recherche axé sur son tout nouveau domaine, des études collaboratives avec les universités, et bien entendu, de nouveaux arômes à découvrir.



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