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Du terrain de jeu aux conseils d’administration : comment l’enfance et de l’adolescence façonnent les leaders de demain

Par Steve Granger


Votre premier code postal est plus révélateur que vous ne le croyez : il peut refléter votre probabilité d’accéder à un rôle de leader. Comprendre ce phénomène peut nous aider à définir l’origine du leadership et à revoir notre approche d’acquisition de talents, de développement du leadership et de responsabilité sociale d’entreprise.

Prenons l’exemple de Jeanne et de Michel. Jeanne, qui a grandi dans un milieu privilégié, a fréquenté une école privée élitiste, créé des liens sociaux dans un club de tennis huppé et passé de luxueuses vacances familiales.

En revanche, Michel a grandi dans un milieu plus modeste. Il a fréquenté l’école publique et occupé divers emplois pour gagner de l’argent de poche. Les antécédents socioéconomiques respectifs de Jeanne et de Michel leur ont apporté des occasions et des difficultés distinctes, ce qui a eu un effet considérable sur leur accès à un rôle de leader des dizaines d’années plus tard.

Malgré la croyance voulant que le leadership se développe sur le tard, notre recherche dévoile une autre perspective. En étudiant les facteurs de la petite enfance qui façonnent les leaders potentiels, nous avons découvert des éléments qui remettent en question cette vision classique du développement du leadership.

L’importance du statut socioéconomique

Nous avons examiné les données d’une étude sur une cohorte britannique portant sur plus de 7 000 personnes nées au Royaume-Uni entre le 11 et le 15 avril 1970 pour analyser l’effet de facteurs associés aux premières années de la vie sur les futurs leaders.

Notre analyse a révélé que le statut socioéconomique est un facteur déterminant pour le potentiel de leadership. En effet, le statut socioéconomique va au-delà de la situation financière. En plus d’ouvrir la voie à une éducation de qualité et à de vastes réseaux sociaux, un statut socioéconomique élevé augmente la probabilité que des événements positifs se produisent. Tous ces éléments enrichissent les aptitudes cognitives et interpersonnelles requises pour réussir dans des fonctions de leadership officielles.

Inversement, le fait de grandir dans un quartier défavorisé, de vivre dans un logement inadéquat et d’avoir des relations tendues nuit à la croissance personnelle, à l’éducation et à la réussite professionnelle en début de carrière.


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Toujours selon notre analyse, le statut socioéconomique entre la naissance et l’âge de cinq ans a des répercussions sur deux indicateurs connexes de réussite en matière de leadership : la maîtrise de soi à l’âge de 10 ans, puis le bien-être psychologique à 16 ans. Les personnes dotées d’un degré supérieur de maîtrise de soi et de bien-être psychologique sont les plus susceptibles d’occuper un poste de direction à 26 ans.

La combinaison d’un statut socioéconomique élevé à un jeune âge, d’une bonne maîtrise de soi et du bien-être psychologique jette les bases de la réussite en tant que leader à l’âge adulte. Lorsque ces conditions sont réunies, la probabilité d’accéder à un poste de direction plus tard dans la vie est considérablement accrue.

L’incidence du statut socioéconomique sur le développement du leadership est considérable, d’où l’importance d’un changement systémique au profit de tous les enfants et les adolescents, afin qu’ils puissent devenir des adultes épanouis, quelle que soit leur situation économique d’origine.

De l’enfance au leadership

On a découvert chez les participants de l’étude sur la cohorte britannique qu’il existait un lien entre l’origine socioéconomique et la maîtrise de soi à l’âge de 10 ans. S’inscrivant dans un ensemble de comportements volontaires acquis, la maîtrise de soi permet de gérer ses pensées, ses émotions et ses actions, ainsi que d’éviter les distractions et les tentations ou d’y résister. Tous ces comportements sont liés à la réussite à l’adolescence et à l’âge adulte.

Une bonne maîtrise de soi est associée à un niveau élevé de santé psychologique et physique, de scolarité, d’emploi et de bien-être financier. Les adolescents qui font preuve d’une bonne maîtrise de soi sont aussi plus susceptibles d’avoir des relations sociales et familiales positives, ce qui améliore leur perception de leur valeur personnelle aux yeux des autres.

Selon notre analyse, les enfants issus de familles aisées acquièrent souvent une meilleure maîtrise de soi que les autres. En effet, un statut socioéconomique élevé donne accès à des ressources et à des environnements favorables à l’autorégulation.

Ce phénomène s’explique par la capacité des familles aisées à s’offrir des activités parascolaires, des routines structurées et des outils éducatifs qui encouragent l’autodiscipline. En outre, les parents fortunés sont plus susceptibles de donner l’exemple en appliquant des stratégies de maîtrise de soi efficaces et de créer des environnements propices à l’adoption de ces comportements.

Parallèlement, les enfants provenant de milieux modestes, qui doivent se débrouiller avec peu de ressources et sans filet de sécurité, sont plus susceptibles d’avoir une faible maîtrise de soi. Ceux-ci sont davantage exposés à la criminalité, à la toxicomanie, à des relations sociales et familiales tendues, et à des problèmes de santé mentale comme l’anxiété et la dépression.

Les enfants de familles à faible revenu qui grandissent avec des camarades de familles aisées plutôt qu’avec des personnes de même statut socioéconomique risquent également de subir un « double désavantage » s’ils n’obtiennent pas suffisamment d’aide à l’école. Sans les ressources et le soutien dont profitent leurs camarades privilégiés, ces enfants pourraient connaître une destinée moins favorable sur le plan de la santé mentale, du comportement et de l’éducation.

Préparer les leaders de demain

Le leadership est-il inné ou acquis ? Le leadership ne prend pas racine exclusivement dans les qualités intrinsèques d’une personne, pas plus qu’il ne devrait être attribuable à un détail aussi aléatoire que le code postal à la naissance.

Il n’est pas facile d’éliminer les disparités sociales afin de donner à tous une chance égale en matière de leadership. Il reste qu’il est possible de prendre des mesures concrètes pour stimuler le potentiel de leadership au sein de tous les statuts socioéconomiques.

Moyens dont les entreprises disposent pour susciter le changement :

  1. Investir dans des programmes visant la petite enfance qui favorisent la maîtrise de soi et le bien-être psychologique, notamment pour les enfants provenant de milieux socioéconomiques marginalisés. De tels investissements aideraient les enfants de tous les milieux à acquérir les compétences fondamentales nécessaires pour devenir des leaders accomplis.

  2. Offrir des politiques de soutien à la famille, comme des services de garde en milieu de travail et des congés parentaux payés, à plus forte raison pour les parents à faible revenu. En plus d’alléger le fardeau économique des familles, ce type de politiques contribue à créer un environnement stable où les enfants peuvent s’épanouir et développer une aptitude au leadership.

  3. Revoir les critères de sélection pour les postes de direction afin de reconnaître et de récompenser la réussite dans l’adversité et l’implication communautaire. En valorisant un éventail d’expériences et d’antécédents, les entreprises peuvent repérer et encourager les leaders potentiels qui possèdent les qualités requises pour occuper un poste de direction.

Les entreprises ont un choix à faire : perpétuer un cycle de leadership associé au privilège ou créer des environnements propices au développement du leadership pour tous les enfants, quel que soit leur code postal. Elles ont le pouvoir d’élargir le bassin de candidats qualifiés et de façonner le leadership de l’avenir.La Conversation Canada

Nick Turner, Professor of Organizational Behaviour and Future Fund Chair in Leadership, Haskayne School of Business, University of Calgary; Julian Barling, Distinguished Professor and Borden Chair of Leadership, Smith School of Business, Queen's University, Ontario; Shani Pupco, Lecturer, Sprott School of Business, Carleton University et Steve Granger, Assistant Professor, John Molson School of Business, Concordia University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.




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