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Le Canada est en guerre commerciale avec les États-Unis – voici comment y faire face

6 mars 2025
|
Par Xiaodan Pan, Benny Mantin, Martin Dresner


 

Le président des États-Unis, Donald Trump, a officiellement imposé des droits de douane de 25 % sur les importations canadiennes et mexicaines, provoquant ainsi

une onde de choc chez les consommateurs et les entreprises du Canada.

Cette décision accroît les tensions déjà vives entre les pays et marque un changement important dans les relations économiques nord-américaines.

On s’attend à ce que la guerre commerciale qui débute ait d’importantes conséquences pour les particuliers et les entreprises des deux côtés de la frontière. Comment les Canadiens peuvent-ils traverser cette guerre commerciale et réduire ses répercussions financières ?

En tant qu’experts en gestion de la chaîne d’approvisionnement, nous souhaitons analyser les effets de ces barrières tarifaires et offrir aux Canadiens des stratégies qui les aideront à traverser les turbulences à venir.

Comment les consommateurs réagissent aux guerres commerciales

Lorsqu’ils commencent à entendre parler d’une éventuelle guerre commerciale, les consommateurs ont tendance à réagir en surveillant la situation.

Certains d’entre eux ont déjà commencé à stocker des produits dont les prix risquent d’augmenter ou qui pourraient venir à manquer à la suite de l’imposition des droits de douane.

Le stockage de grandes quantités de produits peut causer des pénuries. En outre, les manchettes montrant des tablettes vides peuvent renforcer cette perception, poussant encore davantage les gens à stocker en grande quantité.

Les achats motivés par la panique sont chose courante en temps de crise, comme on le voit à la veille d’un ouragan ou lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé.

Des défis à venir pour les consommateurs et les détaillants

L’éclatement d’une guerre commerciale forcera les consommateurs et les détaillants à s’adapter.

Des pénuries sont probables, car les produits prendront plus de temps à traverser la frontière en raison des nouvelles formalités d’importation. Ces retards, jumelés aux droits de douane plus élevés, pousseront certains détaillants à accroître leurs prix afin de couvrir les hausses de coûts. D’autres pourraient imposer des limites à l’achat de produits afin d’éviter de voir leurs tablettes se vider.

Certaines entreprises pourraient même profiter de la situation en augmentant les prix de produits qui ne sont pas visés par les nouveaux droits de douane afin de gonfler leurs bénéfices, une pratique connue sous le nom d’inflation par opportunisme et qui a été observée pendant la pandémie. Nous pourrions aussi voir de la réduflation, du néologisme « shrinkflation », soit une pratique commerciale consistant à réduire le poids d’une denrée tout en conservant son volume apparent afin de masquer une hausse des prix.

Certaines de ces pénuries pourraient se résorber du fait que les consommateurs changeront leurs habitudes et puiseront dans leurs réserves. Les marchands pourraient toutefois avoir du mal à gérer leurs stocks pour s’adapter à la demande fluctuante, un phénomène connu sous le nom d’effet coup de fouet. Ces changements imposeront donc de planifier judicieusement.

Les défis de l’achat local

La guerre commerciale déclarée par Donald Trump a eu pour effet d’accroître les appels à « acheter canadien » comme moyen de favoriser l’économie nationale.

Le gouvernement canadien a annoncé vouloir imposer lui aussi des droits de douane sur les produits américains pour lesquels existe un équivalent canadien. Le bourbon du Kentucky pouvant être remplacé par du whisky canadien et le jus d’orange de la Floride par du jus de pomme canadien.

Il pourrait toutefois s’avérer très ardu de remplacer la totalité des produits importés par des produits canadiens, car bon nombre d’agriculteurs et de manufacturiers ne sont tout simplement pas en mesure d’augmenter rapidement leur production afin de répondre à une hausse de la demande, du moins à court terme.

Les coûts de production peuvent aussi être nettement plus élevés au Canada qu’à l’étranger, ce qui constitue l’une des principales raisons de recourir aux importations. Un bon exemple en est la fabrication de vêtements, qui requiert beaucoup de main-d’œuvre et qui, pour cette raison, a été en grande partie délocalisée en Asie, où les coûts sont plus bas.

De manière générale, la productivité est plus élevée aux États-Unis qu’au Canada, ce qui contribue à réduire les coûts au sud de la frontière. En outre, certains aliments – fruits et légumes tropicaux notamment – ne peuvent tout simplement pas être produits ici.

En outre, les guerres commerciales créent de l’incertitude, laquelle rend les agriculteurs et les fabricants hésitants à faire des investissements substantiels qui pourraient n’être rentables qu’une fois le conflit commercial terminé. Si cette approche se résume à renoncer à des gains potentiels à court terme au profit d’une stabilité à long terme, elle a également pour effet d’augmenter les pénuries et les prix pendant et après le conflit.

La nouvelle normalité

Contrairement aux perturbations ponctuelles, comme les ouragans, ou aux dérèglements liés à une pandémie, l’issue d’une guerre commerciale est hautement imprévisible. Il est par conséquent difficile de prévoir de quoi la « nouvelle normalité » sera faite.

Il est évident que certains consommateurs qui choisissent des produits de marque nationale de préférence aux biens importés pourraient continuer de le faire à long terme. D’autres pourraient néanmoins se remettre à acheter des produits importés si les droits de douane sont éliminés et que les prix descendent.

Sachant cela, des producteurs canadiens pourraient décider de ne pas produire davantage pendant la guerre tarifaire, car il est possible que ceux qui le feront se retrouvent avec une capacité excédentaire et des surplus de stocks à la fin du conflit.

Par ailleurs, les fabricants et les détaillants qui augmentent leurs prix pour compenser les droits de douane pourraient décider de ne pas les réduire une fois les barrières tarifaires levées. C’est ce qui est arrivé avec le prix des aliments en conserve, qui a augmenté de façon considérable à la suite de l’imposition, par les États-Unis, de droits de douane sur l’acier en 2018.

Si les consommateurs acceptent les hausses de prix, que des rajustements sont apportés aux chaînes d’approvisionnement pour tenir compte des coûts plus élevés et qu’on tente de garder les marges bénéficiaires intactes, il est possible que le prix de base de l’ensemble des produits ait augmenté lorsque la guerre commerciale aura pris fin.

Survivre à la guerre commerciale

Comment le Canada peut-il se protéger au mieux des effets de la guerre commerciale ? Il est facile de répondre qu’il suffirait d’accroître notre autonomie. Or, il s’agit là d’une solution coûteuse qui exige des technologies, une main-d’œuvre qualifiée et des investissements en capital.

Par conséquent, cette option ne vaut que pour les produits de première nécessité, comme certains médicaments et aliments. Il faut donc aussi envisager d’autres stratégies :

  1. Renforcer la résilience de la chaîne d’approvisionnement : s’approvisionner auprès de nombreux fournisseurs et maintenir des stocks de produits essentiels peut avoir pour effet de gonfler les stocks et les coûts d’achat, mais aussi de réduire les risques, car ainsi les entreprises peuvent affronter les perturbations à court terme dans la chaîne d’approvisionnement et sont mieux en mesure de survivre à une guerre commerciale.

  2. Communiquer ouvertement : les gouvernements et les commerçants devraient tenir le public au courant de l’état des négociations, des nouvelles grilles tarifaires et des changements de prix potentiels afin de faire taire les rumeurs qui poussent les gens à faire des achats sous le coup de la panique et à stocker de grandes quantités de produits. La transparence permet aux gens de prendre des décisions d’achat éclairées.

  3. Protéger les consommateurs à faible revenu : les détaillants devraient limiter la quantité des produits de base qu’il est possible d’acheter afin d’éviter les pénuries et le stockage excessif. Les gouvernements devraient également envisager d’accorder des allègements fiscaux et des subventions aux personnes de condition modeste afin d’alléger le poids des prix plus élevés découlant des droits de douane.

Les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement entraînent inévitablement des coûts plus élevés et des pénuries, souvent au détriment des ménages à faible revenu. Même une fois que la guerre commerciale aura pris fin, il est possible que les prix maintenant plus élevés deviennent la nouvelle norme.

Afin de réduire les conséquences des droits de douane sur la population, les gouvernements et les entreprises doivent adopter des politiques qui réduisent le fardeau financier des gens les plus touchés et se soldent par une situation plus équitable pour tous.The Conversation

Xiaodan Pan, Associate Professor, John Molson School of Business, Concordia University; Benny Mantin, Professor of Logistics and Supply Chain Management, Director of the Luxembourg Centre for Logistics and Supply Chain Management, University of Luxembourg, and Martin Dresner, Professor, Logistics, Business and Public Policy, University of Maryland

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.




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