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Le télétravail, facteur clé dans la prévention de l’épuisement professionnel

27 février 2025
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Par Claudine Mangen


 (Shutterstock)

L’épuisement professionnel continue de toucher une grande partie de la main-d’œuvre canadienne, et la situation n’a guère évolué depuis 2023, où entre un quart et un tiers des Canadiens ont déclaré en souffrir.

Selon de récents travaux menés dans plusieurs domaines, notamment la santé publique et les soins de santé, l’épuisement professionnel est plus souvent causé par des pratiques organisationnelles et les contraintes qui en découlent (exigences de travail élevées ou épuisement émotionnel) que par des problèmes personnels.

Selon un rapport du Boston Consulting Group datant de juin 2024, 52 % de la population canadienne est aux prises avec l’épuisement professionnel. Un autre rapport de Recherche en santé mentale Canada apporte des précisions à ce sujet, dévoilant que 24 % des Canadiennes et Canadiens se sentent épuisés au travail « la plupart du temps » ou « toujours », et 42 % se disent « parfois » épuisés professionnellement. Seuls 9 % déclarent ne jamais se sentir professionnellement épuisés.

Du reste, la plate-forme d’emploi Glassdoor a enregistré une importante hausse des discussions sur l’épuisement professionnel. Jusqu’à récemment, les personnes qui publiaient des commentaires sur leurs employeurs abordaient rarement le sujet. Or, on constate aujourd’hui une augmentation de 44 % des témoignages parlant d’épuisement professionnel par rapport à 2020.

Face à ce problème persistant, les Canadiennes et Canadiens prônent de plus en plus le travail à distance pour éliminer certaines causes d’épuisement professionnel. Ainsi, en août 2023, un employé sur quatre souhaitait pouvoir faire davantage de télétravail.

Avantages de concilier travail et vie personnelle

Les études montrent que le télétravail offre davantage d’autonomie, de temps et de souplesse, ce qui permet de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle, en plus de réduire les risques d’épuisement professionnel.

L’un des principaux avantages du télétravail est de gagner du temps en évitant les déplacements entre le domicile et le lieu de travail. Les télétravailleurs économisent en moyenne plus d’une heure par jour, et plus précisément 72 minutes par jour à Toronto, 64 minutes à Montréal et 60 minutes à Vancouver.

Le travail à distance réduit également le temps passé à se préparer pour le travail, notamment pour les femmes, qui consacrent 24 minutes de moins à ces préparatifs par rapport aux non-télétravailleuses.

Un groupe de personnes assises à une table de conférence regarde un écran fixé au mur affichant un appel vidéo avec plusieurs personnes
Les Canadiennes et Canadiens prônent de plus en plus le télétravail afin d’éliminer certaines causes d’épuisement professionnel. (Shutterstock)

Le temps gagné grâce au télétravail permet de se concentrer sur d’autres activités qui améliorent le bien-être général, comme prendre soin de soi, lire, faire du sport ou récupérer des heures de sommeil. Comparativement aux non-télétravailleurs, les travailleurs à distance consacrent 23 minutes de plus à leur sommeil, et 30 minutes de plus à des loisirs.

Grâce au travail à distance, les gens peuvent prendre plus facilement soin d’eux et des autres, ce qui est bénéfique pour la santé et réduit les risques d’épuisement professionnel. D’ailleurs, les personnes qui travaillent à distance sont 12 points de pourcentage plus satisfaites que les non-télétravailleurs.

À l’inverse, les personnes qui doivent se rendre au bureau sont davantage sous pression ; elles déclarent passer moins de temps avec leur famille et leurs amis, manquer de sommeil et vivre un stress plus intense. Le télétravail aide à surmonter ces défis et à offrir une expérience professionnelle plus équilibrée et plus satisfaisante.

Alléger les responsabilités des personnes aidantes

Pour les parents et les personnes aidantes, le télétravail assure la souplesse nécessaire pour mieux équilibrer les responsabilités familiales et réduire les niveaux de stress — donc prévenir l’épuisement professionnel. Lorsque les gens travaillent à distance, ils passent 1,2 heure de plus à s’occuper de leurs enfants que lorsqu’ils travaillent en présentiel.

L’un des plus grands atouts du télétravail est l’autonomie qu’il procure. Les parents peuvent structurer leurs journées en fonction de leurs autres responsabilités — aller chercher les enfants à l’école ou répondre à d’autres besoins familiaux — tout en accomplissant leur travail aux heures qui cadrent le mieux avec leur emploi du temps personnel.

Cette souplesse est tout particulièrement essentielle pour les femmes, qui continuent d’assumer une part disproportionnée des tâches de soins et risquent presque deux fois plus que les hommes d’occuper un emploi à temps partiel. Les femmes sont également plus susceptibles de travailler selon un modèle hybride : en février 2024, 27,8 % d’entre elles fonctionnaient en mode hybride, contre 22,4 % des hommes.

En revanche, le travail en présentiel complique souvent les tâches de soins en obligeant les parents à coordonner leurs horaires et à jongler avec leurs responsabilités.

Améliorer l’équité

Les modalités de travail flexibles sont par ailleurs très avantageuses pour les personnes handicapées. En 2022, 35,4 % des salariés canadiens ayant une incapacité avaient besoin d’au moins une mesure d’adaptation dans leur lieu de travail. Or, une grande partie de ces besoins reste à combler.

Les principaux besoins insatisfaits sont le travail à la maison (10,9 %) et la modification des horaires de travail (16,3 %). Parmi les employés nécessitant des mesures d’adaptation, environ une personne ayant une incapacité sur cinq n’a pas bénéficié des ajustements nécessaires en matière de télétravail ou d’aménagement d’horaire.

Ce manque de soutien a de graves conséquences. Nombre de personnes ayant une incapacité souffrent d’un épuisement professionnel causé par la fatigue émotionnelle et le cynisme lorsqu’elles fréquentent des lieux de travail qui ne répondent pas à leurs besoins. Pour remédier à ce phénomène d’épuisement, il faut mettre en place des mesures d’adaptation comme des horaires de travail flexibles et le télétravail.

Les entreprises dirigées par des personnes ayant une incapacité sont plus susceptibles d’offrir des mesures d’adaptation, dont le travail à distance ; un leadership inclusif est donc essentiel pour combler les lacunes observées.

Une solution gagnant-gagnant

Le travail à distance, en particulier les formules hybrides, peut profiter à la fois au personnel et aux employeurs, car il favorise la santé de la main-d’œuvre et prévient l’épuisement professionnel tout en maintenant les profits des entreprises.

D’après une étude publiée dans Nature, le travail hybride est tout aussi productif que le travail en présentiel ; il améliore en outre la satisfaction au travail et contribue à prévenir les démissions. Ces avantages sont particulièrement importants pour les femmes et les personnes qui habitent loin de leur bureau.

Les employeurs ont répondu — quoique graduellement — à la demande croissante de flexibilité. Le pourcentage de personnes travaillant en mode hybride a plus que triplé, passant de 3,6 % en janvier 2022 à 11,4 % en février 2024, sans compter 13,5 % de personnes travaillant exclusivement de chez elles.

Les travailleuses et travailleurs privilégient de plus en plus les emplois qui offrent autonomie et équilibre, et les entreprises qui refusent de s’adapter risquent de perdre du personnel. Alors que l’épuisement professionnel continue de sévir au sein de la population active, les formules de travail à distance et hybride proposent une solution prometteuse pour créer un avenir plus sain et plus équilibré pour la main-d’œuvre canadienne.The Conversation

Claudine Mangen, RBC Professor in Responsible Organizations and Full Professor, Concordia University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.




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