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Le secteur privé canadien sera-t-il à la hauteur de l’action climatique à la COP29?
Cet article a été publié dans Le Devoir.
Alors que les dirigeants mondiaux et les défenseurs du climat se réunissent à Bakou pour la COP29, une chose est claire : le secteur privé canadien est à un tournant décisif. Sera-t-il capable de relever le défi et de transformer ses promesses en actions concrètes, ou manquera-t-il l’occasion de faire avancer la lutte climatique ? Avec des politiques climatiques ambitieuses et un secteur privé représentant environ 75 % du PIB national, le Canada dispose d’un levier économique unique pour influer sur le changement. Mais le fossé entre les discours et les résultats reste criant.
Si certaines entreprises montrent l’exemple, d’autres s’appuient sur des engagements superficiels et du greenwashing. À la COP29, le secteur privé canadien doit saisir l’occasion de devenir un moteur du progrès climatique, au lieu de rester en retrait.
Malgré leurs déclarations publiques en faveur de la durabilité, de nombreuses entreprises canadiennes ne parviennent pas à aligner leurs actions sur leurs engagements. Bien qu’elles investissent des milliards dans des initiatives de finance durable, la Banque Royale du Canada (RBC) et la Banque TD continuent de financer massivement les projets liés aux énergies fossiles, sapant leur crédibilité climatique. L’utilisation de matériaux dérivés des combustibles fossiles par le géant du textile Lululemon Athletica va à l’encontre de son initiative « Be Planet ». Malgré ses efforts pour réduire les plastiques à usage unique, la chaîne de cafés Tim Hortons reste l’un des plus grands pollueurs plastiques au Canada.
Ces exemples mettent en lumière un problème récurrent : le greenwashing. Sans transparence et responsabilité, ces pratiques sapent la confiance et retardent les progrès réels.
Certaines entreprises canadiennes incarnent un véritable leadership climatique. Grâce à son fonds pour la durabilité, Shopify investit dans des technologies innovantes d’élimination du carbone, comme la capture directe de l’air et le biochar, jouant un rôle clé dans le développement de solutions carboneutres. En tant que l’un des plus grands investisseurs mondiaux dans les énergies renouvelables, Brookfield Asset Management gère plus de 125 milliards de dollars en projets verts. Première grande entreprise alimentaire au monde à atteindre la neutralité carbone, Maple Leaf Foods a réduit son intensité d’émissions de plus de 30 % depuis 2015 grâce à des pratiques durables et à des efforts d’efficacité énergétique. Avec sa technologie satellitaire de pointe, GHGSat fournit une surveillance précise des émissions de gaz à effet de serre, permettant aux industries et aux gouvernements d’agir de manière mesurable et efficace.
Ces exemples illustrent que l’intégration de la durabilité dans les opérations principales est non seulement réalisable, mais porteuse d’un impact significatif. Pour que le secteur privé canadien prenne les devants, il doit adopter des approches innovantes et transformatrices.
Lier les rémunérations des dirigeants à l’action climatique. En liant les primes des cadres à la performance environnementale, comme le fait Unilever, les entreprises peuvent rendre leurs dirigeants directement responsables de la durabilité.
Collaborer sur des budgets carbone et s’associer à des initiatives mondiales. Travailler avec les gouvernements pour définir des budgets carbone sectoriels renforcera la responsabilité.
Rejoindre des initiatives comme le Science Based Targets Initiative ou RE100. Cela aide à aligner les pratiques canadiennes avec les normes internationales.
Adopter l’économie circulaire. Des entreprises comme Loop Industries montrent que transformer les déchets en matériaux réutilisables est non seulement possible, mais rentable. Les entreprises canadiennes devraient repenser le cycle de vie de leurs produits pour réduire les déchets et répondre à la demande croissante de produits durables.
Utiliser des données pour garantir la transparence et la responsabilité. Des technologies comme l’intelligence artificielle et la surveillance satellitaire permettent de suivre précisément les émissions et de valider les revendications en matière de durabilité. Les entreprises doivent investir dans ces outils pour rester compétitives et responsables.
Renforcer la résilience locale. Localiser les chaînes d’approvisionnement réduit les émissions et soutient les économies régionales. Former les travailleurs à des emplois verts garantit que le secteur est prêt pour la transition vers une économie à faible émission de carbone.
Tout cela ne peut pas se faire de façon isolée. Les efforts du secteur privé doivent s’aligner sur des initiatives gouvernementales, comme le Régime de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre ou le Règlement sur les combustibles propres. En collaborant, entreprises et décideurs pourront maximiser leur impact.
Le secteur privé détient un pouvoir immense pour façonner l’avenir climatique du Canada. Mais avec ce pouvoir vient une responsabilité. À la COP29, les entreprises canadiennes doivent choisir : maintenir le statu quo ou adopter des actions audacieuses qui redéfinissent les industries et établissent un exemple mondial. Les enjeux sont trop élevés pour se contenter de moins.