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Et si les droits de douane américains étaient là pour durer?

3 avril 2025
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Par Steven High

Source: Media Relations

Cet articlé a été publié dans Le Devoir.

À l’approche des élections fédérales, tout indique qu’il faudra choisir entre le mondialisme néolibéral de Mark Carney et le populisme nihiliste aux relents de « guerre culturelle » des conservateurs de Pierre Poilievre.

À ce contexte s’ajoute la menace imminente découlant des ambitions territoriales de Donald Trump à l’égard du Canada. Cette guerre économique acharnée menée contre notre pays semble destinée à convaincre la population canadienne de capituler devant l’annexion.

Pour l’heure, les Canadiens refusent de céder, mais la douleur économique reste à venir.

Le fait que près de 10 % de nos compatriotes — presque tous des sympathisants du Parti conservateur ou du Parti populaire du Canada — sont déjà favorables à l’annexion de notre pays par les États-Unis est plus que préoccupant.

Beaucoup voient M. Carney comme l’homme de la situation, compte tenu de ses compétences dans le domaine de l’économie et de son expérience de la gestion des crises économiques qu’il a acquise en tant que gouverneur de la banque centrale du Canada et de la Banque d’Angleterre. Nous vivons une époque dangereuse et nous avons franchement besoin d’un dirigeant à la hauteur.

Bien entendu, l’objectif premier est jusqu’à présent de convaincre les États-Unis de faire marche arrière. Les représailles tarifaires du Canada sont donc dosées de manière à exercer une pression politique maximale tout en limitant les inconvénients pour les consommateurs canadiens. L’initiative volontaire d’achat de produits canadiens est également en train de prendre forme, donnant aux Canadiens la possibilité de participer à la défense économique de notre pays.

Mais les responsables politiques de tous horizons sont restés vagues sur la situation à long terme. Quelles options s’offrent à nous si les droits de douane américains sont là pour durer ?

Si tout le monde s’accorde à dire que nous devons diversifier nos marchés d’exportation dans le secteur manufacturier, personne n’a précisé comment nous pourrions y parvenir dans un monde caractérisé par des blocs commerciaux et une forte concurrence ayant pour effet d’écraser les salaires. Et la nouvelle guerre froide menée contre la Chine, notre deuxième partenaire commercial, réduit encore plus nos options.

Voici les trois scénarios les plus probables :

1. Retour vers le futur. Certains proposent que le Canada revienne à une production essentiellement destinée au marché intérieur, comme c’était le cas avant la libéralisation du commerce mondial et le libre-échange avec les États-Unis. Or, à cette époque, les usines américaines implantées au Canada, qui dominaient notre économie, étaient modestes et inefficaces. Le développement de l’industrie manufacturière canadienne est un défi majeur, tout comme la détermination du rôle de l’État dans notre économie en mutation.

2. Se tourner vers l’Europe. D’autres espèrent voir le Canada adhérer à l’Union européenne. Même si ce rapprochement offrirait une sécurité politique et un accès au marché hautement souhaitable, il est peu probable que les pays européens y consentent. Le fait de vivre de l’autre côté de l’océan, loin de l’Amérique de Trump, a ses avantages. Certes, si le Royaume-Uni ne parvient pas à conclure un accord de libre-échange global avec les États-Unis, le Canada et lui pourraient nouer de nouvelles relations. Mais cette possibilité a des limites.

3. Rivaliser avec la concurrence dans l’économie mondiale. La troisième possibilité, qui est d’ailleurs la plus probable, est celle de voir se poursuivre avec encore plus d’élan une mondialisation néolibérale qui fait baisser les salaires et les impôts et qui sape l’État régulateur. D’ores et déjà, libéraux et conservateurs promettent des réductions d’impôt au nom de la compétitivité à l’échelle mondiale et d’un « climat des affaires » propice aux investissements. Or, il s’agit d’une promesse irresponsable compte tenu du contexte d’incertitude dans lequel nous nous trouvons. Cette approche nous a conduits à l’extrême disparité des revenus et au ressac populiste que nous observons aujourd’hui. Pouvons-nous nous permettre de poursuivre dans cette voie ?

Nous devons demander aux chefs de parti de nous présenter leur vision économique à long terme pour le pays. Nous devons également savoir ce qu’ils ont l’intention de faire pour atténuer les répercussions de la vaste réforme économique qui s’annonce. Est-ce que ce sont encore une fois les gens de la classe ouvrière qui en subiront les contrecoups économiques, ou ceux-ci seront-ils cette fois plus équitablement répartis ?

Malheureusement, force est de constater que la gauche politique s’est pratiquement effondrée. Un contrepoids idéologique est donc plus que jamais nécessaire. Le Bloc québécois n’est plus le parti progressiste de Gilles Duceppe. Quant au Nouveau Parti démocratique, sa décision insensée d’évincer Thomas Mulcair de son poste de chef après une seule défaite électorale l’a mené au bord du gouffre de l’oubli politique.




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