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L’embauche fondée sur l’EDI et celle fondée sur le mérite ne sont pas des concepts opposés
Cet articlé a été publié dans Le Devoir.
Laissons de côté les tarifs douaniers pour un moment et intéressons-nous à une autre importante initiative de Donald Trump : l’élimination des pratiques d’embauche fondées sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI). Son raisonnement est le suivant : au lieu de privilégier l’EDI, nous devrions revenir à des pratiques d’embauche « fondées sur le mérite ».
D’abord, examinons de plus près ce que ces approches signifient en réalité.
L’approche fondée sur l’EDI part du principe que certains groupes ont longtemps été désavantagés sur le marché du travail. Son objectif est de veiller à ce que des personnes d’origines diverses et souvent marginalisées bénéficient d’un accès équitable aux possibilités d’emploi.
L’approche « fondée sur le mérite », quant à elle, prône une embauche basée uniquement sur les titres, les compétences et les « mérites » des personnes candidates.
Dans le débat public, ces perspectives sont souvent réduites à des caricatures. Les uns disent : « Il faut embaucher la personne la plus qualifiée pour le poste ! », ce à quoi ils se font répondre : « C’est donc que vous êtes raciste ou sexiste ». L’autre camp dit : « Il faut donner sa chance à tout le monde ! » et se fait répondre : « Alors, vous voulez des gens incompétents ? ».
Or, il s’agit là d’une fausse dichotomie.
Cette façon de voir les choses suppose que les principes d’EDI et l’embauche fondée sur le mérite sont incompatibles. Si vous privilégiez la diversité, vous sacrifiez la qualité. Si vous priorisez la qualité, vous ne pouvez pas embaucher une personne candidate issue de la diversité. Cette idée n’est pas seulement erronée, elle repose sur des hypothèses tendancieuses à propos de ce qu’on considère comme une « personne compétente ».
En réalité, pour recruter la meilleure personne, il faut tenir compte à la fois du mérite et de l’équité. Les employeurs devraient se poser les questions suivantes : comment désigner la personne la plus compétente pour le poste ? Et comment reconnaître les atouts uniques des différents candidats ?
Dans le monde d’aujourd’hui, la diversité est un argument commercial de taille. Les équipes diversifiées sont plus innovantes, plus créatives et plus aptes à résoudre des problèmes complexes. Mais force est d’admettre que recruter n’est pas une mince tâche. Même avec les processus de recrutement les plus rigoureux, la probabilité de prédire correctement la réussite professionnelle dépasse à peine 50 %. Et nous ne saurons d’ailleurs jamais dans quelle mesure les personnes candidates que nous n’avons pas embauchées auraient pu réussir. Peut-être auraient-elles été encore plus performantes !

Dans ce contexte d’incertitude, les pratiques fondées sur l’EDI présentent un avantage certain : l’humilité.
Elles nous poussent à remettre en question nos hypothèses et à élargir notre vision du mérite.
Le mérite n’est pas un concept figé ou purement objectif. Les paramètres classiques comme les diplômes, les titres de poste et les références ne sont qu’une partie de l’équation. La réussite dépend également de l’adaptabilité, de la créativité, de la résilience et de la capacité à travailler en tenant compte de différents points de vue. Une approche véritablement fondée sur le mérite tient compte de tous ces éléments.
Prenons l’exemple suivant : vous souhaitez recruter quelqu’un pour diriger les activités commerciales de votre entreprise dans plusieurs pays. Vous cherchez une personne qui comprend le fonctionnement des différentes cultures et qui possède une expérience internationale.
Posez-vous maintenant la question suivante : cette embauche est-elle fondée sur le mérite ou sur la diversité ?
Ce pourrait être les deux. Les qualités qui font d’une personne la « meilleure » candidate peuvent être précisément liées à la diversité des perspectives qu’elle apporte. La diversité de ses expériences constitue en soi une forme de mérite.
Bien sûr, nous voulons tous recruter la meilleure personne possible. Mais les meilleurs candidats ne viennent pas tous du même milieu. Embaucher en ayant à l’esprit à la fois l’équité et l’excellence permet de s’assurer que tout le monde a les mêmes chances et que les décisions d’embauche sont basées sur des processus structurés et transparents.
Voilà ce qu’est l’équité. C’est affirmer expressément que nous prenons en compte toutes les perspectives parce que nous avons besoin de tout le monde. C’est signifier que le recrutement est fondé sur des compétences reconnues, de sorte qu’on ne suppose pas qu’une personne a été recrutée uniquement en raison de son identité, et aussi pour s’assurer que personne ne se sent exclu pour les mêmes raisons.
Cette approche permet d’instaurer un climat de confiance, de renforcer l’équité et de faire avancer les choses ensemble.