A.Ilegades
24 juillet - 25 août, 2023
Vernissage: 27 juillet, 2023, de 17 h à 19 h
Commissariée par María Andreína Escalona De Abreu
Assistant.e. curatorial.e : Pierina Corzo-Valero
Texte curatoriale
A.llegades
a: préfixe
- Signifie proximité, contiguïté ou intensité.
- opposition, manque ou privation de quelque chose.
llegado/llegada/llegade (arrivé): participe passé du verbe “llegar” (arriver).
allegado/allegada/allegade (proche, parent): adjectif.
- Se dit d'une personne : proche d'une autre par la parenté, l'amitié, le soin ou la confiance.
- Arg., Chili, P. Rico et Ur. Se dit d'une personne qui vit temporairement dans la maison de quelqu'un d'autre, généralement sans avoir de lien de parenté avec le propriétaire.
*L'utilisation de "e" remplace les terminaisons de genre "o" et "a" en espagnol pour un titre inclusif conforme à la révolution linguistique dans les pays d'Amérique latine.
Parfois enveloppé.e.s dans la même feuille, souvent sous le même nom, parfois erroné.e.s parfois errant.e.s, un jour arrivé.e.s, maintenant allegades.
À travers le thème « ensemble dans la diaspora », j’examine en collaboration avec un groupe de huit artistes des questions identitaires et esthétiques liées à notre arrivée, qu'il s'agisse de l'arrivée dans notre ville d'accueil sur le territoire non cédé Tiohtià:ke/Montreal, ou de l'arrivée dans les communautés latinx. En tant qu'immigrants de première et de deuxième génération, originaires du Chili, de la Colombie, du Mexique et du Venezuela, nous sommes arrivé. e. s. à des rythmes différents, à des moments différents, dans des contextes différents et dans des emballages différents, nous sommes a.llegades.
Dans le contexte multiculturel canadien qui est divisé entre deux cultures linguistiques, les parcours migratoires des artistes et le mien sont imbriqués de manière singulière. Nous ne nous connaissions pas, mais nous avons des liens en commun. Nous ne créons pas de la même manière, mais nous gravitons autour de préoccupations et d'expériences similaires. Le processus de migration ne s'arrête jamais, et c'est dans cet espace liminal que nous nous sommes trouvés.
Incarnant qu'une fraction de la diaspora latinx et réunie sous le terme latinx/latine/latinos, les œuvres de cette exposition révèlent un désir d'entretenir ou de repenser les liens que nous préservons avec notre culture d'origine et son héritage. Au fil du temps, nous avons observé que nos liens culturels se transformaient en réaction avec le contexte multiculturel canadien qui est partagé entre deux cultures linguistiques. Cela provoque un pivot matériel qui s'infiltre dans notre vie quotidienne et se manifeste dans l'art que nous créons. Dans cet esprit, A. llegades présente des œuvres allant du textile au textuel, du sculptural au narratif, et du performatif au participatif - tous soulignant la résilience matérielle.
À la portée de touste, le dépliant d'exposition est une offrande pour le public et pour les artistes. Fabriqué avec les feuilles de plantain récupérées lors de notre première rencontre où nous avons cuisiné ensemble des hallacas (un plat traditionnel vénézuélien) et mélangé avec de l'abaca, des feuilles de maïs et les étiquettes provenant de l'exposition précédente, ce cadeau est une manifestation physique de l'intentionnalité de nos rencontres. Accompagnés de musique, de hallacas, d'arepas, de mezcal, de yucca et de mangues, nos dîners de groupe et nos réunions individuelles nous ont permis de nous rapprocher et d'approfondir notre compréhension sur les manières dont l'affect et la résilience se traduisent dans nos pratiques et dans notre vie quotidienne.
En examinant l'œuvre de Sarabeth Triviño, on peut reconnaître le jute et la laine comme étant le fil conducteur des histoires et des parcours des femmes migrantes, tandis que les vêtements personnels collectés et transformés par Denise A. Olivares créent de nouveaux chemins vers de futures amitiés. En revanche, pour Emiliano Moreno Quesada, l’autoportrait et la subtilité dand le design constituent une assise afin de réfléchir à l'ambiguïté de l'identité ; parallèlement, le portrait du chanteur colombien J Balvin (the business) dans l'œuvre de Juan Pablo Hernández Gutiérrez critique et s'inspire de la surreprésentation et du consumérisme, faisant allusion à la « mauvais image » de Hito Steyerl. Poursuivant le dialogue sur les effets de la mondialisation, la gravure sur bois d'Armando Rivas, logée dans le mur de la galerie, dénonce la dure réalité de la main-d'œuvre immigrante ; alors qu’en face, l'installation et le travail collaboratif d'Elsy Zavarce offrent une relecture pleine d'espoir des histoires d'immigration, ces œuvres font toutes deux allusions à la résilience matérielle de nos communautés. Enfin, la tentative nostalgique de Marguerite Marion-Reyes de retrouver les silhouettes des Andes dans les panoramas urbains de Montréal, et l’attention sur le paysage et le sol à travers la céramique d'Armando Cuspinera, invitent le public à réfléchir sur le déplacement, le processus d'intégration dans un nouvel environnement et les liens émotionnels avec la terre, au travers de la perspective d'un. e migrant. e d'origine latinx-américain.e.
Cette exposition collective et intergénérationnelle découle de la question « Comment vivez-vous votre latinité à Montréal ? » Les réponses diverses, tant des artistes que du public se retrouve peut-être à l'intérieur de cette galerie, ou en les traces encodées dans les feuilles de plantain et le papier fait à la main. Peut-être que dans ces mots, au-delà des réponses, nous ne trouvons que des indices, ou encore plus de questions.
J'ai conçu cette exposition avec soin et admiration dans le cadre de la résidence en commissariat offerte par la Galerie FOFA de l'Université Concordia. Je ne peux que m'émerveiller des liens et des affinités tissés au cours de ce processus. Je remercie du fond du coeur Armando, Juan Pablo, Marguerite, Emiliano, Denise, Armando, Sarabeth et Elsy, ainsi que les autres personnes qui me sont désormais allegades : mon assistante et confidente, Pierina Corzo-Valero, mon équipe fabuleuse : Nicole Burisch, Geneviève Wallen, Jasmine Sihra, Laurence Poirier, Joé Côté-Rancourt et Philip Kitt pour leur confiance et leur soutien depuis le début. Merci à eunice bélidor d’avoir créé cette opportunité.
Programmation à venir
- Free mending workshop with Elsy Zavarce: Aug. 3rd, 2023, 2 pm to 5 pm
- Artist talk: Aug. 17th, 2023, 5 pm to 6 pm
- Finissage: Aug. 25th, 2023, 5 pm to 7 pm
ARTISTES PRÉSENTÉ.E.S
Courtesy of the artist
Bio
Armando Cuspinera (1994) est un artiste et designer mexicain qui se concentre sur la relation entre l'homme et la nature à travers la reconception sculpturale d'objets et leur fonction dans la vie quotidienne. Il a obtenu une licence en beaux-arts à l'Universidad De Las Americas Puebla (UDLAP), puis une maîtrise en design industriel à l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Il a participé à des expositions collectives telles que le XLII Encuentro Nacional de Arte Joven de Aguascalientes (2022) et la 00 Biennale de La Havane (2018).
La recherche de Cuspinera part de la relation avec l'altérité, parfois avec d'autres humains, d'autres espèces ou d'autres éléments de l'écosystème, et prend en considération la façon dont un objet, une circonstance ou une action devient un point de rencontre. En réfléchissant à l'échelle, à la matérialité et au symbolisme, il conçoit des objets sculpturaux à travers lesquels l'homme est lié et impliqué dans d'autres êtres vivants et dans les écosystèmes dans lesquels ils se trouvent. Il s'intéresse à la manière dont le traditionnel et le technologique peuvent être intégrés dans de nouvelles propositions, dans une perspective écocentrique.
Description de projet
Cette série de sculptures s'inspire des contours distinctifs des montagnes, des volcans et des collines. L'œuvre explore le concept de géographie transitoire, émergeant d'une délocalisation dans un pays étranger et le processus de s’y établir. Ces formes sculpturales incarnent un sens profond de la monumentalité, envisageant un paysage dynamique et en constante évolution. Chaque pièce de la série évolue de manière différente en s'adaptant à son environnement naturel et en subissant un processus d'érosion graduel. Au fil du temps, les sculptures s'intègrent parfaitement à leur milieu, transitionnant de représentations de paysages fictifs à des composantes organiques originaires des écosystèmes qu'elles habitent.
Courtesy of the artist
Bio
Juan Pablo Hernández Gutiérrez est un artiste qui vit à Tiohtià:ke (Montréal). Il poursuit un baccalauréat en peinture et dessin à l'Université Concordia. Il a récemment participé à des expositions collectives telles que Une anatomie de la bienveillance apocalyptique à la FOFA Gallery en 2023. Hernández Gutiérrez a également participé à une résidence dans le cadre du Lab Program à Mexico (2022) et il a dirigé un atelier intitulé « Materialities in Futbol, Football, Soccer » dans le cadre du Montréal Monochrome organisé à Articule (2022).
Description de projet
No se ve (The business, J balvin) s'approprie une image du chanteur colombien J Balvin trouvée sur Internet, la matérialise sur une surface en polyester et la présente à l'envers. À travers ces gestes de vol et de réaffectation, je matérialise et explore le potentiel avant-gardiste de l'image "pauvre" (telle que théorisée par l'artiste Hito Steyerl) à travers un rendu compressé de faible qualité et luminosité. La surface de l'œuvre est constituée de marchandises de soccer de contrebande. Les caractéristiques du tissu léger, malléable et à séchage rapide, ainsi que l'image de J Balvin, résonnent avec les impératifs techno-capitalistes de vitesse, de production de masse et de distribution rapide de produits de mauvaise qualité. L'image et la surface partagent ainsi un lien de parenté. En m'appropriant l'art du tifo (grandes chorégraphies visuelles réalisées par les supporters dans les tribunes des stades), et en présentant l'image à l'envers comme une forme de subversion, je positionne l'œuvre comme la rivale de l'image elle-même. La pièce propose une contemplation immersive invitant le public à analyser de manière critique l'absurdité de ce qui compose No se ve (The business, J balvin).
Bio
Marguerite Marion-Reyes est une artiste visuelle et éducatrice canado-chilienne qui poursuit actuellement une maîtrise en enseignement des arts à l'Université Concordia. Son travail est lié à son expérience de déplacement continuel d'un pays à un autre et à sa quête d'un foyer et d'appartenance. Marion-Reyes travaille principalement en sculpture et installation, où les souvenirs transitoires sont destinés à être maintenus en vie, évoquant des lieux nostalgiques et imaginaires. Suivant son déménagement à Montréal, sa pratique a transitionné vers l'art vidéo, où la superposition et le dessin ont ouvert de nouvelles possibilités pour explorer la nostalgie, le deuil paysagé et la création d'espaces liminaux.
Description de projet
Pour créer cette vidéo, j'ai demandé à 11 personnes vivant actuellement au Chili : Comment imaginez-vous votre vie quotidienne sans la Cordillère des Andes? À partir de ces réponses, j'ai élaboré une histoire composite. Et puis, j'ai simultanément enregistré une promenade dans les rues de Montréal au cours de laquelle j'ai filmé les éléments les plus hauts de la ville. À la recherche d'une fondation et d'une connection avec la ville, cherchant ma propre boussole, je regardais vers le haut, comme si les bâtiments étaient des pics montagneux. En reliant l'histoire des Chiliens à la vidéo de marche, je trace une ligne ; une ligne qui s'unit, se transforme et mute au fur et à mesure que j'avance ; une ligne qui écoute et voit autour d'elle ; une ligne qui devient une montagne. Un lieu imaginaire émerge du dessin, un entre-deux. De cette ligne et de l’hybridité de deux lieux naît Aquí y Allá (Ici et Là), une installation collaborative qui invite les gens à dessiner et à écrire, en réfléchissant à la question suivante : «En étant ici, qu'est-ce qui vous manque de là-bas ? »
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Bio
Emiliano Moreno Quesada est un artiste qui travaille avec la photographie, la sculpture et l'installation, basé à Tiohtià:ke - Mooniyang (Montréal). Ses œuvres font souvent appel à l'humour et à l'appropriation pour créer un réseau complexe d'idées et d'associations. S'inspirant des memes et de la culture numérique , Emiliano tente d’explorer leurs fonctions dans l'histoire de l'art et la vie contemporaine en leur donnant une forme physique. En tant qu'immigrant mexicain élevé au Canada, son travail est centré sur les notions identitaires et de lieu, en particulier sur la façon dont il occupe un espace intermédiaire, une zone de transition. Il s'intéresse à la manière dont cet état peut être traduit et relié à ses méthodes de travail précédentes, alors qu'il étudie son identité en tant que collection d'images et d'objets contradictoires.
Statement
Il regarde un père et son fils et leur demande audacieusement : « Qu’est-ce que vous êtes ? »
Banco-02 fait partie d'un projet en cours qui explore l'ambiguïté de l'identité.
Ce projet vise à engager une conversation sur la dualité des objets et des œuvres d'art et sur la manière dont ils peuvent fonctionner dans un espace tel qu'une galerie. Plus précisément, comment les codes de ces objets et de l'architecture peuvent être interrogés pour refléter l'instabilité de la classification des œuvres d'art et de la perception du public.
Grâce à l'anonymat, l'œuvre peut exprimer sans être explicite, et matérialiser l'agitation qui peut résulter d'une existence entre les deux
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Bio
Denise A. Olivares est une éducatrice en art et une artiste interdisciplinaire d'origine chilienne qui travaille et réside à Tiohtià:ke/Montréal. Inspirée par l'histoire et la culture de sa famille, ses œuvres textiles et ses installations se concentrent sur les thèmes de la mémoire, de l'identité et de l'archive. Par le biais de la photographie, ses "observations urbaines" s'appuient souvent sur une approche minimaliste, située quelque part entre le photodocumentaire et la photographie sérielle. Au cours de la dernière décennie, elle a développé un corpus d'œuvres qui explorent son identité, son corps et son mouvement par le biais de la photo et la vidéo performance.
Description du projet
Les motifs, les couleurs, les textures et les odeurs de nos vêtements et des tissus qui nous entourent au quotidien révèlent les traces de nos expériences vécues. Que nous ayons ou non un lien étroit avec ces matériaux textiles, il y a une histoire à raconter. Ma pratique en fibres s'appuie sur ces histoires de vie pour réanimer le passé et resituer les souvenirs dans le présent. Ainsi, les souvenirs du passé deviennent partie intégrante d'une expérience commune actuelle.
En commençant par des draps de lit récupérés et des vêtements personnels accumulés, j'ai demandé un article vestimentaire à chaque personne participant à A.llegades. Chaque pièce a été déconstruite et assemblée en une pièce tissée et incorpore des contributions textuelles liées aux souvenirs de nos histoires uniques tout en traçant une narration combinée avec des photographies personnelles.
Pendant la réalisation de cette pièce, chaque phase comprenait un mouvement répétitif qui nécessitait de l'endurance. Grâce à sa (ses) forme(s) circulaire(s), cette œuvre renvoie à des notions d'unité et de mouvement continu qui intègrent une approche mixte impliquant des techniques de crochet, de transfert d'images et de broderie.
Courtesy of the artist
Bio
Armando Rivas est un artiste vénézuélien qui est actuellement en voie d’immigrer au Canada. Il est un étudiant en architecture recalé devenu charpentier renégat et organisateur communautaire. Sa pratique se penche sur les intersections et les relations entre l'économie des conditions de travail et le développement technologique dans le cadre de l'histoire de l'architecture.
Statement
Dentro del Almacen [À l'intérieur de l'entrepôt] est une sculpture sur bois qui s'inspire de la sculpture médiévale européenne et des traditions des muralistes mexicains. La petite tablette est fabriquée à partir de bois de palettes cassées, que j’ai collecté dans les différents entrepôts où j'ai travaillé. Elles ont été collées ensemble afin de créer une masse solide sur laquelle j'ai gravé l'image à l'aide d'une défonceuse à commande numérique. Le résultat est un montage d'images de différentes expériences où j’ai frôlé la mort en travaillant dans des conditions précaires. Tel un collage de souvenirs, l'image inclut des détails dérivant d'histoires que j'ai entendues par d'autres travailleur.euse.s à travers le pays.
J'ai beaucoup réfléchi à la façon dont les entrepôts sont un élément essentiel de la ville canadienne post-industrialisée. L'entrepôt est comme un carré de sable pour l'entreprise, avec de vastes espaces qui peuvent être reconfigurés en fonction des besoins. D’un côté le travail en entrepôt m'a permis d'accéder facilement à des matières premières, à des outils, à de l’espace d’entreposage pour mes œuvres d'art et à des expériences d'apprentissage qui m'ont permis de compléter ce projet. Cela dit, les entrepôts sont aussi des lieux de travail difficile et manquent souvent d’un niveau de confort de base, tels que de l'isolation ou même la présence des salles de bains. Leurs murs métalliques nus et leurs voûtes qui résonnent nous donnent l'impression d'être très isolés. Les travailleur.euse.s des entrepôts utilisent souvent des outils dangereux et son exposé.e.s à de nombreuses substances toxiques. Bien que les entrepôts puissent agir comme des lieux de création, leur environnement de travail comporte des risques considérables pour la santé des travailleur.euse.s.
Mes observations se sont transformées en une méditation sur les coûts encourus dans le monde industriel, mais aussi dans le monde de l'art. L'entrepôt est un élément essentiel exposant la disponibilité et l'abondance des produits inhérents aux modes de vie contemporains. D’autant plus, ces sites soulignent la façon dont nos modes de vie reposent sur la pollution et l'exploitation des groupes marginalisés qui travaillent dans ces environnements dangereux.
Courtesy of the artist
Bio
Sarabeth Triviño est une artiste textile d’origine chilienne qui vit et travaille à Tiohtià:ke/Montréal. En 2008 elle devient membre artisane professionnelle du Conseil des métiers d’arts du Québec. En 2017, elle obtient le diplôme de baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’UQÀM. Actuellement elle poursuite ses études à la maîtrise en Fibres & Material Practices à Concordia. Ses œuvres se développent selon une pratique hybride en arts visuels avec des référents aux métiers d’art et à l'artisanat. Ainsi, dans ses projets, elle intègre des techniques telles que le crochet, le macramé, le tricot et la broderie. Sa pratique textile politique est inspirée par des questions environnementales et sociales tissées avec des connotations féministes.
Description du projet
Leurs pieds qui marchent révèlent un destin. Leurs chemins les conduisent à travers l'espace et le temps, s'appropriant peu à peu ces territoires comme un symbole de résistance. Leurs empreintes transcendent le temps comme une trace de leurs identités, d'un temps passé et la promesse d'un avenir meilleur. Comme un acte archéologique, je creuse couche par couche jusqu'à ce que je trouve les histoires des femmes. Ces récits résonnent et nous interpellent avec un désir de revendication politique et un besoin de contester les injustices. Leurs empreintes de pas sont des témoignages vivants: elles ont envahi les rues; elles ont traversé les frontières; elles ont fait entendre leur voix. Petits et grands pieds couverts de terre marchent à la recherche de nouveaux chemins. Elles ont toutes un nom, une famille, une origine, des ancêtres; femmes défenseuses des forêts et des rivières, gardiennes des semences, chercheuses d'ossements; des femmes qui marchent en traçant des chemins, en reconfigurant de nouveaux territoires et en défiant les frontières pour construire de nouveaux avenirs. Elles ne marchent pas seules, elles (s’) accompagnent, (se) mobilisent et (s') organisent. Leurs empreintes font partie de l'héritage historique laissé par leurs corps, et leurs pas se poursuivent en quête de vérité et de justice.
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La broderie sur jute rappelle les arpilleras chiliennes traditionnelles, lorsque les femmes s'organisaient collectivement pour dénoncer et raconter leurs histoires à travers des pièces brodées dans un contexte sociopolitique violent pendant la dictature militaire au Chili.
Courtesy of the artist
Bio
Elsy Zavarce est une artiste visuelle multidisciplinaire dont les œuvres ont été présentées au Venezuela, au Canada et aux États-Unis et figurent dans des collections privées et publiques, notamment au Musée des Amériques. Elle a participé à de nombreuses expositions et entrepris des projets individuels, ce qui lui a valu une reconnaissance et des accolades dans le domaine des arts, dont une mention spéciale au salon d'art d'Aragua (2012) et le premier prix d'œuvre tridimensionnelle au salon d'art des Caraïbes (2000). Parmi ses accomplissements, il convient de mentionner ses projets en tant qu’artiste-commissaire, tels que Ene Incident (1999-2014), Body in Question (Cuerpo en Cuestión) (MACZUL 2018), et Confined Bodies (Maczul 2020). Zavarce poursuit actuellement un doctorat au département d'éducation de l’art de l'Université Concordia et se concentre sur l'exploration des rôles des artistes, des éducateur.trice.s et des conservateur.trice.s dans la promotion de communautés de pratiques socialement engagées et la cocréation d'espaces urbains qui inspirent l'imagination et cultivent un sentiment d'appartenance, de résilience et de résistance. Elle coordonne également ESCOLARTE, un programme éducatif au MACZUL (Musée d'art contemporain de Zulia).
Description du projet
Reparative Mapping se penche sur les concepts de frontières, de territoires, de déplacements et de représentations. L'installation comprend des fragments réparés de mon œuvre de 2014, Arqueologia Ludica II : 100 días, qui rendait hommage aux étudiants qui ont fui le Venezuela au début de l'année 2014 en raison de la situation sociopolitique précaire. À l'époque, je ne doutais pas encore que je ferais moi-même partie de la diaspora vénézuélienne.
Les pièces en forme de canneton ont été découpées d’une courtepointe familiale bleue et ont été brodées et réparées le long des bordures. Dans Reparative Mapping, ces pièces ont été raccommodées collectivement par le groupe d'artistes participant à A.llegades. Elles sont exposées sur le mur en conjonction avec une carte des Amériques à l'envers, alignée sur les pays d'origine de chaque artiste. Cette carte illustrée est une allusion directe à America Inverted (1943) de l'artiste uruguayen Torres Garcia. Une vidéo ludique mettant en scène une carte animée nous incite à nous interroger et à nous engager dans une représentation dialogique des relations entre les mouvements migratoires et les frontières.
Pour moi, l'acte de réparation et de réfection de l'installation de 2014 avec la communauté a été un processus de guérison des liens et de culture de relations significatives. Servant initialement de mécanisme d'adaptation au deuil migratoire, mon exploration a maintenant évolué pour envisager de nouvelles façons de visualiser les territoires, les déplacements et les frontières.
À propos de l'équipe curatoriale
María Andreína Escalona De Abreu est une artiste visuelle vénézuélienne, écrivaine, commissaire indépendante basée à Tiohtiá:ke/Montréal. Elle a obtenu un baccalauréat en Fibres et pratiques matérielles à l'Université Concordia en 2022 et elle développe sa pratique commissariale depuis septembre en tant que commissaire en résidence à la galerie FOFA. Sa pratique artistique vise à enchevêtrer l’image, la linguistique, le textile et l'imprimé afin de connecter et d’émouvoir les membres de sa communauté, tout en offrant de nouvelles perspectives à un public plus élargi. Le travail d'Escalona est une lettre d'amour à ses racines vénézuéliennes et à son présent canadien.
Pierina Corzo-Valero (elle/iel) est une artiste interdisciplinaire et une écrivaine, qui poursuit actuellement un baccalauréat en beaux-arts en fibres et pratiques matérielles à l'Université Concordia. Elle travaille à la FOFA Gallery en tant qu'assistante en communications et préposée à la galerie depuis 2022. Corzo-Valero a écrit un article sur la phénoménologie queer et l'art brésilien qui a été sélectionné par CUJAH pour publication en 2023. Leurs installations ont fait partie d'expositions collectives au CTRL Lab, à la VAV Gallery et à la Galerie onze. Dernièrement, iel se concentre sur sa pratique de tissage, explorant les intersections entre le texte et le textile, le tissage et l'écriture.
Remerciements
Emiliano remercie María A. Escalona, la Galerie FOFA, Isabelle Mae-Yen Bredt, Pablo Perez Diaz, Ayisha Thier et Stamátios Fragos.
Elsy remercie les artistes d’A.llegades, tous les participants d’avoir fait du raccommodage avec elle et d’avoir partagé leurs histoires, et Alejandrina H. Z. pour son soutien technique.
Juan Pablo remercie Liv Aspden et Kevin Teixera.
Marguerite remercie les personnes au Chili qui ont contribué par leurs réponses à la vidéo, et qui lui ont permis d’imaginer un lieu intermédiaire, qui unit l’ici et l’ailleurs. De plus, elle remercie ceux qui connecteront avec l’œuvre d’art et laisseront un parcelle d’eux dans l’installation murale.
Sarabeth remercie toutes les femmes qui ont eu la gentillesse de contribuer au projet avec leurs empreintes de pied et récits.
María remercie Helen Park, Miao Li, Armando Rivas, Eli Bjedov-Stanković, eunice bélidor et le Conseil des arts et des lettres du Québec.
Pierina remercie María pour sa confiance et pour lui avoir permis de contribuer à un projet aussi significatif. Elle remercie également Jasmine Sihra et Joé Côté-Rancourt pour leur soutien dans le cadre de cette exposition.
Armando R. remercie The Big Boss, La Abuela, El Hombre Bravo et toute l'équipe de la FOFA.