La mesure des métabolites à l’échelle moléculaire peut avoir d’importantes retombées sur les soins aux patients, selon une chercheuse de Concordia
Nous aimerions tous profiter de médicaments plus efficaces et du savoir nécessaire pour mieux traiter les maladies. Mais trouver le traitement qui convient à une personne – et peut-être uniquement à elle – peut exiger un long et fastidieux tâtonnement.
Heureusement, la complexité de ce processus diminue peu à peu du fait que nous comprenions de mieux en mieux la biologie humaine à l’échelle génétique, l’interaction entre les gènes ainsi que l’incidence des facteurs non héréditaires.
Bienvenue dans l’univers de la métabolomique : un champ d’études relativement nouveau que la revue Nature Methods a déclaré l’une des dix avenues de recherche à surveiller au cours des années à venir. C’est un sujet qui passionne Dajana Vuckovic, chimiste et bioanalyste à l’Université Concordia.
Dans un article paru tout récemment dans la revue Chemical Communications, Mme Vuckovic, professeure agrégée, titulaire de la chaire de recherche de Concordia en chimie et en biochimie et directrice du Centre d’applications biologiques de spectrométrie de masse, fait état de plusieurs défis auxquels font face aujourd’hui les spécialistes du domaine.
Elle explique par ailleurs comment il est possible, en ayant recours à la métabolomique, d’améliorer les soins aux patients grâce à la médecine personnalisée.
« La métabolomique est une science récente qui consiste à mesurer de petits métabolites dans des échantillons biologiques, comme le sang, l’urine ou la salive », explique la Pre Vuckovic.
« Il peut s’agir de lipides, de glucides, de vitamines – n’importe quel type de molécule générée par l’organisme. Nous mesurons le produit de l’activité des gènes et des protéines. L’objectif est de doser des centaines, voire des milliers de ces métabolites au cours d’une seule analyse – c’est ce qui distingue la métabolomique des approches classiques. »
Alors que la génomique – un domaine apparenté – explore la constitution génétique de systèmes biologiques en vue d’établir une sorte de plan maître de l’organisme, la métabolomique examine ce qui se passe à l’intérieur d’un système particulier, à un moment précis, alors que toutes ses composantes sont en action.
En termes plus simples, la constitution génétique d’une personne – que ce soit durant la petite enfance, à l’adolescence, dans la quarantaine ou au troisième âge – demeure la même tout au long de sa vie. Cependant, le profil métabolomique de cette personne varie grandement – même d’une journée à l’autre – et apporte une nouvelle couche d’information biochimique.
« Les gènes codent pour les protéines, puis les fabriquent. Or, ces protéines sont les constituants des molécules que nous voulons mesurer, explique la chercheuse. En mesurant ces molécules simultanément, nous pouvons arriver à comprendre leurs mécanismes et la manière dont différents facteurs peuvent les influencer; il peut s’agir d’une maladie, d’un régime alimentaire, d’un exercice physique ou encore, de la prise d’un médicament – n’importe lequel de ces facteurs aura une incidence perceptible sur le profil métabolomique. »
Aussi passionnant qu’il en a l’air, ce champ d’études présente toutefois plusieurs défis importants pour les chercheurs, souligne la Pre Vuckovic. Il faut notamment apprendre à distinguer les métabolites endogènes – composants génétiques synthétisés par l’organisme, ou métabolomes – des métabolites exogènes, c’est-à-dire ceux qui sont le résultat d’un régime alimentaire, d’une exposition à un agent environnemental, de l’utilisation de produits cosmétiques ou d’autres éléments externes.
Parmi les autres difficultés qui compliquent les travaux de recherche dans le domaine, on trouve les problèmes de chimiodiversité, les grandes plages de concentration possibles et la capacité des chercheurs à identifier les métabolites avec un haut degré de confiance et de précision.
« Le potentiel que recèle la métabolomique reste néanmoins immense », commente la Pre Vuckovic.
Par exemple, elle entrevoit de vastes possibilités sur le plan de l’identification de biomarqueurs – substances mesurables qui signalent souvent la présence d’une maladie, d’une infection ou d’une exposition à un agent environnemental.
En comparant des échantillons prélevés chez un patient en bonne santé à ceux obtenus quand cette même personne est malade, il est possible de repérer certaines molécules qui sont présentes dans un cas, mais pas dans l’autre. Ces molécules peuvent par la suite devenir des biomarqueurs d’une maladie précise.
La gamme des applications est très large, ajoute-t-elle. Parmi les principaux domaines où la génomique pourrait être utile, on compte la biochimie, les sciences biologiques, la médecine, la chimie, l’agriculture, la sécurité alimentaire, la biotechnologie, la pharmacologie, la toxicologie, la découverte de médicaments, l’immunologie, la microbiologie et les sciences environnementales.
Dans son laboratoire, Dajana Vuckovic explore aussi des méthodes que peuvent utiliser les chercheurs pour accroître le nombre de métabolites mesurables dans une seule goutte de sang.
« C’est un champ d’étude en pleine ébullition, se réjouit-elle. La métabolomique telle que nous la pratiquons aujourd’hui n’est apparue qu’au début des années 2000, après la révolution génomique. Il reste donc beaucoup de travail à accomplir sur le plan de la méthodologie, c’est-à-dire la manière dont les études sont menées. »
Lisez le texte intégral du compte rendu de l’étude : Improving metabolome coverage and data quality: advancing metabolomics and lipidomics for biomarker discovery.
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