Des étudiants de Concordia font appel à la biologie synthétique pour résoudre la crise des opioïdes
Entre janvier 2016 et mars 2019, on a recensé au Canada plus de 12 800 décès liés aux opioïdes. En réponse à ce fléau toujours actuel, l’équipe iGEM de Concordia a élaboré la technologie Quantifen. Celle-ci fait appel à un tatouage doté d’un biocapteur qui détecte le fentanyl, un narcotique synthétique. L’acronyme iGEM (pour International Genetically Engineered Machines) désigne une équipe d’étudiants du premier cycle qui participe au Concours international de mécanismes génétiquement modifiés.
« Quand nous avons appris le nombre de surdoses accidentelles au fentanyl, nous avons voulu concentrer nos efforts sur un produit pouvant contribuer à prévenir leur survenue après consommation », expose Lancia Lefebvre, cochef de l’équipe et étudiante au premier cycle en biochimie.
Elle et sa collègue étudiante aux cycles supérieurs Kathy Mu (B. Sc. 2019) codirigent une équipe de neuf autres étudiants du premier cycle issus de divers départements – biologie; biochimie; génie électrique et informatique – ainsi que de la Faculté des beaux-arts. Tous et toutes profitent des conseils de camarades étudiants aux cycles supérieurs et de leur mentor Aashiq Kachroo, chercheur principal et professeur adjoint au Département de biologie.
L’équipe se prépare à présenter Quantifen au iGEM 2019 Giant Jamboree, une mégacompétition de biologie synthétique qui aura lieu à Boston du 31 octobre au 4 novembre prochains. Ce concours international de biologie synthétique et de génie biologique réunit des centaines d’équipes et des milliers d’étudiants, principalement du premier cycle, qui conçoivent des systèmes génétiquement modifiés.
Un tueur puissant et sournois
Le fentanyl est un opioïde synthétique cent fois plus puissant que la morphine. Selon Santé Canada, moins de deux milligrammes sont nécessaires pour causer une surdose chez l’adulte.
Le caractère létal du fentanyl est en outre dû à sa présence insoupçonnée dans d’autres drogues illicites. De fait, la majorité des décès surviennent chez des personnes qui ignorent comment la substance a pu pénétrer dans leur organisme.
Depuis 2013, on observe un pic dans la consommation illégale de fentanyl en raison de sa puissance et de son faible coût de production. La crise des opioïdes a ainsi atteint des sommets sans précédent. Le nombre de morts causées par le fentanyl et les substances apparentées au Canada a augmenté de 21 pour cent de 2016 à 2018.
L’Institut canadien d’information sur la santé enregistre depuis 2013 une hausse des empoisonnements au fentanyl de 62 pour cent chez les adultes âgés de 25 à 44 ans, et de 53 pour cent chez les jeunes de 15 à 24 ans.
Si le fentanyl sert souvent à couper d’autres opioïdes tels que l’héroïne, « des traces de fentanyl ont également été décelées dans la cocaïne, la MDMA et même le cannabis », affirme Lancia Lefebvre.
Comment fonctionne Quantifen
La technologie de Quantifen se présente sous la forme d’un tatouage temporaire qui détecte la présence de fentanyl dans l’organisme et dont le fonctionnement s’apparente à celui du Fitbit.
Une alerte sur téléphone intelligent est émise à l’utilisateur de drogue, à ses proches ou aux services d’urgence afin de leur signaler que la drogue que celui-ci a consommée est contaminée, ce qui l’expose à une surdose.
Le tatouage temporaire est constitué d’un biocapteur non effractif adapté de manière à déceler la présence de fentanyl dans la sueur et les liquides tissulaires des cellules cutanées.
« L’hydrogel dont se compose le tatouage se gonfle quand il s’imprègne de sueur. Il absorbe alors de petites molécules – dont celles du fentanyl lorsqu’elles sont présentes – et les transfère dans la couche où se trouve le biocapteur », explique Kathy Mu.
« La liaison du biocapteur avec des molécules de fentanyl provoque l’expression de protéines qui déclenchent des réactions électrochimiques, ce qui crée un changement de couleur ou un signal électrique et active ainsi le système. »
Une fois le système activé, le circuit imprimé logé à l’intérieur de l’enveloppe du tatouage imprimé en 3D communique avec un téléphone intelligent par l’entremise d’une application et avertit l’utilisateur que du fentanyl a été détecté.
Des ambitions internationales
L’équipe iGEM de Concordia fait tout en son pouvoir pour bien se préparer à la mégacompétition de Boston.
La remise des médailles iGEM est assujettie à certains critères et, techniquement, toutes les équipes peuvent décrocher l’or. « Il y a aussi des grands prix dans toutes sortes de catégories allant de la conception logicielle aux pratiques humaines », souligne Lancia Lefebvre.
À la fin de septembre dernier, l’équipe a organisé une mini-foire iGEM à Concordia, lors de laquelle des équipes de l’Université Laval et de l’Université Queen’s ont présenté leurs projets et leurs résultats préliminaires, ainsi que des exposés sur affiches.
« Toutes les équipes étaient très emballées de participer à la mini-foire », relate Lancia Lefebvre. « Elles ont donné de formidables exposés, et les juges nous ont fait d’excellents commentaires qui, à notre avis, aideront sûrement les équipes à améliorer leur présentation. »
Par-dessus tout, l’équipe iGEM de Concordia espère obtenir plus de financement pour perfectionner son produit et optimiser la conception du système afin qu’il émette un signal le plus rapidement possible. Elle espère voir un jour sa technologie Quantifen offerte au grand public.
L’équipe iGEM bénéficie du généreux soutien de l’Université Concordia et du programme SynBioApps, créé sous la bannière FONCER du CRSNG.
Apprenez-en davantage sur les travaux multidisciplinaires qui ont lieu au Centre de biologie synthétique appliquée et à la Fonderie de génomes de Concordia.