La Galerie Leonard-et-Bina-Ellen de Concordia accueille la première grande exposition muséale solo de Shuvinai Ashoona
Qu’il illustre une scène naturaliste scrutée depuis la maison de l’artiste dans l’Arctique ou quelque monstrueuse vision fantastique, chaque dessin de Shuvinai Ashoona raconte une histoire en soi.
Jusqu’au 18 janvier 2020, la Galerie Leonard-et-Bina-Ellen de l’Université Concordia accueille la première grande exposition muséale solo de l’artiste inuite. Trente-trois dessins – aux dimensions et techniques variées – réalisés dans les quinze dernières années y sont présentés.
Michèle Thériault, directrice de la Galerie Leonard-et-Bina-Ellen, a programmé l’exposition dans le cadre d’une vaste initiative de l’établissement visant la présentation périodique d’activités de commissariat et de pratiques autochtones.
Il y a deux ans, de concert avec Heather Igloliorte, chercheuse inuite et professeure agrégée au Département d’histoire de l’art, la galerie proposait ainsi l’exposition Au cœur de la toundra. Les pratiques inuites s’y juxtaposaient à celles d’autres collectivités de l’Arctique, et ce, à l’échelle internationale.
« Cette rétrospective consacrée à Shuvinai Ashoona s’inscrit dans un effort continu de faire rayonner pleinement l’art et le savoir inuits à Montréal en général et à Concordia en particulier », précise Mme Thériault.
The Power Plant, Contemporary Art Gallery de Toronto a organisé et mis en circulation l’exposition.
Selon la commissaire Nancy Campbell, Shuvinai Ashoona occupe une place privilégiée tant parmi les artistes inuits que sur la scène canadienne de l’art contemporain.
Regarder une œuvre de Shuvinai Ashoona, c’est à la fois découvrir et s’émerveiller
Que nous réserve l’exposition Cartographier des univers?
Nancy Campbell : Récentes, les œuvres présentées se distinguent des premiers dessins en noir et blanc qu’a réalisés Shuvinai Ashoona au sein de sa collectivité natale : Kinngait au Nunavut.
Pour créer, l’artiste se sert de stylos Fineliner, de crayons de couleur et de crayons au graphite. Les histoires dessinées qu’elle imagine enchevêtrent fiction et réalité. Par exemple, elles combinent à des représentations atypiques du monde des éléments de récits ainsi que des souvenirs transmis par des aînés.
Regarder une œuvre de Shuvinai Ashoona, c’est à la fois découvrir et s’émerveiller. En effet, chacune propose une histoire dans une histoire via un élément de surprise, une observation, une tournure inattendue ou une référence. C’est là qu’éclate le génie de la créatrice en matière de communication narrative et que s’exprime son refus intuitif de chercher à donner systématiquement un sens à toute chose.
Quand avez-vous découvert l’œuvre de Shuvinai Ashoona? Comment a débuté votre relation professionnelle?
Nous avons entamé une collaboration en 2003 à la suite de mon premier séjour à Kinngait. Je préparais alors une rétrospective de l’œuvre d’Annie Pootoogook, née en 1969 et décédée en 2016. En 2006, j’ai monté une exposition pour la Alberta Art Gallery: elle réunissait des créations d’Annie Pootoogook, de Shuvinai Ashoona et de Siassie Kenneally, née en 1969 et morte en 2018. Cousines, les trois artistes ont pérennisé la tradition graphique existant à Kinngait.
Mon intérêt pour Shuvinai Ashoona n’a cessé de croître tandis qu’elle évoluait dans sa démarche artistique. D’ailleurs, j’ai rédigé une monographie sur sa vie et sur son œuvre pour le compte de l’Institut de l’art canadien.
En quoi cette exposition s’inscrit-elle dans la discussion élargie sur l’art inuit?
En fait, il faudrait plutôt se demander où se situe l’exposition dans le cadre du vaste débat entourant l’art contemporain. J’ai la ferme conviction que l’œuvre de Shuvinai Ashoona, artiste vivant et créant au Canada, est – et doit être – considérée dans la perspective multidimensionnelle de l’art contemporain.
Même si l’art inuit présente des antécédents de marginalisation, il relève de l’art contemporain – par opposition à l’art touristique ou à toute autre forme d’expression artistique employée au Canada. Il doit notamment cette reconnaissance à la production révolutionnaire d’Annie Pootoogook et d’autres créateurs de sa génération. La tenue de l’exposition s’insère dans cet épisode canadien de l’histoire de l’art. Dans une optique muséale, elle favorise la présentation de l’art inuit dans un contexte plus large qu’avant.
Nancy Campbell est commissaire d’art inuit et contemporain. Actuellement commissaire invitée à la Collection McMichael d’art canadien, elle a précédemment occupé les postes suivants : conservatrice au Centre d’art MacDonald Stewart (maintenant Galerie d’art de Guelph) de l’Université de Guelph; directrice de la Galerie d’art Doris-McCarthy de l’Université de Toronto à Scarborough; commissaire associée au Power Plant de Toronto; commissaire de projets spéciaux au Musée des beaux-arts de l’Ontario; et, en 2014-2015, rédactrice en chef de la revue trimestrielle Inuit Art Quarterly. Ses recherches actuelles portent sur le dessin inuit contemporain.
L’exposition ᓱᕕᓇᐃ ᐊᓲᓈ : ᓄᓇᙳᐊᓕᐅᕐᓂᖅ ᓄᓇᕐᔪᐊᙳᐊᓂᒃ (Shuvinai Ashoona : Cartographier des univers) se tient jusqu’au 18 janvier 2020 à la Galerie Leonard-et-Bina-Ellen – située au 1400, boulevard De Maisonneuve Ouest.
Le vernissage a lieu le mercredi 30 octobre, de 17 h 30 à 19 h 30.
Des visites guidées axées sur le dialogue sont offertes sur réservation. Veuillez prendre rendez-vous par courriel, à l’adresse robin.simpson@concordia.ca.
L’ensemble des participants à la programmation publique de Cartographier des univers est d’origine inuite.
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