Concordia souligne avec tristesse le 30e anniversaire de la tuerie de l’École polytechnique
Le 6 décembre marque le triste anniversaire du meurtre de 14 jeunes femmes à Polytechnique Montréal, victimes d’un tireur les ayant prises pour cibles parce qu’elles étaient des femmes.
Cette année, à l’occasion du 30e anniversaire de cette tragédie, l’Université Concordia souligne leur perte, se penche sur les progrès réalisés au chapitre de la parité et cède la parole à des ingénieures qui sont de véritables modèles dans leur domaine.
Trois diplômées de Concordia reviennent sur ce que leur a fait vivre la tuerie de l’École polytechnique. Elles parlent également de l’avenir et de l’importance d’encourager les femmes à prendre pleinement leur place en génie.
Réflexions de Gina Cody sur l’inclusion
Le souvenir de la fusillade éveille de vives émotions chez Gina (Parvaneh Baktash) Cody (M. Ing. 1981, Ph. D. 1989), qui a donné son nom à l’École de génie et d’informatique Gina-Cody.
La voix tremblante, Mme Cody affirme avoir été bouleversée en apprenant qu’une fusillade s’était produite au Canada, son pays d’adoption pourtant pacifique.
« Ce drame m’a profondément marquée, dit-elle. Il nous amène à réfléchir à la façon dont les femmes sont traitées et nous rappelle que nous devons tracer la voie pour les autres. Cette tragédie a surtout fait naître en moi la détermination et la force nécessaires pour défendre les droits des femmes. »
Malgré l’écart entre les sexes qui persiste en sciences, en technologie, en génie et en mathématiques, Mme Cody souligne que les jeunes femmes n’ont heureusement plus à affronter le même degré de sexisme qui prévalait dans le domaine il y a 40 ans.
« Je me réjouis que nous en parlions enfin, qu’il y ait maintenant une école de génie portant le nom d’une femme et que les jeunes femmes sentent de plus en plus qu’elles ont leur place en génie et en informatique », poursuit-elle.
« Tandis que nous marquons le 30e anniversaire de la tuerie, il est temps de sortir du carcan des traditions et des stéréotypes. Le seul moyen de s’épanouir passe par l’action. Nous devons aussi sortir de l’ombre des hommes en génie et en informatique. »
Mme Cody souhaite voir les femmes jouer un rôle clé dans la quatrième révolution industrielle – la prochaine période de transformation qui sera caractérisée par l’automatisation, les mégadonnées, l’intelligence artificielle, l’industrie 4.0 et l’Internet des objets.
« Sans une représentation adéquate des femmes et des minorités en génie et en informatique, une partie de la population sera laissée pour compte pendant la quatrième révolution industrielle et le monde continuera d’être pensé pour les hommes et par les hommes, souligne Mme Cody. L’inclusion est essentielle pour que les besoins de tous soient pris en compte. »
Réflexions de Marina Mississian sur l’initiative 30 en 30 d’Ingénieurs Canada
À la suite de la tuerie de l’École polytechnique, le devoir social d’encourager et de mettre en valeur les femmes en génie s’est imposé à Marina Mississian, diplômée de Concordia (B. Ing. 1989).
Ingénieure électricienne, Mme Mississian est directrice principale de la division des systèmes spatiaux mondiaux d’Honeywell Aerospace. Elle dirige les activités internationales liées aux technologies spatiales de l’entreprise, qui fournit de l’équipement pour les communications satellites, l’observation de la Terre et l’exploration spatiale.
Mme Mississian voit d’un très bon œil l’initiative 30 en 30 d’Ingénieurs Canada, qui vise à faire en sorte que 30 % des nouveaux ingénieurs soient des femmes en 2030.
« Le milieu souhaite changer les choses, affirme Mme Mississian. Nous progresserons vers la parité, mais il faut susciter l’intérêt des filles dès l’enfance. »
Mme Mississian venait tout juste de terminer ses études à Concordia lors de la tuerie.
« Ma sœur et moi étions rivées à la télévision chez mes parents, à Montréal, se remémore-t-elle. Il était difficile de se remettre de cette nouvelle. Comme bien des gens, j’étais révoltée. Mais j’ai aussi alors pris conscience de ma place comme femme au début de ma carrière. Sans doute d’abord inconsciemment, j’ai pris la décision d’encourager et de mettre en valeur les femmes autant que possible. »
Réflexions de Carmelina Borsellino sur l’égalité et l’embauche
Carmelina Borsellino (B. Ing. 1986) travaillait comme ingénieure depuis trois ans seulement lors de la tragique soirée du 6 décembre.
« Toute la ville était sous le choc », se souvient Mme Borsellino, maintenant vice-présidente et ingénieure en chef à FM Global, société d’assurance immobilière multinationale établie au Rhode Island. Mme Borsellino y gère les activités liées à l’intégrité, à l’orientation et au développement des solutions techniques de prévention des sinistres dans les situations d’incendie et d’explosion, de catastrophe naturelle, de cybercrime et d’accidents causés par des chaudières et des machines.
« J’ai été profondément secouée, car j’aurais pu être parmi ces femmes. Je savais ce que c’était d’être une des rares femmes dans une classe remplie d’hommes le soir. Elles ont dû être terrifiées. »
Mme Borsellino se réjouit de voir augmenter le nombre de ses consœurs dans le domaine.
« Mais il n’y a pas suffisamment de femmes, déclare-t-elle. La Society of Women Engineers, dont je suis membre, a intensifié ses démarches de recrutement aux États-Unis, au Canada et ailleurs. J’essaie toujours d’apporter ma contribution au recrutement des employés, pour que le nombre de femmes parmi les ingénieurs sur le terrain (poste de débutant) atteigne 47 % au sein de FM Global. Il n’y avait qu’environ 6 % de femmes dans le domaine au moment de la tuerie, donc les choses évoluent. »
Riya Dutta, étudiante de quatrième année en génie logiciel
Riya Dutta, étudiante de quatrième année en génie logiciel et présidente de l’association étudiante Women in Engineering de l’Université Concordia, a été bouleversée lorsqu’elle a entendu parler pour la première fois du massacre.
« J’ai cherché sur Google et j’ai vraiment réalisé ce qui s’était passé en voyant les photographies de quatorze étudiantes, » se souvient Riya Dutta, qui a quitté l’Inde pour le Canada il y a six ans.
Elle souligne que ses pairs masculins – des étudiants et des superviseurs de stages – ne doutent ni de ses aptitudes ni du fait qu’elle possède les qualités nécessaires pour être en génie.
« Mais une certaine mentalité de “boys club” persiste dans le domaine, concède-t-elle. Il faut en dénoncer les manifestations. Certains la perpétuent sans même en être conscients. Des alliés masculins doivent reconnaître qu’il ne s’agit pas que d’un problème de femmes. C’est aussi un problème d’hommes. »
Venez assister à la cérémonie aux chandelles organisée par l’association étudiante Women in Engineering de l’Université Concordia, le 6 décembre, de 12 h 30 à 13 h, dans le batiment J.W. McConnell.
Apprenez-en davantage sur l’École de génie et d’informatique Gina-Cody.