Une professeure de Concordia s’associe aux Cris pour protéger un territoire autochtone de plus de 30 000 km2
Comment les communautés autochtones peuvent-elles protéger leurs terres et leurs eaux le mieux possible, et quel rôle les alliés allochtones doivent-ils jouer?
Dans le cadre d’un projet remontant à plus de deux décennies, des membres de la communauté crie de Wemindji, située sur la côte de la baie James, au Québec, ont collaboré avec Monica Mulrennan et une équipe multidisciplinaire de chercheuses et chercheurs universitaires dans le but de protéger une partie de leur territoire traditionnel contre le développement des ressources à grande échelle.
« Il importait grandement d’adopter une approche partenariale qui tenait compte des priorités et des aspirations des Cris en matière de protection environnementale », explique Mme Mulrennan, professeure agrégée de géographie, urbanisme et environnement à la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia. La chercheuse est par ailleurs vice-rectrice adjointe à la recherche – Développement et rayonnement au Vice-rectorat à la recherche et aux études supérieures.
Financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), le partenariat de recherche rassemblait des spécialistes des sciences naturelles et sociales ainsi que des membres de la communauté en vue d’explorer les façons dont ceux-ci peuvent protéger leurs terres dans un contexte où la pression exercée par le développement intensif va croissant.
Les résultats de ce projet collectif sont relatés dans Caring for Eeyou Istchee: Protected Area Creation on Wemindji Cree Territory, un ouvrage dirigé par la Pre Mulrennan en collaboration avec Colin Scott et Katherine Scott, de l’Université McGill.
« Eeyou Istchee » désigne la patrie traditionnelle des Cris de la baie James, dans le Nord-du-Québec.
Publié en novembre 2019 par UBC Press, le livre comprend 14 chapitres rédigés par 29 collaborateurs, dont deux coauteurs cris et deux étudiants aux cycles supérieurs de Concordia.
« Nous sommes allés jusqu’au bout! »
Aux prises avec une décision difficile, soit l’approbation d’une vaste mine d’or, la communauté de Wemindji a cherché des moyens de protéger un cinquième de son territoire contre le développement.
Aujourd’hui, deux importants bassins versants comptant 4 500 km2 sont protégés à perpétuité par la Réserve de biodiversité Paakumshumwaau-Maatuskaau. De plus, Parcs Canada et le Grand conseil des Cris envisagent de transformer un territoire marin de 25 000 km2 en aire marine nationale de conservation.
« L’ouvrage est important pour la communauté, car il montre que la collaboration avec des chercheuses et chercheurs d’établissements universitaires profite aux deux parties », affirme Rodney Mark, ancien chef de Wemindji, directeur actuel du développement social et culturel pour le gouvernement de la nation crie, et codirecteur du projet avec Colin Scott.
« Ce qui est inhabituel dans ce cas-ci, c’est que nous avons poussé au-delà de la recherche, ajoute Monica Mulrennan. Nous sommes allés jusqu’au bout. Nous avons collaboré avec la communauté et la province pour protéger la région! »
La Pre Mulrennan, avec l’aide des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs qui font partie de son groupe de recherche, continue d’ailleurs d’appuyer les efforts de conservation menés par les Autochtones. Ainsi, elle est actuellement chercheuse principale en matière de gouvernance de conservation autochtone au sein du Conservation through Reconciliation Partnership, financé par le CRSH, et du Centre pour la conservation et le développement autochtones alternatifs, financé par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture.
Préserver les liens
Monica Mulrennan, accompagnée de ses étudiantes et étudiants et souvent de sa famille, visite régulièrement Eeyou Istchee.
« Elle est magnifique, dit la chercheuse au sujet de la région protégée. Et elle contribue de manières vitales à préserver les liens des Cris au territoire de même que les activités, les connaissances, la langue et les coutumes des Cris qui y sont liés. »
Le projet répond ainsi aux appels à repenser exhaustivement la conservation en reconnaissant l’autorité continue des peuples autochtones au regard de la gestion de leurs terres et de leurs eaux. Les chercheuses et chercheurs universitaires peuvent du reste jouer un rôle important dans cette réflexion.
Rodney Mark est fier des résultats du projet de recherche de plusieurs années.
« De telles collaborations nous permettent de prendre part à des recherches constructives qui guident la communauté en matière de protection du territoire et de développement », conclut-il.
Apprenez-en davantage sur l’ouvrage Caring for Eeyou Istchee: Protected Area Creation on Wemindji Cree Territory, codirigé par Monica Mulrennan.
Renseignez-vous sur le Département de géographie, urbanisme et environnement de l’Université Concordia.